L'euphorie de l'indépendance passée, le petit Etat découvre les contraintes d'un quotidien difficile. Les affrontements ont repris hier dans la capitale du Timor-Oriental, Dili -après avoir culminé jeudi et vendredi- malgré les appels au calme des autorités timoraises et de l'ONU. De fait, les Nations unies ont décidé hier d'évacuer leurs personnels travaillant dans l'archipel indonésien. Ainsi, selon la porte-parole de la mission de l'ONU à Dili, Donna Cusumano, un total de 390 personnes doivent être acheminées par avion vers l'Australie tandis qu'un noyau d'une cinquantaine de personnels restera sur place. Un responsable de la mission onusienne explique par ailleurs que «C'est une querelle communautaire qui s'est embrasée en raison du contexte général» sans entrer dans les détails. Il semble, selon les premières indications parvenues de Dili, que ces affrontements sont dus -outre à la pauvreté et au dénuement dont souffre la population du petit Etat- à la querelle de prérogatives entre l'armée et la police. La sécurité étant confiée à ce dernier service, l'armée se sent désoeuvrée et ses soldats frustrés. Mais l'autre explication est que l'armée a été incapable de se structurer et de se réformer pour être apte à prendre en charge les missions confiées à elle par l'Etat. Les violences ont commencé mercredi lorsqu'un soldat a ouvert les hostilités en tirant sur des policiers désarmés sortant du quartier général de la police à Dili. Depuis, 28 morts ont été recensés, notamment parmi les soldats, alors que la situation demeurait tendue hier après que des affrontements eurent repris entre les deux services de sécurité antagonistes. Impuissant à juguler la violence, le gouvernement de Dili a fait appel à des forces étrangères, singulièrement australiennes, pour prendre en charge la sécurité de la capitale et de l'Etat. Outre l'Australie, le Portugal, ancienne puissance coloniale, la Malaisie et la Nouvelle Zélande ont offert leur service au gouvernement timorais qui a immédiatement accepté. Le ministre timorais des Affaires étrangères, José Ramos Horta, a ainsi déclaré hier que «Dorénavant les troupes australiennes pilotent les opérations de sécurité» dans la capitale faisant référence à la présence de commandos australiens à Dili. Arrivés jeudi, deux commandos australiens étaient déjà sur place depuis vendredi. De fait, ce n'est pas la première fois que Canberra vole au secours du Timor-Oriental, elle le fit déjà en 1999 à l'époque du retrait des troupes d'occupation indonésiennes, assurant l'ordre dans le petit territoire -qui sera administré par l'ONU jusqu'au référendum de 2002 par lequel les Timorais se prononcèrent pour l'indépendance-. Les Timorais qui ont vécu ces situations de violences de 1975 jusqu'à 1999, n'oublient pas les affres qu'ils ont dû subir durant les 24 années de l'occupation et s'inquiètent des possibles dérives que pourraient induire les affrontements entre soldats déserteurs et forces loyalistes. Si la querelle est, pour le moment, circonscrite à un plan subalterne, nombre d'observateurs craignent qu'elle n'ait des suites politiques, le Premier ministre timorais, Mari Alkatiri, considéré comme un rival du président Xanana Gusmao le charismatique leader indépendantiste timorais, semble vouloir attiser la tension en tenant des propos alarmistes, affirmant que les violences qui secouent le pays depuis mercredi, avaient pour objectif de «renverser le gouvernement». M Alkatiri, a déclaré hier que «Ce qui se trame est une tentative de coup d'Etat. Mais je suis persuadé que le président de la République ( Xanana Gusmao), avec qui j'ai des contacts permanents, continuera de respecter la Constitution de la République démocratique du Timor-Leste» (nom officiel du Timor-Oriental). En fait, ces déclarations ne sont pas faites pour rassurer et tendent même à faire accroire qu'il existerait un complot contre l'Etat, alors même que tout le monde savait que le feu couvait depuis longtemps entre les deux forces de sécurité timoraises, les Nations unies, alors administratrices du Timor-Oriental, ayant privilégié la police par rapport à l'armée pour assurer la sécurité de l'Etat et de la population. Un choix qui risque d'avoir des retombées autrement préoccupantes pour ce petit pays coincé dans le territoire du géant indonésien. Aussi, c'est encore à l'Australie que le gouvernement du Timor-Leste a été contraint de faire appel pour ramener l'ordre et le calme dans l'archipel.