Une tenue de bloc, des petites connaissances du domaine de la santé, quelques mots en français. C'est bon, vous êtes docteur en médecine sur les réseaux sociaux! L'histoire qu'est en train de démêler la justice, résume parfaitement cette nouvelle «doctrine». Un jeune ingénieur commercial voit son père atteint de Covid-19. Il a une forme relativement grave qui nécessite son hospitalisation. Il se propose alors comme garde- malade. Jusqu'ici rien d'anormal. Une chose qui arrive dans des milliers d'autres familles algériennes. Sauf que la camisole et la «tenue de bloc», qu'il est autorisé à porter pour ne pas choper le virus, lui montent à la tête! Il se prend au jeu et décide de se faire passer pour un médecin de l'hôpital Nafissa Hamoud d'Hussein Dey. À l'aide de «l'arme de destruction massive» qu'est son smartphone, il décide de prêcher la bonne parole sur les réseaux sociaux, notamment Tik Tok. Devenir médecin en un clic! Avec des connaissances très approximatives du domaine médical, il se fait passer pour un résident en pneumologie. Ce qui lui confère une grande «légitimité» pour parler du coronavirus et du vaccin. Il commence à remettre en cause l'efficacité du protocole thérapeutique utilisé pour prévenir contre les surinfections de ce virus. Il bafouille sur certains concepts médicaux, tout en utilisant à tort et à travers des termes sortis tout droit d'une encyclopédie médicale. Il s'attaque ensuite au vaccin qu'il qualifie de plus grande «arnaque» du siècle. Car, selon ses dires, non seulement il n'est pas efficace, mais aussi mortel. Il assure que plusieurs personnes, notamment des jeunes sans aucun antécédent médical, sont décédés après avoir été infecté par le coronavirus. Le point commun entre eux est le...vaccin. «On a reçu une jeune fille de 25 ans, sans aucun problème de santé, vaccinée qui est décédée quelques heures après son hospitalisation», argumente- t-il avec ce qu'il présente comme une «étude» sérieuse. Croyez-le ou non, beaucoup sont tombés dans le panneau! Quand on dit beaucoup, c'est vraiment beaucoup. On parle là de millions de personnes. Certaines de ses vidéos ont été vues près de 1,7 million. Elles ont fait un véritable «buzz» sur les réseaux sociaux. S'il y en a qui ne l'ont pas pris au sérieux ou ont averti contre ses délires, la majorité a pris sa parole pour argent comptant. C'est quand même un «médecin» qui le dit! Les commentaires élogieux fusaient de partout pour cette vidéo qui a été partagée plusieurs milliers de fois. Fort heureusement, le «bruit» qu'elle a fait a interpellé les services de sécurité qui ont ouvert une enquête pour mettre fin à ses agissements. Néanmoins, ce jeune n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan trouble de la Toile. Il y a des centaines d'autres charlatans qui noient la blogosphère de «fake news», pour arnaquer les gens, ou tout simplement à la recherche de notoriété. On a même eu de «vrais» médecins qui remettent en cause l'existence de ce virus, en développant des théories du complot. À l'image de celui d'Annaba qui était lui aussi suivi par des millions de personnes. Le Conseil national de l'Ordre des médecins a dû intervenir pour mettre fin à ses agissements. Il s'est excusé en affirmant avoir trompé les gens avant de mettre fin à sa carrière...d'influenceur. Les exemples ne manquent pas. Ils sont favorisés par le comportement de la société, de plus en plus connectée, qui utilise Internet et les réseaux sociaux pour s'informer et avoir des avis. Ils finissent à l'hôpital... Ce qui est normal avec l'aspect communautaire des médias sociaux. Sauf que ce nouveau paradigme a ses limites, notamment quand il concerne la santé des citoyens. Or, on voit que des personnes publient des demandes à l'aide ou des «prescriptions» dans des groupes qui n'ont rien à voir avec la médecine. Des personnes tout aussi éloignées du domaine médical leur répondent, les conseillent et leur demandent d'acheter des médicaments bien précis. Cela a pris une grande ampleur durant cette 4e vague de Covid-19, où des «ordonnances» types circulaient sur Facebook and co. Des milliers de personnes ont pris des traitements sans avis médicaux. «Beaucoup finissent à l'hôpital», dénonce le docteur Omar Haouchine, médecin spécialiste travaillant dans un service Covid-19. «Je vois des groupes de plomberies, de pneus ou de voitures qui parlent du virus, et donne des prescriptions à tout- va. J'essaye d'expliquer les dangers d'un tel comportement. En vain!», rapporte-t-il dépité. «Résultat des courses: la santé des malades se dégrade à cause d'une mauvaise prise en charge. On les reçoit dans un sale état à l'hôpital, certains finissent par rendre l'âme», souligne -t-il. Ce médecin donne l'exemple de la mauvaise utilisation de l'oxygénothérapie, la surdose d'oxygène ou l'utilisation systématique d'anticoagulant. «Cela parce qu'ils l'ont lu sur Facebook», rétorque- t-il très en colère. Il y a donc un véritable danger sur la santé publique. Les gens doivent comprendre que la Toile n'est pas un...hôpital!