Le Haut Conseil d'Etat libyen (HCE), instance faisant office de Sénat, a annoncé hier rejeter la loi électorale régissant les élections législatives, adoptée la veille par le Parlement, à moins de trois mois d'un double scrutin crucial pour l'avenir du pays. Le HCE «rejette les violations continues par le Parlement (...) dont la dernière en date est la promulgation de ce qu'il a appelé la +loi électorale du Parlement+, sans se conformer au texte de l'article 23 de l'Accord politique» signé fin 2015 à Skhirat (Maroc), a réagi sur Twitter Mohammed Nacer, porte-parole du HCE, instance basée à Tripoli (ouest). L'article 23 «oblige le Parlement à se mettre d'accord avec le Haut Conseil d'Etat sur cette loi», a affirmé M. Nacer, en tenant «responsables le Parlement et ses membres de tout retard ou perturbation de la date des élections, dus à des actions unilatérales». Lundi, le Parlement siégeant à Tobrouk (Est) a adopté la loi régissant les législatives, un peu plus de trois semaines après la ratification d'un autre texte controversé encadrant le volet présidentiel du double scrutin prévu le 24 décembre. Le HCE avait déjà rejeté le texte régissant l'élection du futur président, ratifié sans vote et favorisant l'homme fort de l'Est, le maréchal Khalifa Haftar, au grand dam des autorités basées à Tripoli. Celui-ci avait aussitôt annoncé sa démission, assuré de pouvoir reprendre et ses activités et bénéficier des gains rétroactifs de son statut en cas d'échec à la présidentielle. La Libye tente de tourner la page d'une décennie de chaos depuis la chute en 2011 du régime de Maamar El Gueddhafi, chassé du pouvoir et tué après huit mois de révolte populaire, dans le sillage du Printemps arabe. De 2015 à début 2020, le pays d'Afrique du Nord était au coeur d'une lutte de pouvoir entre l'ancien Gouvernement d'union nationale à Tripoli, reconnu par l'ONU, et un pouvoir à l'Est incarné par le maréchal Haftar. Après l'échec de l'offensive lancée par le militaire septuagénaire en avril 2019 pour s'emparer de la capitale, les deux camps ont conclu un cessez-le-feu en octobre dernier, sous l'égide des Nations unies. Le mois suivant cette trêve, l'ONU a amorcé un dialogue politique interlibyen, qui a abouti à l'instauration en mars dernier d'un gouvernement unifié chargé de sortir le pays d'un conflit internationalisé en menant à bien une transition jusqu'aux élections de décembre. Et si, en théorie, la Libye dispose désormais d'un pouvoir uni, la région orientale de Cyrénaïque demeure contrôlée de facto par le maréchal Haftar, chef de l'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) et candidat devenu plus que probable à la présidentielle du 24 décembre prochain. Avec le vote de la loi électorale controversée et la motion de censure contre le gouvernement d'union transitoire de Abdelhamid Dbeibah, le Parlement que préside Saleh Aguila est désormais en rupture avec les autorités de Tripoli et les tensions sont telles que le rendez-vous du 24 décembre paraît plus incertain que jamais.