Le musée d'art moderne et contemporain a accueilli hier matin deux superbes expositions devant un riche parterre de plasticiens africains, y compris algériens... Le rez-de-chaussée était réservé à l'exposition du peinture de Mesli l'«Africain», présent à cette cérémonie, à laquelle a assisté Khalida Toumi, ministre de la Culture. L'exposition, rendant hommage à Mesli, réunit des oeuvres qui mettent en exergue les quatre importants périodes de sa vie et qui ont été décisives dans son parcours en tant qu'artiste: 1931-1954 (Tlemcen-Alger), 1954-1962 (Paris-Rabat), 1962-1994 (retour à Alger) et enfin 1994-2009 les années d'exil. Le moins que l'on puisse dire est que Mesli avait son propre cachet même s'il a dû suivre les différentes tendances picturales qui ont jalonné le monde plastique. Aussi, son engagement politique aura été indéfectible depuis le début, peignant notamment le bombardement de Sakiat Sidi Youssef, en 1956, «un tableau fait dans la rage» dira la commissaire de l'expo, Mme Yacine. Des toiles qui expriment aussi la période de l'Afrique en lutte. Des images peintes dans un style abstrait comme celles qui rendent compte des peuples déracinés. Mesli sera aussi inspiré de l'école fauviste pour illustrer son nationalisme. Les couleurs chaudes sont généreuses et transpercent le regard. Puis arrive la période de la rupture comme témoigne Mme Yacine. Il s'agit du manifeste du groupe Aouwchem. Mesli joue sur le signe sur différents support, y compris sur des toiles rêches et emploie pour ce faire des matériaux bruts. C'est de là sans doute que vient son nom légendaire. C'est la période de l'Indépendance et de l'«Afrique retrouvée». Dans un autre registre, Mesli expose la femme dans tous ses états de sensualité, nue, désarmante de beauté. Des silhouettes féminines galbées, tantôt lascives, danseuses, tantôt suggestives «effacées». D'ailleurs, présent à cette exposition l'artiste Mesli confiera ceci: «Le plus bel hommage qu'on me rend est de vous voir là. En tant que femme, vous êtes la fierté de l'Algérie!». Aux deux étages au-dessus s'est ouverte également une grande exposition de photos intitulée «Reflet d'Afrique». Des photos exprimant toute la richesse des arts plastiques du continent noir. Des images en couleur ou en noir et blanc traduisent plusieurs sensibilités et visions du monde. Une exposition photos incarnant merveilleusement bien le rapport à la forme et à l'art que l'artiste entretient avec la réflexion et l'intime. Aussi, diverses photos sont exposées. De la simple photo traduisant la mal-vie, la misère ou le quotidien des petites gens en Afrique jusqu'aux photos retravaillées par photoshop et exprimant des visions insolites surréalistes et abstraites de l'entre-humain et son rapport avec l'autre et son environnement. Plus de 300 photos sont exposées, regroupant 26 pays africains et 4 artistes algériens. Parmi elles la photographe Zaza de Reuteurs qui a choisi la femme comme sujet central de ses photos mais en y apposant un regard «sobre et sincère». Ces femmes sont ainsi travailleuses, belles, rieuses ou marginales comme l'est la société algérienne pleine de contrastes et de contractions. Plusieurs choix de photos s'offre à nos yeux avec un dénominateur commun: celui de réfléchir autour de l'Afrique avec un certain cadrage du réel, spécifique à chaque artiste. Certains d'entres eux sont présents avec des installations vidéos comme celle de Dimitri Fagbohoun du Bénin. Ce dernier évoque dans sa peinture la répétition de l'histoire à travers les lieux et le temps. A côté, une vidéo rend hommage à ces gens méconnus en France, à savoir les sans-papiers. Non loin, dans un autre registre plus léger et gaie, une exposition en noir et blanc rend compte d'un ensemble de musiciens de jazzman américains dont la musique aux racines africaines a contribué à l'essor de la culture occidentale. De grandes photos aussi en noir et blanc (Archie Sheep, Manu Dibango, etc) signées Samuel Nja Kwa. Surprenante, pleine de fraîcheur, d'émotions et d'interrogation, aussi bien que variée, un tour s'impose au Musée d'art moderne pour apprécier toutes les oeuvres de cette expo. Plutôt les deux expos!