Seize employés éthiopiens de l'ONU étaient détenus mardi par les autorités après un vaste coup de filet ayant ciblé des Tigréens, alors que la communauté internationale continue de croire en une «fenêtre d'opportunité» diplomatique pour mettre fin au conflit entre le gouvernement et les rebelles. Ces arrestations font suite à l'état d'urgence décrété la semaine dernière par le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed, face au risque de voir les combattants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et de l'Armée de libération oromo (OLA) marcher sur la capitale. Des défenseurs des droits humains ont dénoncé ces mesures d'urgence et accusé le gouvernement de multiplier les arrestations arbitraires sur la base de l'appartenance à l'ethnie tigréenne. Des milliers de personnes seraient ainsi détenues depuis la semaine dernière. Seize employés locaux de l'ONU étaient toujours détenus dans la soirée tandis que six autres ont été libérés, a déclaré mardi le porte-parole de l'organisation mondiale à New York, Stéphane Dujarric, affirmant n'avoir reçu «aucune explication» sur leur arrestation.»Nous travaillons bien entendu activement avec le gouvernement éthiopien pour obtenir leur libération immédiate», a-t-il ajouté.»Les informations semblent suggérer des arrestations sur la base de l'appartenance ethnique», a dit pour sa part à Washington le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price. «Les arrestations et le harcèlement par les forces de sécurité sur la base de l'ethnie sont totalement inacceptables», a-t-il martelé. Des tensions récurrentes opposent le gouvernement éthiopien et l'ONU. Fin septembre, Addis Abeba a ainsi expulsé sept hauts fonctionnaires des Nations unies pour «ingérence».Marqué par les atrocités et la famine, le conflit opposant depuis un an l'armée fédérale aux rebelles tigréensa fait plusieurs milliers de morts et déplacé plus de deux millions de personnes. Parallèlement, les efforts diplomatiques pour arrêter la guerre s'intensifiaient et le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, Martin Griffiths, a appelé à la paix mardi après une visite dans le week-end à Mekele, la capitale tigréenne où il a rencontré des leaders du TPLF.»J'implore toutes les parties d'écouter l'appel du secrétaire général de l'ONU à immédiatement arrêter les hostilités sans conditions préalables, et je réitère le soutien total» de l'ONU à l'Union africaine (UA). L'émissaire de l'UA, l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, est au coeur de ces efforts pour arracher un cessez-le-feu. «Tous les leaders ici à Addis Abeba et dans le nord sont individuellement d'accord sur le fait que les différences qui les opposent sont politiques et requièrent des solutions politiques à travers le dialogue», a-t-il dit devant le Conseil de sécurité de l'organisation panafricaine, selon une copie de sa déclaration.»Ceci, donc, constitue une fenêtre d'opportunité que nous pouvons collectivement exploiter», a-t-il estimé. Ned Price a aussi réaffirmé mardi qu'il y avait actuellement «une fenêtre d'opportunité» pour que les démarches de l'UA aboutissent, alors que l'émissaire des Etats-Unis Jeffrey Feltman était aussi dans la capitale éthiopienne où il travaille en coordination avec Olusegun Obasanjo. les autorités régionales issues du TPLF, qui défiaient son autorité et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires. Le prix Nobel de la paix 2019 a rapidement déclaré victoire, mais les combattants du TPLF ont repris en juin l'essentiel du Tigré puis avancé dans les régions voisines de l'Afar et de l'Amhara. Le TPLF a ensuite revendiqué s'être emparé de villes-clés en Amhara et avoir avancé jusqu'à environ 300 km d'Addis Abeba, sans exclure de marcher sur la capitale. Le gouvernement affirme que les rebelles exagèrent leur progression, mais il a déclaré début novembre l'état d'urgence et les autorités d'Addis-Abeba ont demandé aux habitants de s'organiser pour défendre la ville. Des combattants tigréens ont violé, battu et volé plusieurs femmes en août dans la région de l'Amhara, touchée ces derniers mois par la guerre opposant rebelles et forces gouvernementales dans le nord de l'Ethiopie, selon une enquête d'Amnesty International publiée hier. L'ONG a recueilli les témoignages de 16 femmes qui disent avoir été victimes d'exactions de la part de combattants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) à leur passage dans la localité amhara de Nifas Mewcha, entre le 12 et le 21 août.