L'infatigable et indomptable Yacef Saâdi, le héros de la bataille d'Alger, s'est éteint vendredi soir à l'âge de 93 ans. Moudjahid de la première heure, écrivain, cinéaste, acteur et sénateur, l'homme a été de toutes les batailles. Chef de la Zone autonome d'Alger, Saâdi a été enterré, hier, au cimetière El Kettar. Il gardera ainsi un oeil sur la Casbah qui l'a vu naître et grandir un certain 20 janvier 1928. Issu d'une famille originaire d'Azzefoun, Yacef Saâdi rejoint, à peine adolescent, le PPA, prend part aux manifestations historiques du 8 Mai 1945 et adhère à l'OS dès sa création, en 1947, pour servir dans sa branche paramilitaire. Suite au démantèlement de l'OS, il émigre en France, où il réside jusqu'en 1952, puis retourne en Algérie. Il reprend son activité militante en liant des contacts avec les cellules des militants de la Casbah, en vue de la lutte armée. Au déclenchement de la Révolution, le 1er Novembre 1954, accompagné des dirigeants du Front de Libération nationale (FLN), tels que Rabah Bitat et Souidani Boudjemaâ, Yacef est chargé de constituer un groupe de commandos prêts à entrer en action. Il a abrité dans sa maison de la Casbah des révolutionnaires et militants, ainsi que des dirigeants de la Révolution à l'image de Krim Belkacem et Abane Ramdane. Il est envoyé, en 1955, en Suisse pour prendre contact avec la délégation «extérieure». Après son retour, il est arrêté, puis emprisonné en Algérie pendant quatre mois, pour être libéré par la suite. Yacef Saâdi décide d'entrer alors en clandestinité et crée son premier commando de l'ALN à Alger. Sa rencontre avec Ali la Pointe de son vrai nom Ammar Ali va influer sur le déroulement de ce que l'on appellera, en janvier 1957, la bataille d'Alger. Convaincu avec Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi de la pertinence de mener une bataille dans la capitale pour faire entendre la voix de l'Algérie à l'étranger, Saâdi sera désigné en mai 1956, comme responsable de l'aile militaire de la Zone autonome et devient le bras droit de Larbi Ben M'hidi. Les groupes qu'il a formés ont connu un grand succès tant au niveau d'Alger qu'à l'échelle nationale du fait de sa connaissance de la région et de la maîtrise de l'action militante et révolutionnaire. Suite aux succès de Yacef Saâdi sur le terrain, les dirigeants de la Révolution ont décidé de focaliser la lutte au centre d'Alger, où se trouvent la presse internationale et les autorités coloniales officielles, à travers l'intensification des opérations de fidaiyine, appelées la «bataille d'Alger». Le moudjahid a été, ainsi, nommé commandant de la Zone autonome d'Alger en 1957. Il a contribué en compagnie de Hassiba Ben Bouali, Ali la Pointe et autres fidaiyine à l'intensification de l'action de «guérilla» dans la capitale en plaçant des bombes explosives dans les centres de rassemblement de l'armée française, au niveau des commissariats et bars. Yacef Saâdi a poursuivi sa mission de cibler, notamment les sièges du commandement de l'armée coloniale française, continuant ainsi sa lutte armée jusqu'à son arrestation par la Division de parachutistes le 23 septembre 1957, lui et sa collaboratrice Zohra Drif, dans sa cache à la Casbah. Les deux détenus seront condamnés à mort. Mais sa peine sera commuée. Il sera libéré après les accords d'Evian du 18 mars 1962. Après 1963, il est nommé par Ben Bella président du Centre national d'amitié avec les peuples (Cnap), destiné à faire connaître à l'étranger les réalisations de l'Algérie indépendante, puis crée une société de production, Casbah Films, première société d'audiovisuel privée en Algérie. Elle produira, notamment le film de guerre, devenu culte: la Bataille d'Alger, en 1966. Dans cette oeuvre cinématographique historique, réalisée par l'Italien, Gillo Pontecorvo, il était à la fois le scénariste, le producteur et avait joué son propre rôle. En 2001, il est nommé membre du Conseil de la nation (Sénat), par l'ex-président Abdelaziz Bouteflika. Le président Tebboune présente ses condoléances Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a adressé, hier, un message de condoléances à la famille du moudjahid, Yacef Saâdi, décédé, vendredi à l'âge de 93 ans. «Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d'entre eux ont atteint leur fin et d'autres attendent encore, et ils n'ont varié aucunement dans leur engagement. C'est avec une immense tristesse, mais avec des coeurs résignés devant la volonté d'Allah, que nous avons appris le décès du moudjahid Yacef Saâdi», a écrit le président Tebboune dans son message de condoléances. «Il rejoint ainsi ses frères et soeurs, martyrs et moudjahidine disparus avec lesquels il participa à la lutte armée dans la Zone autonome d'Alger, dont il était un éminent dirigeant et dont il immortalisa fidèlement et brillamment les épopées et les sacrifices dans le célèbre film La Bataille d'Alger, qui est classé parmi les oeuvres cinématographiques les plus réussies et qui témoigne de son parcours et de ses hauts faits», a ajouté le président de la République. «En cette douloureuse épreuve, nous vous présentons, ainsi qu'à vos compagnons moudjahidine, nos sincères condoléances, priant Allah Le Tout-Puissant d'accorder au défunt Sa Sainte Miséricorde et de l'accueillir en Son Vaste Paradis parmi les martyrs», a poursuivi le président Tebboune. «ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée, entre donc parmi mes serviteurs et entre dans Mon Paradis», a conclu le président de la République dans son message. Goudjil: «Saâdi: une des sommités de la Révolution» Dans un message de condoléances, le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a affirmé que l'Algérie a perdu, avec sa disparition, «un symbole et l'une des sommités de la révolution bénie, un parlementaire distingué» et parmi ceux ayant affiché, lors de l'occupation, «un génie hors pair de notre peuple» dans la lutte contre le colonisateur français. Pour le président du Conseil de la nation, la bataille d'Alger restera, avec «ses hauts faits, une leçon qui a été et demeurera un exemple d'abnégation et de sacrifice», de l'accueil par le peuple algérien de sa glorieuse révolution et de sa foi, enracinée en ses principes et en ses grands idéaux novembristes. «Nous pleurons, aujourd'hui, l'une des icônes et l'un des hommes de la bataille d'Alger qui ont servi leur pays avec dévouement, sans varier aucunement», a écrit dans son message Salah Goudjil, pour qui, le défunt «était connu pour ses positions, son dévouement à sa patrie et son engouement à préserver les hauts faits de la révolution de Novembre, en contribuant à écrire son Histoire, par les écrits et le cinéma, d'autant qu'il est demeuré constant sur les principes véridiques, au fait de l'actualité, à la prise du pouls du peuple et répondant à l'appel de sa patrie à tout moment, avant et après le recouvrement de la souveraineté nationale».