Il est admis, chez tout Algérien vivant à l'étranger, qu'il n'y a aucun lobbying, ni aucune attache autour d'un destin commun, hormis les visites- éclair qu'ils font aux consulats pour renouveler leurs passeports, s'ils n'ont pas encore opté pour la nationalité du pays d'accueil. Dans les années 70, sous le boumédiénisme, l'Etat accordait des bourses d'études aux bacheliers brillants qui ont fait leurs preuves. Les meilleurs ont été envoyés par Sonatrach et les entreprises les plus en vue à cette époque, vers les pays «capitalistes» et d'autres vers les «socialistes». Tous ceux qui ont eu la chance d'étudier aux USA, en Grande- Bretagne, en France, en Italie, au Canada, etc., ne sont jamais revenus, à quelques exceptions près, même pas pour assister aux obsèques de leurs parents. Ils ont choisi le mode de vie du pays d'accueil, se sont mariés, ont fondé des familles et ont vécu là-bas, dans l'aisance. Je connais plein de camarades de lycée avec lesquels j'ai gardé des contacts, pour une certaine durée, avant de les oublier. Il y a certains, parmi eux, qui ont gravi les échelons, en Europe comme en Amérique, et sont reconnus parmi les élites de ces pays d'accueil. Je me souviens d'un camarade de classe du lycée technique, Les Palmiers, d'Oran, qui a suivi une formation d'ingénieur en électronique en Grande-Bretagne puis au Japon. Il a enseigné quelque temps à Oran puis s'est installé définitivement au Canada, où il donne des cours prestigieux. Un pays qui n'a dépensé aucun sou pour le former. Je me souviens d'autres, qui ont pignon sur rue à Berlin, à Paris ou à la Silicon Valley qui ne regardent plus derrière eux, ne serait-ce que par nostalgie. Il y a bien évidemment les harraga, dont beaucoup sont formés, mais n'ont pas trouvé de débouchés. Qui ne se souvient pas de ce couple de cadres qui ont péri dans une barque, près des côtes oranaises, il y a de cela trois ans, la veille du déclenchement du Hirak, du 22 février 2019? Ceux qui ont réussi à passer de l'autre côté ont forgé leur destin par leurs propres moyens, ont poursuivi leurs études et sont devenus des cadres respectables. Il y a enfin les enfants d'émigrés classiques -si j'ose l'exprimer ainsi- qui ont vécu principalement en France et en Belgique. Ils gardent le contact avec le pays d'origine tant que leurs parents sont en vie puis finissent par oublier qui ils sont. On a vu la diaspora algérienne comment elle manifestait pendant les temps de gloire du Hirak à Paris, au Québec ou à Bruxelles, mais leurs slogans étaient parcellaires, très motivés, mais cloisonnés dans un même discours, comme s'ils étaient issus d'une même région, éternellement rebelle. Hormis ces cas, la plupart des Algériens vivant à l'étranger n'ont pas d'attaches viscérales avec leur pays. Ils nagent dans l'aisance que leur offre leur mérite personnel, sans se soucier des attaches de leurs enfants qui prendront nécessairement les us et coutumes du pays où ils sont nés. Lorsqu'on voit les images de certains Algériens qui ont été reçus par le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, récemment à New York, on lit dans leurs regards de l'indifférence, doublée de détachement et l'on comprend le reproche qu'ils font aux responsables qui les ont ignorés pendant des décennies pour les redécouvrir subitement lors d'une visite impromptue. Sur l'autre face de la médaille, on relève que les jeunes algériens, formés ou sans diplômes, qui se jettent à la mer pour assouvir un rêve, on est en droit de s'interroger: Qu'est-ce qui justifie de pareils actes? Est-ce qu'on aurait fait ce que font nos enfants si on avait encore leur âge? Ce sont les terrifiantes questions que se pose chacun de nous, tant qu'il n'a pas trouvé la définition parfaite de la citoyenneté. Ce n'est qu'une affaire de temps, diraient les plus optimismes, et les choses rentreraient dans l'ordre. Mais, dans l'immédiat, que proposons-nous à ces jeunes qui aspirent à vivre comme tous les autres jeunes de leur génération, dans d'autres nations de par le monde?