Macron a signé l'une des plus ignobles pages des relations algéro-françaises. Il a manqué de tact et de savoir-faire diplomatique. Dans un passé pas si lointain, Giscard d'Estaing fut le premier président français à se rendre en Algérie indépendante. Dans son discours à l'occasion de cette visite, effectuée en 1975, Giscard a profité pour glisser sa fameuse phrase «la France historique salue l'Algérie indépendante», comme pour démontrer la supériorité de la France. La réponse de Houari Boumediene était d'une finesse renversante. En effet, dans une séquence mémorielle doublée d'une allusion à Jugurtha dont le locataire de l'Elysée avait emprunté le nom pour désigner son...chien. La petite phrase de Boumediene fit tilt: «Quand Jugurtha est mort dans les geôles de Rome, la France n'existait pas!» La belle réponse. Dans la séquence que traverse présentement les relations entre les deux pays, on retiendra le niveau au ras des pâquerettes du locataire de l'Elysée. En effet, la poussière n'est pas encore retombée sur une arène jonchée de dégâts, causés par les déclarations inadmissibles du président français, à l'endroit de l'Algérie, que la France tente de recoller les morceaux. Sauf que, croyant faire dans l'apaisement, Macron était, hier, lors d' un entretien accordé à France Inter, dans le registre du faux-fuyant. Il n'a pas exprimé de regret. Une attitude, franchement insuffisante, pour susciter de la part d'Alger, un geste de compréhension. Sans avoir l'air, l'homme persiste dans son égarement, en voulant séparer la diplomatie du mémoriel. Cet exercice politique de mauvais goût, ne répond pas à la question de l'ingérence. Censée appuyer les propos de la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, annonçant que la France a «pris note du rappel pour consultations de l'ambassadeur d'Algérie en France. Nous le regrettons», la sortie de Macron ne remet pas de l'ordre après des attaques en règle contre l'armée algérienne, des doutes émis sur l'Histoire de l'Algérie. Dans ce cas, la trompette de l'apaisement est une acrobatie qui porte un nom: cela s'appelle un concentré d'ignominie. En réalité, la sortie d'hier, n'a aucune fonction diplomatique à proprement parler. C'est de la rhétorique, dont le but n'est pas d'arranger ce qui a été cassé, mais simplement pour duper l'opinion. Qu'on en juge donc. Il affirme: «Mon souhait, c'est qu'il y ait un apaisement parce que je pense que c'est mieux de se parler, d'avance.». Mais de quoi et comment peut-on parler, lorsqu'un chef d'Etat se permet des ingérences inacceptables, sans même pas évoquer le terme de «malentendu»? Le chef de l'Etat français, a-t-il oublié que l'Algérie est un pays souverain? Assurément non. Mais il semble ne pas s'en préoccuper. De fait, la volonté n'est pas réellement dans l'apaisement. Macron ne renie pas ses propos rapportés par le quotidien Le Monde et s'approprie la mission de «reconnaître toutes ces mémoires», sans écouter l'Autre. Il va jusqu'à annoncer la cohabitation de ces mémoires, sans se gêner de porter des jugements de valeur sur l'Histoire et l'Etat algérien. La démarche du président français ne relève donc pas de l'apaisement mais du faux-fuyant. Cela se confirme par cette attitude machiavélique qui consiste à séparer la présidence de la République de l'armée algérienne. Le fameux «système politico-militaire», comme il le désigne, est la colonne vertébrale du pays et le premier slogan du Hirak authentique était «Djeïch Chaâb Khawa Khawa». Le Hirak n'a pas affaibli l'Algérie, mais l'a renforcée. Aussi, cette phrase: «On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l'a fragilisé. J'ai un bon dialogue avec le président Tebboune, mais je vois qu'il est pris dans un système qui est très dur», n'a pas de sens pour le président Tebboune et les Algériens. Ce propos qui résonne comme un acte d'ingérence caractérisé, est pour les Algériens inadmissible, au regard du statut d'homme d'Etat du président Macron. Il a tenté de se rattraper, hier, sur France Inter, mais trop tard, le coup est parti. Plus grave, il enfonce le clou en prévoyant déjà d'autres tensions, affirmant qu'«il y aura immanquablement d'autres tensions». Un aveu qui renvoie à d'autres déformations de l'Histoire? Macron ose dans son propos à France Inter, l'écriture à sa guise de l'Histoire coloniale de son pays. «On est tous ensemble dans le même pays, et donc on doit avoir un projet national qui nous embarque», a-t-il indiqué, comme pour s'approprier l'Histoire, en effaçant la version algérienne. Même s'il prétend avoir le plus grand respect pour le peuple algérien et le président Tebboune. Cette manière de faire une sorte de distinguo entre le mémoriel et le diplomatique, le met en porte-à-faux avec le «travail de mémoire» qu'il disait vouloir proposer à l'Algérie. On n'en est visiblement pas là.