Les autorités nigérianes ont imposé un couvre-feu hier dans le centre du pays où l'attaque d'un convoi de pèlerins musulmans par une milice chrétienne dans la périphérie de Jos a fait au moins 23 morts la veille. Cette région est depuis des années le théâtre de conflits entre pasteurs nomades majoritairement musulmans et cultivateurs chrétiens, au sujet du contrôle de l'eau et des terres. Condamnant l'attaque, le président Muhammadu Buhari a affirmé dans un communiqué qu'il ne s'agissait pas cette fois d'une «confrontation entre agriculteurs et éleveurs - mais plutôt d'une attaque directe, éhontée aux motivations diaboliques». Samedi, «un groupe d'assaillants, suspectés d'être des jeunes Irigwe», ethnie majoritairement chrétienne, «ont attaqué un convoi de cinq bus avec des pèlerins musulmans» à bord, a déclaré un porte-parole de la police, Ubah Ogaba. La police avait d'abord fait état d'un bilan de 22 morts sur les 90 voyageurs, qui a grimpé à 23 hier.»Vingt-trois des personnes attaquées ont perdu la vie et 23 personnes ont été blessées», a déclaré le gouverneur de l'Etat, Simon Lalong, dans un communiqué. Le gouverneur a imposé un couvre-feu dans les districts de Jos Nord, Bassa et Jos Sud de 18 heures à 6 heures du matin, se disant inquiet «des tensions persistantes et des tentatives signalées de certaines personnes de faire la loi eux-mêmes». La police a annoncé l'arrestation de 20 suspects, tandis que 33 victimes ont été secourues. Muhammad Ibrahim, un survivant, a raconté que l'attaque s'était produite sur la route de Rukuba, en périphérie de Jos (Etat du Plateau), alors que les pèlerins revenaient de l'Etat voisin de Bauchi, où ils avaient célébré le nouvel an islamique. Un représentant local d'un syndicat d'éleveurs, l'Association Miyetti Allah des éleveurs bovins, Malam Nura Abdullahi, a lui fait état de 25 morts, précisant que les assaillants avaient utilisé «des machettes, des couteaux et des pierres pour les tuer». Pendant des années, Jos a été le théâtre de violences non seulement pour les ressources (eau, terres...) mais aussi ethniques et religieuses, opposant jeunes chrétiens et musulmans. En septembre 2001, des affrontements avait ainsi fait plus de 900 morts selon l'ONG Human Rights Watch. En novembre 2008, au lendemain d'élections générales, des tueries avaient fait 761 morts. En janvier 2010 à nouveau, plus de 300 personnes avaient été tuées. Si le gouverneur a estimé que l'attaque de samedi «ne devrait pas revêtir de coloration ethnique ou religieuse», la présidence l'a décrite comme une «attaque préparée» ciblant des voyageurs sur la base de leur «conviction religeuse» et «non une embuscade opportuniste». «Ces attaques contre les citoyens de notre pays sont inacceptables, odieuses, et en totale contradiction avec les enseignements des grandes religions de notre nation», a ajouté la présidence. Ces tensions dans le centre du Nigeria ne représentent qu'un des nombreux défis sécuritaires auxquels est confronté le pays le plus peuplé d'Afrique. Les forces de sécurité luttent par ailleurs contre une insurrection terroriste qui dure depuis 12 ans dans le nord-est du pays, contre des gangs de kidnappeurs très violents dans le nord-ouest et des velléités séparatistes dans le sud-est.