La guerre ou le dialogue des mémoires, c'est selon que l'on veuille les apaiser ou les exacerber, a pris sa part dans le débat algéro-français durant l'année 2021. Non annoncé sous sa forme «belliciste» aux premières semaines de cette année, le discours sur la colonisation n'a pas tardé, au fil des mois, à prendre des intonations plutôt bizarres, jusqu'à surprendre à travers des propos rarement proférés par d'anciens présidents français qui ont eu à gérer le délicat dossier de la mémoire. En effet, le summum du «bellicisme» mémoriel a été le fait du président français en exercice, Emmanuel Macron. Contre toute attente, le locataire du palais de l'Elysée s'est permis de franchir le Rubicon, en stigmatisant les Algériens dans leur histoire et leur existence en tant que nation. C'est dire que la mémoire est une arme à double tranchant, de par la charge qu'elle véhicule au plan politique, historique et symbolique à la fois. Le coup avait des arrière-pensées électoralistes. Les conséquences ont été à la hauteur de «l'agression mémorielle». L'Algérie n'a pas attendu une lecture aussi vicieuse que tendancieuse pour construire une approche homogène et claire quant à la démarche à entreprendre face à cette «guerre» des mémoires,t ses objectifs perfides et qui cachent des visées néocolonialistes. Pourtant, on se souvient que 2021 avait démarré sous d'excellents auspices sur cette question précisément. Lors de leurs nombreux échanges téléphoniques, les deux présidents algérien et français abordaient systématiquement le nécessaire apaisement des mémoires à l'effet de refonder les relations entre les deux Etats sur de nouvelles bases. Les convergences de vues ont amené Tebboune et Macron à désigner des personnalités, chargées d'engager un véritable dialogue et surtout à dépassionner les débats. L'intrusion du jargon extrémiste dans le discours de Macron est venu enterrer cette dynamique, malgré une initiative initiée par l'Elysée et qui a reçu un accueil plutôt froid en Algérie. En effet, le rapport Stora qui préconise des actions concrètes pour lancer le dialogue des mémoires et répond aux «questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie» a été rédigé à la demande d'Emmanuel Macron. Le document de Benjamin Stora a suscité, en France, des réactions incendiaires de la part des ultras et des nostalgiques de l'Algérie française. L'Algérie n'a apporté aucun commentaire officiel au travail de l'historien français. Paris voulait créer un déclic sans prendre l'avis d'Alger au préalable. La réponse a été le silence. Et ce n'était pas une réaction épidermique. L'Algérie a toujours appelé de ses voeux une démarche concertée et assumée susceptible d'asseoir les jalons d'un dialogue franc. À El Mouradia on a estimé que l'approche française devait être certainement mieux aboutie. L'enjeu est effectivement d'éviter toute initiative minée par des entraves de nature à instrumentaliser la mémoire et la détourner de son processus historique. C'est dire que l'année 2021 a constitué un sérieux repaire des ambitions de Paris sur le dossier, mais également ses contradictions et parfois une grande légèreté dans la gestion d'une question qui relève du crime contre l'humanité. En tout état de cause, 2021 n'a pas tenu ses promesses sur le rapprochement souhaité entre les deux pays. les archives dont on a annoncé l'ouverture à grands renforts médiatiques demeurent muettes et les tentatives de rattraper la «gaffe» de Macron restent sans impact sur la question des mémoires. Cependant, la dernière initiative de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot qui a annoncé l'ouverture des archives judiciaires avec 15 ans d'avance, clôt peut-être cette année sur une note optimiste. C'est à voir.