«La variant Delta nous a surpris!» a admis le professeur Abderrahmane Benbouzid, ministre de la Santé. Un aveu d'échec pour un ministre de la République, qui s'exprimait en marge du lancement de la campagne de vaccination au niveau de l'Ecole nationale supérieure du tourisme (Enst) à l'hôtel El Aurassi, de concert avec le ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Yacine Hammadi. Or, dans son livre «La politique universelle», le politique français, Emile de Girardin, soulignait que «gouverner, c'est prévoir; et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte». En termes de pertes en vies humaines, elles se chiffrent en milliers. Plus de 4000 pour être exact. En affirmant que l'Algérie a été «surprise par le variant Delta», le ministre reconnaît une mauvaise préparation quant à l'arrivée du variant Delta en Algérie. À l'heure des nouvelles technologies, le département n'est apparemment point doté d'une cellule de veille stratégique, processus informationnel par lequel une institution se met à l'écoute de son environnement, dans le but de capter les signaux faibles permettant de réduire les menaces et de saisir les opportunités. La crise de la Covid-19 est la meilleure illustration de la nécessité d'une cellule de veille stratégique d'autant que des messages d'alerte ont commencé à circuler bien avant que le variant Delta n'atterrisse en Algérie. Aussi, dire que le «Delta nous a surpris», c'est admettre un manque d'anticipation, pour ne pas dire que nos dirigeants aiment se complaire dans leurs zones de confort. Or, plusieurs organismes, à l'instar de l'OMS, ont alerté, dès le début du mois de juillet sur la dangerosité de cette vague. De son côté, l'institut Pasteur d'Algérie a reconnu, officiellement, une accélération de l'activité du variant Delta en annonçant qu'«au 15 juillet, le variant Delta a supplanté tous les autres variants circulant jusque-là. Le variant Delta représente 71% des virus circulant en Algérie». Un simple bulletin d'alerte puisque les mesures nécessaires n'ont pas été prises, au point d'être «sonnés» par la «force Delta». À cet égard, le ministre de la Santé n'a pas hésité à l'attribuer à l'augmentation récente du nombre de décès, qui fait que les sujets contaminés se présentent à l'hôpital à un stade avancé de la maladie et pas uniquement en raison du manque d'oxygène. En filigrane, «c'est la faute aux patients». Selon Abderrahmane Benbouzid, même si des appareils respiratoires sont placés pour eux, ces derniers n'auront aucun effet sur leur état «en raison du dommage causé aux poumons», ce qui amène, selon ses propos, les autorités sanitaires à fournir cette matière «au profit des cas guérissables». Grave, Monsieur le ministre! De quel droit choisit-on qui doit vivre et qui doit mourir? Pourtant en islam, religion de l'Etat, article 2 de la Constitution, la vie et la mort sont des décrets de Dieu, le seul et unique créateur. «Dis: ´´Tout provient de Dieu.´´» (Sourate 4, verset 78). Concernant justement la pénurie de l'oxygène, tout en bottant en touche l'existence d'une crise, le ministre l'impute aux «fluctuations» provoquées par la forte demande de cette substance. Sur sa lancée, le ministre de la Santé a, même, nié l'indisponibilité de ce produit affirmant qu'il est «disponible en quantités suffisantes au niveau des établissements hospitaliers», ignorant ainsi les appels de détresse des médecins et des familles des patients en manque d'oxygène, dans les différentes structures sanitaires du pays. En effet, des dizaines de malades succombent à la Covid-19 à cause des problèmes respiratoires nécessitant de l'oxygène médical, selon les spécialistes sur le terrain. «Le nombre de décès est en constante hausse, dont certaines victimes succombent à cause du manque d'oxygène», indiquait le professeur Rachid Belhadj, directeur des activités médicales et paramédicales au CHU Mustapha Pacha d'alger, sur les ondes de la Radio nationale. Se voulant rassurant, en dépit des circonstances, le ministre a affirmé que les doses actuellement en stock «suffisent pour couvrir la demande, en attendant la réception, ce jour-même ou demain de plus de 8 millions de doses (Astra Zeneca, Sinovac, Spoutnik) au titre du quota du mois d'août, en sus d'un autre lot de 5 millions de doses devant être réceptionnés, durant le mois de septembre prochain». À l'automne, les feuilles tombent.