Deux jours après la sortie médiatique du chef de l'Etat exigeant de la France "le respect" de l'Algérie, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a tenté de nouveau de calmer le jeu en réitérant l'attachement de la France "aux relations entre les deux pays". Interrogé par une députée communiste sur la dégradation des relations entre la France et l'Algérie, Jean-Yves Le Drian a dit regretter la décision d'Alger de "rappeler pour consultation" son ambassadeur à Paris. "Nous le regrettons parce que cela ne correspond pas à l'importance que nous attachons aux relations entre nos deux nations", a-t-il dit, avant de préciser que "ces relations entre nos deux pays, entre nos deux peuples (...) sont anciennes, profondes ; elles sont marquées par des liens humains uniques". "La France y est profondément attachée et souhaite les préserver et les développer. Récemment, le président de la République a rappelé son profond respect pour le peuple algérien", a-t-il ajouté. Ces propos du chef de la diplomatie française interviennent au lendemain de la sortie d'Abdelmadjid Tebboune, lequel a réclamé, en réaction aux propos de Macron qui avait suscité la colère d'Alger, "le respect total" de l'Etat algérien, condition à ses yeux à un éventuel retour de l'ambassadeur d'Algérie à son poste à Paris. Abdelmadjid Tebboune répondait au président français, Emmanuel Macron, qui avait évoqué un "système politico-militaire" algérien "fatigué, fragilisé par le Hirak", qu'il accusait d'entretenir une "rente mémorielle" en réécrivant une "histoire officielle" basée sur la "haine de la France". Tout en estimant qu'il n'y avait "rien d'irréversible" dans les relations diplomatiques, le chef de l'Etat algérien a insisté sur le fait que "l'Etat est debout avec tous ses piliers, avec sa puissance, la puissance de son armée et son vaillant peuple". Il a également insisté sur le fait que l'histoire ne doit pas être "falsifiée". Histoire, sans doute, de jouer la carte de l'apaisement, Jean-Yves Le Drian a usé d'éléments de langage, certes diplomatiques, mais qui semblent trancher avec les propos jugés "inacceptables" de Macron. "(...) Nous sommes convaincus de l'intérêt commun de nos deux pays à travailler ensemble dans tous les secteurs", a-t-il avancé tout en ajoutant que "cette vision des relations entre nos deux nations est, je crois, partagée par beaucoup de responsables algériens, à tous les niveaux". Il a témoigné avoir travaillé avec certains "d'entre eux (responsables algériens)", "de manière approfondie au cours des dernières années sur de nombreux sujets d'intérêt commun et nous sommes toujours parvenus, même dans la difficulté, à trouver des solutions lorsque des problèmes sont survenus. Cela vaut aussi, je le dis ici, sur les questions migratoires", qui ont constitué l'autre pomme de discorde, ces derniers temps, entre les deux pays. Cette crise diplomatique, la plus grave entre l'Algérie et la France depuis des années, a été provoquée par des déclarations du président Emmanuel Macron qui s'interrogeait devant des jeunes sur le passé de l'Algérie. "(...) La construction de l'Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu'il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Là est la question (...)", s'était-il interrogé, selon les propos rapportés par le journal Le Monde relatant une rencontre entre le chef de l'Etat français et des jeunes dont les ascendants avaient un lien avec l'Algérie. Emmanuel Macron a tenté, lors d'une interview accordée à France Inter, de calmer la tempête soulevée par ses propos. Mais en vain, au regard des réactions enregistrées en Algérie. Outre le rappel de son ambassadeur, l'Algérie a interdit aux avions militaires français son espace aérien. "(...) Actuellement, nous sommes agressés dans notre chair, notre histoire, dans nos martyrs, nous nous défendons comme nous pouvons", a réagi Abdelmadjid Tebboune. La sortie publique de Jean-Yves Le Drian prépare-t-elle le terrain à d'autres gestes d'apaisement de la part des autorités françaises ? Cela n'est pas exclu, d'autant qu'Emmanuel Macron devrait s'exprimer de nouveau lors d'un discours qu'il va prononcer à Paris à l'occasion de la célébration du 60e anniversaire des événements du 17 Octobre 1961 durant lesquels, des dizaines d'Algériens qui manifestaient en faveur de l'indépendance ont été réprimés ou tués. Ce sera probablement l'occasion pour le chef de l'Etat français de rectifier le tir et de faire d'éventuelles annonces dans l'espoir de renouer le fil du dialogue entre Alger et Paris.