C'est un autre pas vers une relation plus apaisée entre l'Algérie et la France qui vient d'être franchie. Les archives, celles qui portent sur la guerre de Libération nationale, un pan de l'histoire tragique liant les deux pays où la France coloniale a montré son visage barbare,à savoir torture, massacres disparition forcée, va être dévoilée. Une vérité que la France veut assumer, regarder en face. «J'ouvre avec 15 ans d'avance les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d'Algérie», a annoncé, hier, la ministre française de la Culture, Roselyne Bachelot. Une mémoire d'outre-tombe longtemps sous scellés, qui va livrer sa terrifiante vérité, toute nue. Elle intervient dans le sillage d'une crise qui tire son origine dans cette question mémorielle non soldée car elle renferme des atrocités qui témoignent d'une colonisation barbare. Evoquer un sujet aussi sensible que celui de la mémoire revient à convoquer l'histoire tragique qui lie les deux pays. Celle d'un long processus qui a conduit à spolier les Algériens de leurs terres, à faire voler en éclats une identité qui reste à reconstruire. Une reconstruction qui doit passer par la récupération d'archives qui témoignent de 130 années passées sous le joug de l'une des armées les plus puissantes du monde, d'une administration coloniale qui a réduit les Algériens à un statut de seconde zone, d'indigènes. «Je veux que sur cette question - qui est troublante, irritante, où il y a des falsificateurs de l'histoire à l'oeuvre - je veux qu'on puisse la regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge», a argué la ministre. «C'est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. À partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c'est à partir de ce moment-là qu'on peut construire une autre histoire, une réconciliation», a-t-elle poursuivi. Il faut souligner que cette annonce intervient dans le sillage de la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian qui a pour objectif de décrisper les relations entre les deux pays suite aux propos tenus par le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, qui a remis en cause le statut de nation à l'Algérie, allant jusqu'à faire une lecture escamotée de son histoire. La riposte fut à la hauteur de ce «dérapage» volontaire. L'ambassadeur d'Algérie à Paris a été rappelé et le ciel algérien interdit aux avions militaires français. C'est donc une nouvelle page des relations algéro-françaises qui s'ouvre après ce «geste» fort divulgué par la ministre française de la Culture. «On a des choses à reconstruire avec l'Algérie, elles ne pourront se reconstruire que sur la vérité», a souligné Roselyne Bachelot, qui a dans ses prérogatives la question des archives. Quelles conséquences aura cette décision sur les actes de torture commis par l'armée française en Algérie. «C'est l'intérêt du pays que de le reconnaître», a-t-elle répondu. Une initiative qui répond aux attentes du conseiller du président de la République, chargé des Archives et de la Mémoire nationale qui avait évoqué la question de la récupération des archives. «Nous sommes obligés de constater que cela traîne» avait déclaré, le 27 octobre 2020, sur les ondes de la Chaîne3 Abdelmadjid Chikhi, «Il y a une résistance viscérale de l'autre côté, comme pour cacher des choses, à vouloir garder un patrimoine à fructifier. Nous sommes victimes de ces résistances, de ces bâtons dans les roues...», avait-t-il souligné. La France a vraisemblablement décidé de répondre aux légitimes requêtes de l'Algérie, restituer son passé colonial qui atteste d'atrocités trop longtemps refoulées.