Hier a été un grand jour pour le nouvel Etat timorais qui prend place parmi la communauté internationale. Sous le nom de Timor Lorosa'e, l'ancien territoire du Timor-Oriental est devenu, hier, officiellement indépendant en ces prémices du troisième millénaire. Xanana Gusmao, «le Nelson Mandela de l'Asie», comme aiment l'appeler ses compatriotes, qui voua sa vie à la lutte pour la liberté de ce petit archipel d'Asie du Sud-Est, a ainsi proclamé formellement, hier à minuit, la naissance du nouvel Etat qui prendra le nom de «Timor Lorosa'e» en présence de beaucoup d'invités et de personnalités internationales, dont le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, et l'ancien président américain, Bill Clinton, qui représente les Etats-Unis pour l'occasion. Seront également présents à ces festivités, entre autres, Jorge Sampaio, président de l'ancienne puissance coloniale, le Portugal, Megawati Sukarnoputri, présidente de l'Indonésie, et John Howard, Premier ministre australien (l'Australie est l'un des principaux fournisseurs de la force multinationale). Que de sang a dû être versé, que de souffrances endurées par le peuple timorais pour que ses droits soient reconnus et qu'il puisse, enfin, prendre place parmi la communauté internationale. Colonie portugaise, durant plus de quatre siècles, le Timor-Oriental a été occupé en 1975 et annexé l'année suivante par l'Indonésie, lorsque l'ancienne puissance coloniale décida de se retirer du territoire. Soumis à une dure répression, de la part de l'armée d'occupation indonésienne, les Timorais ne renoncèrent jamais à leurs droits, malgré les violences imposées par l'occupant (des dizaines de milliers de morts, estimées, selon certains analystes, au quart de la population timoraise, qui comptait, alors, environ 800.000 habitants) en sus de la faim et des maladies. Le processus référendaire engagé par Jakarta, sous les pressions conjuguées de la lutte de libération des Timorais et de la communauté internationale, consacra en août 1999, à une majorité écrasante, l'indépendance du peuple du Timor-Oriental. Notons que ce processus référendaire avait été totalement pris en charge par les Nations unies. Cependant, les Timorais n'étaient point au bout de leurs peines, car, une fois le choix populaire connu, de terribles représailles s'abattront sur la population. Les milices pro-indonésiennes commettront ainsi, des massacres, notamment dans la capitale Dili, alors que plus de 80% de l'infrastructure du territoire est rasée. Ces violences feront intervenir la communauté internationale qui, sous l'égide des Nations unies, organisa une force multinationale qui mit fin aux violences. Dès lors, l'ONU a pris en charge l'administration du territoire. Il fallait reconstruire le pays, le doter d'institutions à même de le gérer et procéder à l'élection du Parlement et du président. L'élection, le mois dernier, du leader charismatique, Xanana Gusmao, à la présidence du nouvel Etat, a été triomphale et atteste de la charge de confiance dont il bénéficie auprès de son peuple. Cependant, une sacrée besogne attend le président Gusmao qui aura à endiguer la pauvreté - le Timor Lorosa'e, avec un PIB par habitant de 478 dollars, est considéré parmi les pays les plus pauvres du monde - à créer des postes de travail dans un pays miné par le chômage, à reconstruire un pays encore en majorité rural et peu urbanisé. Ce qui n'est point une sinécure, d'autant que le Timor Lorosa'e fait face à une pénurie de cadres, d'industries de base et, plus généralement, d'infrastructures à même d'accueillir les futures administrations du pays. Dans une déclaration, Mme Mary Robinson, haut commissaire aux droits de l'Homme, qui aida beaucoup le jeune Etat, a estimé, hier, que «le Timor est vraiment une lueur d'espoir pour les peuples autour de la terre, qui luttent pour reconstruire leurs sociétés basées sur la justice et les droits de l'Homme», ajoutant: «Le peuple du Timor-Oriental a montré au monde que la liberté et la justice ne pouvaient être bafouées pour toujours.» Mais au Timor Lorosa'e, les festivités battent leur plein, car demain sera un autre jour.