Entre Alger et Paris rien ne va plus. Près de cinquante jours après l'éclatement de la crise entre les deux pays, la relation franco-algérienne n'a toujours pas repris son cours «normal». Le temps des «coups de fil chaleureux» semble bel et bien révolu. Le président Abdelmadjid Tebboune a prévenu: il ne fera pas le premier pas. Devant cette intran-sigeance, Paris multiplie les appels. Devant le mutisme d'El-Mouradia, l'Elysée tente de recoller les morceaux. Elle a chargé son chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, pour renouer les relations. Dans une approche conciliante et réconciliatrice, le ministre français des Affaires étrangères a affiché, dans un entretien au quotidien Le Monde, la volonté de la France de retrouver une relation «confiante» et de nouer un «partenariat ambitieux» avec l'Algérie. «Nous avons des liens ancrés dans l'histoire. Nous souhaitons que le partenariat franco-algérien soit ambitieux», a déclaré Jean-Yves Le Drian pour qui la France et l'Algérie se doivent de taire un certain nombre de frictions. «Il est logique, quand on connaît notre histoire, qu'il y ait parfois des résurgences de blessures, mais il faut dépasser cela pour retrouver une relation confiante», a-t-il insisté. Une invitation à un dialogue franc et sincère. « C'est ce que nous souhaitons, ce que souhaite le président de la République», a-t-il ajouté en affirmant qu' «il y a parfois des malentendus, mais cela n'enlève rien à l'importance que nous attachons aux relations entre nos deux pays», allusion aux propos du président français Emmanuel Macron qui s'est interrogé sur l'existence d'un «nation algérienne» avant la colonisation française. Le président français a également accusé, selon des propos rapportés par Le Monde, le système «politico-militaire» algérien d'entretenir une «rente mémorielle» autour de la guerre d'indépendance et de la France, ancienne puissance coloniale. Ce qui a provoqué, à juste titre, l'ire d'Alger qui a rappelé notre ambassadeur à Paris et interdit le survol du territoire algérien aux avions de l'armée française impliqués dans l'opération Barkhane. Certes, Emmanuel Macron a, depuis, fait part de ses regrets en se disant «fortement attaché au développement de la relation bilatérale». Sauf que, croyant faire dans l'apaisement, Macron était, lors d'un entretien accordé à France Inter, dans le registre du faux-fuyant. «Mon souhait, c'est qu'il y ait un apaisement parce que je pense que c'est mieux de se parler, d'avancer», déclarait Macron, sans pour autant préciser le sujet de la dissertation. Le mémoriel, l'armée, la coopération? Reprenant le relais, le chef de la diplomatie française souligne, dans sa plaidoirie sur la réconciliation et l'apaisement, qu'il « faut conserver ce lien fait de respect des souverainetés et d'une volonté commune de dépasser les contentieux pour retrouver une relation apaisée». Apparemment, ayant senti le vent tourner en faveur de Rome, Moscou et Ankara, Paris tente de changer de fusil d'épaule C'est la deuxième tentative de Jean-Yves Le Drian, en moins d'une semaine, de rattraper le coup, histoire d'apaiser les tensions avec Alger. Interrogé mardi à l'Assemblée nationale sur l'avenir des relations entre la France et l'Algérie, Jean-Yves Le Drian a avancé que «la France et l'Algérie sont unis par des liens ancrés dans l'histoire, et par un partenariat qui est aujourd'hui indispensable pour la stabilité de l'espace méditerranéen. Nous sommes convaincus de l'intérêt de nos deux pays à travailler ensemble dans tous les secteurs». Tout en réitérant le plus profond respect pour la nation algérienne et pour la souveraineté de l'Algérie, il a ajouté: «Nous avons pour la relation entre nos deux pays, entre nos deux peuples, pour l'avenir du partenariat franco-algérien, une ambition forte.». Un souhait loin d'être, apparemment, partagé par Alger, qui reste, pour l'heure, silencieuse. D'autant que Jean-Yves Le Drian a plaidé pour une implication plus grande de l'Algérie dans la résolution du conflit au Mali. «Nous ne voyons que des avantages à ce que l'Algérie s'inscrive plus fortement encore dans la mise en oeuvre de ces accords», a relevé le chef de la diplomatie française, sans plus de précisions.