Comment concilier investissements et protection sociale du travailleur sous la mondialisation. L'équation semble impossible. On ne peut concilier les investissements producteurs d'emplois et la sécurisation du travailleur qui est, selon les anciennes thèses, source de richesse. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a organisé, hier, une journée d'étude sur «la législation du travail face aux défis économiques et sociaux». Ont participé à cette rencontre les ambassadeurs, les présidents de cours, les représentants du Cnes, des syndicats, du BIT et beaucoup de magistrats. Il s'agit en fait d'une réflexion sur les amendements à apporter à la loi 90-11 relative aux relations de travail. Le ministère de Tayeb Louh veut mettre en place une assise législative qui réponde aux voeux de l'investisseur -étranger en particulier- et garantisse certains droits, même infimes au travailleur. Il le dit dans son discours d'ouverture des travaux. «L'accélération du rythme des réformes économiques et sociales ainsi que la diversification et l'accroissement des échanges commerciaux internationaux et les règles imposées par la concurrence internationale et la mondialisation, sont des facteurs déclenchant des situations complexes et parfois nouvelles pour le monde du travail, ce qui nécessite des solutions adaptées à ce nouveau contexte». Le débat est lancé. Les intervenants -des représentants de l'inspection du travail, de la Cour suprême et du BIT- ne sont pas tous au même diapason. Pendant que les deux premiers mettent l'accent sur l'aspect juridique, parce qu'ils sont confrontés au problème au quotidien depuis près de 16 ans, la représentante du BIT fait des suggestions allant dans le sens de l'emploi précaire. Elle avance sous le titre générique de «flexi-sécurité» la formule de contrat de courte durée (CDD) en suggérant des «pistes de réflexion». Comme sur du papier à musique, le discours est cohérent. Mais il butte sur une réalité vécue, où le travailleur semble désarmé face à l'avancée du rouleau compresseur qu'est la mondialisation. Dès l'ouverture du débat, la majorité des intervenants mettent le doigt sur le CCD et le casse-tête de la réintégration des travailleurs licenciés. Le cas Sonelgaz est posé. Comment l'adapter à l'économie de marché alors qu'elle compte aujourd'hui 50.000 employés ; comment les faire participer au conseil d'administration ; comment mettre fin aux fonctions de l'administrateur, etc. Selon un intervenant affilié à l'Ugta, le CCD n'est pas clair. Face à la «mondialisation sauvage», que peut faire le travailleur du secteur privé? La convention collective? Il faut d'abord avoir des syndicats pour le faire? Un autre du Btph indique que son secteur est à 100% CCD. Par conséquent, la précarité de l'emploi est en vigueur dans ce secteur combien stratégique en matière d'emplois. L'article 73 est mis en exergue par beaucoup d'intervenants. Cet amendement datant de 1991 est venu, bien évidemment, dans une conjoncture politique particulière. Mais comment peut-on définir «licenciement pour faute grave», en temps de paix? Les questions fusent. On sent la préoccupation des magistrats qui veulent des textes clairs, des employeurs qui veulent les marchés et des travailleurs qui veulent la protection sociale. Benbouzid, représentant de l'inspection du travail, reconnaît que l'emploi «à temps partiel» existe depuis 1990, que la représentation syndicale dans le privé est quasiment inexistante. Laâmouri, représentant de la Cour suprême, relève que le CCD est une «arme à double tranchant» qu'il faut interdire pour les travaux «dangereux». Mme Vargha, représentante du BIT, invite l'audience à méditer sur le cas de l'Allemagne. Voilà un pays très soucieux de la protection sociale du travailleur. Mais en même temps, la mobilité du travailleur est assurée de manière, si j'ose dire, biblique. C'est aussi le pays des PME-PMI très performantes, très compétitives sur le marché international. En Allemagne, le CCD est monnaie courante mais les mesures de protection sociale sont garanties par les «négociations entre partenaires sociaux» qui assurent une flexibilité se situant au-delà du législatif. Ce que ne dit pas l'intervenante est qu'en Allemagne, le travail est une religion, que les militants syndicalistes des siècles passés y sont nés, que la rigueur de la loi est souveraine, etc. L'Algérie est un pays qui vient de sortir du socialisme et qui patauge dans le trabendo, qu'on assimile souvent au «capitalisme d'Etat», irrespectueux de ses propres lois. Présenter la recette du CCD comme remède idoine au mal de la précarité de l'emploi est surréaliste. Le travailleur attend un code du travail plus humain parce que lorsqu'on propose de choisir entre le «chômage permanent» et le CCD, le choix est vite fait.