Des dizaines d'opérateurs français nourrissent l'ambition de gagner les milliards dont regorge le marché algérien. Fini le temps des appréhensions sécuritaires, des appréciations souvent décisives que publiait la Coface, et «au diable» l'humeur politique qui tirait «par le museau» la locomotive économique qui relie la France à l'Algérie. Pour les patrons français, le temps est aux affaires et au business. Un business discret. Sur un marché de 80 milliards de dollars que représente l'Algérie, les entreprises françaises se bousculent au portillon mais en silence. «Nous allons nous repositionner dans le marché algérien dont le panorama est maintenant très large avec l'ouverture de la troisième licence de téléphonie. Nous prétendrons encore à d'autres parts dans ce marché qui est potentiel et que nous connaissons bien avant l'arrivée des Chinois», insiste Gilles Souche, vice-président chargé de la région Afrique du Nord à Alcatel. Leader dans la fourniture d'équipements téléphoniques d'entreprise en Algérie, avec 65% des parts de marché, Alcatel ne compte pas perdre «ses acquis» dans le marché algérien au profit des Chinois de plus en plus agressifs. «Nous nous battrons pour avoir nos parts dans l'Adsl car nous sommes les leaders dans le monde, nous prétendrons à tout ce qui est coeur du réseau (les radios, les réseaux de transmissions...) et surtout la signalisation ferroviaire où on nous a notifié deux marchés», ajoute ce responsable à Alcatel pour qui les hommes politiques «sont toujours déconnectés de la réalité des affaires et du business». Confortablement installé dans le marché algérien depuis plus de quatre années, la Société des eaux de Marseille a bien ciblé son créneau: la chasse aux fuites d'eau et la réhabilitation du réseau. Loin des pulsions politiques qui caractérisent les relations entre l'Algérie et la France, le directeur aux affaires internationales au niveau de l'entreprise phocéenne, Jacques Stevence, a bien compris que l'une des priorités du gouvernement algérien est l'eau. Le filon est stratégique pour la société et toute la démarche de M.Stevence consiste à trouver le meilleur moyen pour consolider la position de sa société en Algérie. «On a déjà réalisé la chaîne ouest d'Alger. Au bout de quatre ans on a réduit de 76% les pertes d'eau», affirme Jacques Stevence dont la société a décroché un autre contrat à Constantine. C'est avec la même détermination que le Port autonome de Marseille lorgne du côté de l'eldorado algérien. «L'Algérie est le seul pays en Afrique qui a fait des efforts énormes en matière de législation et d'amélioration en termes de commerce», souligne Alain Goyet responsable du service visiteurs au niveau de cette infrastructure portuaire. «Je suis au port depuis 35 ans et je n'ai jamais imaginé qu'il va y avoir en Algérie une telle évolution», appuie-t-il. Mais l'inquiétude est perceptible chez ce responsable. Pour cause, les échanges de marchandises entre le port autonome de Marseille et le port d'Alger ont sensiblement diminué durant l'année 2005. «Nous cherchons à connaître le pourquoi de cette baisse». Peut-être que l'Algérie s'est tournée vers la Chine, vers d'autres ports? «Quelle que soit la motivation, nous cherchons à connaître ces raisons pour nous améliorer, pour que notre port devienne plus compétitif et plus attractif.» Tout est dit: ce ne sont pas les raisons politiques, il s'agit de compétitivité et d'attractivité. Dans le domaine des transports terrestres, la Ratp présente en Algérie, sans grand bruit, depuis 1979, tente de consolider ces relations de longue date. «Nous assistons et nous accompagnons avec notre expertise le maître de l'ouvrage (L'entreprise du métro d'Alger) dans le choix du matériel», indique Jean-Marie Molina, responsable de la mission marchés et coopération du groupe Ratp. Ce contrat rapporte au groupe français environ 9 millions d'euros. Dans ce contrat il y a une option qui stipule que la Ratp est chargée de préparer l'arrivée de l'exploitant comme les recrutements, les opérations de maintenance qui représente une part importante dans la gestion du métro d'Alger. «Bien évidemment nous comptons figurer parmi les entreprises qui seront sélectionnées par l'Emma qui vient de lancer un avis d'appel d'offres pour choisir les futurs exploitants», a indiqué le même responsable. La même détermination anime Oberhur, une entreprise spécialisée dans la fabrication des billets de banque, des timbres, des visas, des documents d'identité, notamment les passeports biométriques, et des valises intelligentes pour le transport de fonds pour les banques. «Nous avons un bureau à Alger, au niveau de la résidence Chabani, car nous considérons que le marché est suffisamment intéressant pour notre entreprise», a indiqué Xavier Fricout, directeur du marketing. «Nous avons soumissionné pour l'appel d'offres lancé par la Cnas pour la fabrication de 7 millions de cartes mais nous attendons le feu vert d'Alger qui ambitionne aussi de passer aux cartes d'identité à puce comme c'est le cas au Maroc actuellement», a encore révélé M.Fricout. D'autres entreprises françaises nourrissent la même ambition, celle de gagner des milliards dans le marché algérien sans attendre la permission des hommes politiques qui eux, finiront peut-être par... suivre.