Désorientée par un processus politique qui semble de plus en plus instable, la population libyenne s'interroge sur la tenue compromise d'une présidentielle, le 24 décembre prochain. Et il y a de quoi, puisqu' à dix jours seulement du scrutin, non seulement les conditions préalables sont loin d'être assurées mais aussi les rivalités et les divergences sont remontées en surface au point que des affrontements armés ont eu lieu, hier, à Sebhha, dans le sud libyen, où les forces de l'ordre locales se sont heurtées aux milices du maréchal Haftar. La grande inquiétude découle du fait que sur la centaine de candidats à la présidentielle, pas un seul n'est réellement capable de rassembler au-delà des clivages et des ancrages politiques qui scindent la Libye en deux camps farouchement opposés, la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Minée par ces antagonismes que vient attiser une ingérence étrangère multiforme et complexe, la Libye souffre également de la présence des milices qui régentent à leur guise le contexte socio-économique et sécuritaire ainsi que la survie d'une population excédée par des conditions précaires alors que le pays dispose d'immenses richesses énergétiques suscitant la convoitise de plusieurs parties prenantes étrangères à la crise. Si des avancées ont été enregistrées du côté du Comité militaire mixte, le gouvernement de transition peine, quant à lui, à maîtriser les évènements et des tensions grandissantes sont apparues, ces dernières semaines, entre la Chambre des représentants (Parlement) basée à Tobrouk et le Haut Conseil d'Etat, basé à Tripoli, ce dernier ayant réclamé le report de l'élection présidentielle à février 2022, compte tenu des signes inquiétants sur l'éventualité d'une nouvelle flambée de violences. Le fait est que chaque camp a son candidat et que les litiges ont pris des proportions alarmantes, tant les critères inscrits dans la loi électorale, votée sans débats et concoctée sur mesure pour le maréchal Khalifa Haftar qui, en cas d'échec, est assuré de retrouver son poste de chef de l'autoproclamée armée nationale libyenne (ANL), sont bafoués. Ainsi, sont candidats des personnes qui s'étaient engagées à ne pas se présenter lorsqu'elles ont été adoubées par la feuille de route du Forum de dialogue politique, notamment le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah et le président du Parlement, Saleh Aguila. Quant à Haftar, il est accusé, tout comme Seif El Islam, de crimes et d'atteintes aux droits de l'homme et tous deux sont poursuivis ou par la justice libyenne ou par la CPI. C'est dire combien ces candidatures rendent aléatoire la tenue d'une présidentielle dont la campagne électorale a pris fin avant même d'avoir commencé. Dans de telles conditions, le peuple libyen, épuisé par une décennie de conflits, une corruption totale et une situation sociale critique, rêve d'un homme capable de ressouder l'unité du pays, de mettre fin aux violences et de relancer une économie au bénéfice de tous les Libyens, sans exclusive.