La Tunisie est toujours confrontée à d'énormes défis, sociaux, politiques, économiques et sécuritaires. Le pays qui célèbrera ce 17 décembre, le 11ème anniversaire de la révolution du Jasmin qui a fait chuter le régime de l'ancien président Ben Ali, doit accélérer ses réformes pour gérer les énormes crises qui guettent la Tunisie. C'est la raison qui a amené le président Kaïs Saïed à annoncer, lundi, dans un discours télévisé, des mesures importantes concernant l'avenir des Tunisiens, dévoilant par là l'agenda de son projet de refondation de la République qu'il se promet de mettre en route durant l'année prochaine avant le 17 décembre 2022, date choisie pour la tenue des élections législatives anticipées. Il faut dire que depuis 2011, la vie politique du pays a été rythmée par de multiples crises qui ont vu défiler 13 gouvernements. Avec une Constitution adoptée en 2014 qui prévoit un système parlementaire mixte, dans lequel le président de la République n'a que des prérogatives limitées, Kaïs Saïed, depuis sa victoire écrasante au second tour de la présidentielle de 2019, s'est retrouvé face à un blocage institutionnel et les luttes politiques intestines. L'homme sans étiquette politique, s'est amèrement plaint d'être paralysé par le système politique tunisien et ses règles constitutionnelles. Comme il ne s'est pas présenté sous l'égide d'un parti politique, Saïed a manqué de soutien au Parlement pour mettre en oeuvre son programme. Face à un blocage qui durait, il a décidé, en juillet dernier, de prendre le taureau par les cornes et d'imposer les réformes avec la suspension du Parlement et une fin de fonction pour le gouvernement. Cinq mois après, il vient de dévoiler la feuille de route qu'il compte dérouler pour sortir de la crise politique. Une urgence car les Tunisiens semblent lassés de vivre le statu quo, surtout que sur le plan financier, la situation est dramatique. L'Etat tunisien, fortement endetté, peine aujourd'hui à trouver de nécessaires financements supplémentaires. En juin dernier, le voisin de l'Est s'est vu dans l'obligation de demander une aide de 4 milliards de dollars au FMI, la quatrième en 10 ans en raison de la crise qui a entraîné un dérapage budgétaire sans précédent. Le déficit a explosé de 3,4% du PIB en 2019 à 9,6% du PIB en 2020 et devrait atteindre 7,8% du PIB en 2021. La trajectoire d'endettement est désormais jugée insoutenable sans réformes. La dette publique est passée de 74,2% à 89,7% du PIB en 2020 et devrait dépasser 90% en 2021. Si l'on ajoute à cela la crise sanitaire avec une 4e vague de Covid-19 qui pointe le bout de son nez, le pays va mal. Et encore plus mal si on rappelle le chômage qui dépasse les 15% et la baisse du niveau de vie. Des diplômés chômeurs qui attendent un emploi de l'état aux ingénieurs du service public qui observent une grève ouverte pour réclamer une prime promise, en passant par un taux de pauvreté qui érode même une partie de la classe moyenne, jamais la situation sociale dans le pays n'a été aussi explosive. Kaïs Saïed a décidé d'agir vite en prenant ses responsabilités pour «sauver le pays des dérives auxquelles il était condamné». Pour le président tunisien, il ne fallait pas se perdre dans des querelles politiques, mais se mettre rapidement à assainir la situation financière de l'Etat et éviter la banqueroute, car la Tunisie peine à trouver des créanciers au-delà des promesses des Etats du Golfe qui, pour l'instant, ne se sont pas réalisées. Le président Saïed, aux prises avec une situation économique et sanitaire difficile, tente également de maintenir le cap face à ses détracteurs islamistes. Résolu, l'homme a lancé un programme réformiste audacieux, marqué notamment, par une lutte vigoureuse contre la corruption. La relance de la production de phosphate, pilier de l'économie tunisienne, offre également un espoir de reprise tangible à ce pays. Les Tunisiens qui soutiennent dans leur majorité les mesures chocs du chef de l'Etat tunisien, peuvent encore surmonter cette tempête politique et sortir leur pays du gouffre.