Durant presque un an, l'Afrique et les Africains se sont invités en France pour parler d'eux-mêmes et donner leurs points de vue sur l'état du monde, dans le cadre de «Saison Africa2020», une manifestation inédite par son ampleur et sa durée. «Dix mois de programmation, plus de 1 500 projets, plus de 900 structures partenaires en France et sur le continent africain», résume la Sénégalaise N'Goné Fall, commissaire générale de la manifestation qui s'achève jeudi. Cette programmation monstre, organisée dans toute la France métropolitaine et outremer, a été retardée et bousculée par la pandémie de covid-19 et les confinements en 2020. Mais paradoxalement, l'organisation en ligne de nombreux événements a permis de toucher une large audience, plus de 4 millions de spectateurs au total, selon Africa2020. «Il faudra quelques années pour décanter, pour avoir du recul et voir quel sera l'héritage de cette saison», estime Mme Fall, rencontrée à Saint-Denis, ville à forte population d'origine africaine en banlieue parisienne, dans l'un des 15 «quartiers généraux» d'Africa2020 installés sur tout le territoire. «Mais déjà, on a pu voir et écouter ce que les Africains avaient à dire sur l'état du monde», via les événements artistiques, scientifiques, économiques ou éducatifs organisés pendant 10 mois. «Et participer à une telle manifestation fait forcément réfléchir sur la manière dont les choses se passent en France, en Afrique, sur les mentalités, les clichés» qui ont la peau dure de part et d'autre, souligne Mme Fall. «Qu'on le veuille ou non, on en sort transformé». Proposée par le président Emmanuel Macron lors de son discours à la jeunesse africaine à Ouagadougou en 2017, Africa2020 a regroupé les participants de 54 pays du continent, pour lancer des projets autour de l'engagement citoyen, l'émancipation économique, la circulation des personnes et des idées... Ou la politique coloniale française. Ainsi, au musée Paul Eluard de Saint-Denis, les oeuvres d'artistes africaines comme la Gabonaise Owanto ou la Béninoise Eliane Aisso répondent à la vision des surréalistes français sur «l'art africain», et leur engagement anticolonial. «L'exposition a permis de drainer des publics extrêmement différents, qui n'ont pas tous l'habitude de venir au musée», rapporte Clémentine Dramani-Issifou, l'une des commissaires. «On avait conscience de toucher un sujet sensible, mais les publics sont prêts pour aborder ces questions de fond», se félicite-t-elle.