Les forces de sécurité soudanaises ont lancé, hier à Khartoum, des grenades lacrymogènes sur les manifestants hostiles au coup d'Etat militaire, mobilisés au lendemain d'un appel sur les réseaux sociaux à «La Marche du million». Rassemblés devant le palais présidentiel, les contestataires ont signifié par leur présence le rejet par avance l'accord que le général al Burhane et le Premier ministre Abdallah Hamdok, en passe de réinvestir sa fonction, devaient signer en vue de restaurer le deal interrompu brutalement par le putsch du 25 octobre dernier. D'autres rassemblements ont eu lieu également dans plusieurs villes du pays, signifiant le refus de ce nouvel accord par la rue soudanaise. Un tel rebondissement était improbable jusqu'à samedi, mais la pression internationale ainsi que les mises en garde de l'Union africaine et des Nations unies semblent avoir contraint les militaires, de sorte que le général al-Burhane a, non seulement levé la résidence surveillée de Hamdok et l'emprisonnement des ministres et dirigeants civils, mais aussi rétabli l'accord de transition conclu entre civils et militaires, au lendemain de la chute de Omar el Béchir. Le partage du pouvoir en 2019 a connu quelques déboires et le fossé entre les deux parties membres du Conseil souverain n'a cessé de se creuser davantage, jusqu'au jour du putsch et c'est pourquoi le nouveau rebondissement aura bien du mal à convaincre la rue qui montre, par sa mobilisation permanente et sa détermination, qu'elle doute des intentions d'al-Burhane et de son second, le général Mohammed Hamdane Daglo. Avec 40 morts dont des adolescents et des centaines de blessés, les Soudanais n'ont pas hésité, hier, à braver les forces de l'ordre, non seulement dans la capitale mais également à Kassala, dans le nord du Soudan, aux cris de «Non au pouvoir militaire», «Burhane dégage», alors que le pays est sous la mainmise de l'armée depuis 65 ans. L'enjeu concerne la préparation d'une élection cruciale, en 2023, pour le passage du Soudan à une vie démocratique réelle. Si le parti Oumma s'est fortement impliqué, avec des médiateurs, dans la négociation avec les militaires, les Forces de la liberté et du changement (FLC), principal bloc pro-civils au Soudan dont le rôle a été décisif contre le régime El Béchir, restent hostiles au nouvel accord. «Nous réaffirmons clairement qu'il n'y a pas de négociation, ni de partenariat» avec «les putschistes», ont-elles affirmé, appelant à traduire les généraux en justice pour leur répression sanglante des manifestations. Avec les manifestations d'hier, les FLC promettent «un moment épique» contre la donne actuelle, d'autant que les militaires les ont écartées de la nouvelle feuille de route pour la transition. Or, elles ne sont pas seules car de nombreuses autres organisations ont appelé, elles aussi, à des manifestations monstres contre la répression et ses auteurs, mettant l'accent sur l'exigence d'une remise sur rails de la transition démocratique.