Les chiffres très positifs qu'affiche l'Algérie sont la conséquence directe de la flambée des prix du pétrole. Les prix du pétrole étaient en baisse. Autour de 59 dollars, hier, le brut semble bien parti pour ne pas rebondir, bien au contraire. La tendance est plutôt à la chute, même si pour l'heure, la pente paraît assez douce. En quelques années de flambée, le pétrole a fait la joie des Algériens. Le chiffre d'affaires du géant pétrolier Sonatrach a été, en 2005, de l'ordre de 40 milliards de dollars. La prévision pour 2006 tourne autour de 50 milliards de dollars. Cet «appel d'air» dont avait réellement besoin l'Algérie pour amorcer l'après-terrorisme sous de bons auspices, a permis au Trésor public d'engranger pas moins de 68,4 milliards de dollars de réserves de change, à juin 2007. Les observateurs de la scène économique nationale n'écartent pas la possibilité de voir ces réserves dépasser le seuil des 70 milliards de dollars à la fin de l'année. Un record dans l'histoire financière de l'Algérie qui vient s'ajouter à un autre «exploit», jamais réalisé depuis l'indépendance du pays. La dette extérieure qui était de plus de 32 milliards de dollars au début des années 90 se situera, à fin décembre prochain, à 5 milliards de dollars seulement. Cette santé financière, que vit le pays ces trois dernières années, a permis au président de la République d'engager le plus vaste programme de relance économique jamais lancé en Algérie. En effet, près de 100 milliards de dollars d'investissements de l'Etat dans les infrastructures de base. Un effort colossal qui a conduit à la réduction de moitié du taux de chômage, qui passe de 30% en 1999 à 15% à juin 2006. Un état de fait qui a poussé vers le haut le pouvoir d'achat des Algériens, dont le PIB dépasse les 3400 dollars par habitant. Ces chiffres, très positifs, sont la conséquence directe de la flambée des prix du pétrole. Dans une économie qui dépend à plus de 98% des hydrocarbures, un quelconque fléchissement du marché est automatiquement ressenti par la société qui, d'une manière ou d'une autre, vit de la rente pétrolière. L'on a vu le scénario catastrophe se produire en 1986, lorsque le baril de brut est tombé en dessous de 10 dollars. Les conséquences sur les Algériens ont été directes et aussi très néfastes: abandon de tous les projets de développement inscrits au moment où le pétrole se négociait à plus de 40 dollars, arrêt presque instantané de l'appareil de production, hausse subite du chômage et installation de la crise économique. Deux ans plus tard, c'est l'explosion d'octobre 1988. La suite, tout le monde l'a vécue. Aggravation de la crise économique et politique, intervention du FMI, une inflation à deux chiffres et chute vertigineuse du pouvoir d'achat des Algériens jusqu'à se situer parmi les plus bas au monde, ont fait le quotidien douloureux des Algériens. Tout cela sur fond de violence terroriste aveugle. 20 ans après le krach pétrolier de 1986, l'Algérie n'a, pour ainsi dire, rien fait pour améliorer son économie. Le pétrole pèse toujours aussi lourd sur les finances du pays. Aussi, la courbe descente qu'amorcent les prix du brut, ces derniers jours, fait craindre le pire à l'économie nationale et par extension pour les citoyens, dont l'activité, quelle qu'elle soit, tire sa «plus-value» de la recette pétrolière. Cela dit, les observateurs de la scène économique sont unanimes à dire que le danger est potentiel, mais les effets d'une chute des prix de l'or noir ne se ressentiront pas dans l'immédiat. En effet, les chiffres cités plus haut donnent un sursis de 3 à 4 années à l'Algérie qui devra, en principe, réussir à tout prix la mutation de son économie. Dans le cas contraire, la société va encore revivre le cauchemar de la décennie noire. Pis, une bonne partie des projets programmés dans le cadre du plan de soutien à la relance économique, risquent d'être gelés pour cause de «détournement» des enveloppes vers des secteurs que les pouvoirs publics jugeront prioritaires. Et pour cause, le budget de l'Etat, actuellement basé sur les recettes pétrolières, ne pourra pas financer le fonctionnement de l'administration et poursuivre le processus d'investissements publics, si, par malheur, le prix du pétrole venait à tomber du jour au lendemain. Faut-il souligner, à ce propos, qu'aucun spécialiste n'est capable d'annoncer la progression du marché pétrolier dans les jours à venir. Echappant totalement à tout contrôle, ce marché est justement en train de montrer des signes d'essoufflement indiquant la probabilité d'une crise. Les autorités centrales qui, retenant la leçon de 86, ont pris la précaution de conduire une politique financière prudente, auront mis l'Algérie à l'abri d'une crise majeure, mais pour un temps seulement. Quelques années, c'est une seconde dans la vie d'une nation.