Face aux membres de la famille de la Justice, Abdelmadjid Tebboune était dans son élément, hier. Non pas seulement qu'il soit le premier magistrat du pays, mais également parce qu'il s'appuie sur le pouvoir judiciaire pour redorer le blason de l'Etat. L'indépendance du juge en est l'une des conditions sine qua non. Ainsi, en réhabilitant la tradition républicaine qui veut que ce soit le président de la République qui inaugure l'année judiciaire, Tebboune adresse un message limpide par-delà la magistrature. Cette tradition abandonnée depuis 2012 donne, en effet, tout son sens à la cohésion entre les pouvoirs et permet aux citoyens d'apprécier les engagements et les actions de l'un comme de l'autre. En cela, le chef de l'Etat joue carte sur table. «Je me suis engagé devant Dieu et devant tout le peuple algérien (...) à satisfaire ses revendications et ses aspirations légitimes pour un changement global et véritable», a affirmé Tebboune dans son allocution. Lequel changement doit «assurer un nouveau départ pour notre pays, et permettre à nos concitoyens de vivre au sein d'une Algérie démocratique», a poursuivi le chef de l'Etat. En près de 2 ans à la tête du pays, le président a justement donné du sens à ses engagements «devant Dieu et le peuple». Il s'en explique dans son allocution en rappelant justement le nécessaire respect des étapes pour «avancer à pas sûrs». Le processus de redressement a débuté «par l'amendement constitutionnel plébiscité par le peuple». Un nouveau socle démocratique qui a permis «la construction d'un nouvel édifice institutionnel, à travers l'organisation des élections législatives». Le scrutin ne s'est pas distingué simplement par sa tenue. Il s'est adossé sur un nouveau Code électoral qui a exclu «les détenteurs de l'argent sale (...) dans le but de moraliser la vie politique». Une APN sans influence et surtout dominée par du sang neuf, puisque le même Code électoral a laissé «la place aux jeunes en leur apportant tout le soutien pour pouvoir participer à la prise de décision», explique le président de la République. Trois importantes étapes qui seront suivies par une quatrième, le 17 novembre prochain, avec les élections locales qui verront un bouleversement au sein du personnel politique local, mais également au niveau de la chambre haute du Parlement. L'édification institutionnelle arrive donc à son terme en l'espace de 23 mois, à compter de l'élection de Abdelmadjid Tebboune à la présidence de la République. Un parcours qui n'était pas gagné d'avance, sachant les entraves mis sur la route du chef de l'Etat par les tenants du chaos, ainsi que la pandémie de Covid-19 qui a sérieusement ralenti le fonctionnement des institutions du pays. Mais est-ce à dire que la mission est accomplie? La réponse est bien évidemment «non». Les entraves persistent et l'effort d'amener un maximum de citoyens dans le giron de la nouvelle Algérie est plus que jamais encore nécessaire. Le prochain scrutin est un test, mais rien n'est définitif, la démocratie véritable est un long processus qu'aucun pays ne peut se targuer d'en avoir fait le tour. Mais ledit processus gagnerait en solidité à travers un pouvoir judiciaire véritablement indépendant dans l'intérêt suprême de la nation et du peuple. Cela le président Tebboune l'a bien compris. Et du seul fait d'avoir, à travers les réformes, «permis d'accorder toutes les prérogatives de gestion des affaires des magistrats au Conseil supérieur de la magistrature (CSM)», le chef de l'Etat donne un signal fort aux robes noires. Et pour cause, le CSM est désormais «composé dans sa majorité de magistrats élus par leurs pairs, de même que la représentation syndicale des magistrats est présente dans ce Conseil», a fait remarquer Abdelmadjid Tebboune. La nouvelle configuration du CSM, qui confirme son indépendance, n'aura véritablement de sens que lorsque l'Etat avec tous ses démembrements et ses institutions respecte scrupuleusement les décisions de justice, parce que rendues au nom du peuple. Le président Tebboune s'est, en effet, interrogé sur «l'intérêt de promulguer des textes de loi et de rendre des jugements s'ils ne sont pas exécutés dans les plus brefs délais» pour permettre au justiciable de rétablir et jouir de son droit. «Ce phénomène était monnaie courante au sein de certaines institutions de l'Etat, économique ou administrative, où la décision du juge n'était pas respectée», a dénoncé le chef de l'Etat. Cette situation était illogique. L'occasion pour le président d'insister sur le sens qu'il faut donner au concept d'Etat de droit. Lorsque le citoyen, en possession d'un jugement rendu en sa faveur, n'est pas en mesure de prendre son droit, c'est que quelque chose cloche. Le président de la République veut rétablir les choses...