Le procureur de la République près le tribunal criminel de Dar El Beida, a requis, hier, une peine de 7 ans de prison ferme à l'encontre de Ali Ghediri et 20 ans de réclusion pour Hocine Guasmi. Il a justifié les peines requises par «la gravité des faits reprochés» aux accusés, exprimant son souhait que ces peines «sévères» puissent «servir d'exemples». La peine requise va refroidir Ali Ghediri qui, le matin, semblait nourrir l'espoir de quitter enfin sa prison. Vêtu d'un costume gris et d'une chemise bleue ciel, quelques kilos en moins, le général à la retraite semble bien se porter. Assis au box des accusés, il attend depuis 832 jours son procès, comme il le dira par la suite à la barre, et est impatient de répondre à l'unique charge retenue contre lui, à savoir la «participation en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objet de nuire à la défense nationale». Mais il devra attendre son tour car, dans le procès Ghediri, il y a un autre inculpé. Il s'agit de Guasmi Hocine, président du parti «Manbar Djazaïr El Ghad» sous un faux nom de Gousmia Hocine. Ce dernier est accusé de communication d'informations à des agents étrangers, portant atteinte à l'économie nationale, mais aussi d'usurpation d'identité et de faux et usage de faux. Il a pris contact avec Ghediri et a participé à la collecte des signatures pour la candidature du général à la retraite à la présidentielle avortée du 18 avril 2019, mais a, aussi, été l'intermédiaire pour lui présenter le défunt Yazid Zerhouni. En dehors de quelques échanges téléphoniques et des rencontres entre les deux hommes, aucun autre lien n'a été établi lors des interrogatoires par le juge. Fauses pièces d'identité Et à suivre le procès, l'impression qu'il s'agit de deux dossiers distincts se dégage. En fait, Ali Ghediri avait été accusé aussi de complicité dans l'atteinte à l'économie nationale avant que la chambre d'accusation ne prononce un non-lieu. Guasmi va passer donc en premier à la barre et le juge ne trouvera pas de difficultés à établir les faits. L'homme, accusé plusieurs fois, dans les années 70 et 80, pour usurpation d'identité, a encore une fois recouru à cet artifice pour créer un parti politique. Même si Guasmi va tenter de nier, le juge va lui rappeler les fausses pièces d'identité saisies, mais, encore mieux, les vidéos qui le montraient sortir de la présidence après avoir été invité aux consultations sur la révision de la Constitution (2014). «C'est quand même osé de choisir faire de la politique et d'approcher de hautes personnalités avec une fausse identité», va lui faire remarquer le juge, qui tout au long des questions-réponses, dévoilera les huit parcelles de terrains octroyées à Guasmi, ses 25 entreprises écrans, mais aussi ses liens étroits avec les ambassades de pays étrangers. Il insistera sur sa relation avec une fonctionnaire de l'ambassade d'Israël en France. Guasmi nie et dit être un investisseur qui voulait lancer des projets en coopération, via ses connaissances dans les ambassades, même pour la fonctionnaire israélienne dont le père a une usine de pois-chiche à Tel-Aviv! Revenant sur sa relation avec Ghediri, Guasmi dit l'avoir rencontré par pur hasard et qu'il avait décidé de l'aider pour la collecte des signatures. Le juge va lui demander s'il l'a aidé pour rencontrer Yazid Zerhouni. Là, l'accusé va faire des révélations fracassantes: «cC'est cette visite qui a été source de tous nos problèmes(...) j'ai été enlevé et Wassini Bouaza m'a dit ''On veut Ghediri et Toufik. Donne-nous des informations et on te relâche''». Ghediri explique au juge Le juge va appeler Ali Ghediri à la barre. Il commence par lui poser des questions sur sa longue carrière de 42 ans au sein de l'armée, revient ensuite sur sa relation avec Guasmi et la rencontre de Zerhouni. Ghediri explique au juge «je ne connaissais pas Guesmi, il m'a appelé et a insisté pour qu'on se rencontre. Ce qui m'a intéressé chez lui, ce sont les nombreux contacts qu'il avait et j'avais besoin d'appuis étant donné que je me préparais pour une bataille électorale». Le magistrat va interroger Ghediri sur les raisons qui l'ont poussé à penser à se présenter à la présidentielle, sur ses écrits publiés dans la presse et l'obligation de réserve. Le général retraité explique que la loi de 2016 portant sur l'obligation de réserve, il l'avait lui-même préparée mais elle n'avait pas d'effet rétroactif puisqu'il avait quitté en 2015 et que si droit de réserve il devait respecter, c'est celui de ne pas divulguer les secrets de l'armée, ce qu'il ne ferait pas au prix de sa vie. Il revient enfin sur l'objet de l'accusation à savoir un entretien de Ghediri du 18 décembre 2018 et dans lequel l'accusé avait déclaré que «l'armée était le seul rempart face au risque de la fraude en raison de la déliquescence des autres institutions». Ghediri défend à nouveau son point de vue, affirmant que son simple avis ne faisait obligation à personne, «dans un pays où l'APN est cadenassée, ne peut-on pas estimer que les institutions ont échoué? Il y avait des manoeu-vres pour qu'il y ait autre chose que la tenue d'une élection présidentielle. Je ne faisais que défendre le cadre constitutionnel». Ali Ghediri ne quittera pas la barre avant de rappeler qu'il est petit-fils de chahid, fis de moudjahid et que ses frères et ses enfants sont actifs au sein de l'armée. «Je suis innocent» va répéter par trois fois Ghediri avant de rejoindre sa place. Hier, et après le réquisitoire du procureur, une vingtaine d'avocats ont défilé devant le tribunal criminel pour défendre les deux accusés. Le verdict est attendu tard dans la soirée ou aujourd'hui.