Le tribunal de Béjaïa a condamné, avant-hier, un inspecteur des douanes et deux de ses suppléants à des peines respectives de deux et une années d'emprisonnement ferme. Les cinq autres commerçants impliqués dans la même affaire de trafic de cigarettes, qui remonte au 25 février dernier, ont écopé, eux aussi, de deux années de prison ferme chacune assorti d'une amende de 2,7 millions de dinars de dédommagement aux douanes de Béjaïa. C'est une première à Béjaïa dans le cadre de la nouvelle loi portant sur la contrebande. A Béjaïa, de nombreuses affaires de trafic douanier ont été portées à la connaissance du large public, mais rares sont celles qui ont connu une suite sur le plan juridique. Elle témoigne néanmoins d'une volonté de la justice de freiner un peu, à défaut de l'éliminer, ce trafic qui sévit dans les douanes au point de devenir un cauchemar à toute personne aussi simple soit-elle. Une première aussi, qui en appelle d'autres, car récemment, nous rapportions dans ces mêmes colonnes que 17 douaniers étaient suspectés dans l'affaire dite Meloui Mohand-Saïd, dont le préjudice s'élèverait à près de 12 milliards. L'affaire est, dit-on, en instruction. Si la justice a prononcé une peine d'emprisonnement pour une affaire portant sur l'évasion de 400 cartouches de cigarettes, il ne serait pas étonnant si demain elle se fait plus sévère en prononçant des peines plus adéquates concernant cette dernière affaire. Les affaires restantes ne sont pas, en effet, seulement liées au trafic, proprement dit, mais aussi à de fausses documentations. Déclarations erronées, faux et usage de faux, etc., d'où l'importance du traitement de ces dossiers. Il n'échappe à personne que le trafic douanier a connu ces dernières années une recrudescence née essentiellement de l'ouverture du marché à l'import-export. Des hommes d'affaires n'hésitent pas à corrompre des douaniers alléchés par le gain facile. Des douaniers ne s'empêchent pas aussi d'imposer leur diktat devant les citoyens agissant dans le monde des affaires. L'habitude est telle que traverser les douanes suppose automatiquement un «pot-de-vin», ne serait-ce un paquet de cigarettes. Le citoyen s'est vu pénaliser, maintes fois, par une pratique dont il n'a aucune responsabilité. La limitation du nombre d'importateurs depuis l'an dernier, à la faveur de la nouvelle loi fixant le minimum du capital de l'importateur à 20 millions de dinars, ajouté à la baisse du nombre de voyageurs véhiculés et l'interdiction de l'importation de véhicules de moins de trois ans, autant d'occasions favorisant le trafic, ont réduit considérablement l'influence des douaniers véreux. Certains observateurs n'ont pas hésité à faire le lien avec la grève récente des douaniers dont on soupçonne des arrière-pensées liées au trafic. Les mêmes observateurs expliquent que la privatisation des ports réduira, voire éliminera tous les trafics récurrents. Une évolution loin d'intéresser certains «barons» qui ont réussi à «manipuler» les travailleurs à travers leurs syndicats. Ce qui ne reste, bien évidemment, qu'une lecture toutefois plausible. Toujours est-il que le trafic dans les douanes n'est un secret pour personne. Une pratique qui n'est pas propre à Béjaïa puisqu'elle se généralise au niveau de toutes les douanes du pays, qu'elles soient portuaires, aéroportuaires ou terrestres.