L'Etat a un rôle crucial à jouer en faisant le lien entre l'évolution en cours au niveau mondial et la vie quotidienne des citoyens. Le problème du salaire a toujours été traité d'une façon ésotérique en Algérie. En fait et en l'absence d'une grille des salaires basée sur une classification sociale, les rémunérations sont plus distribuées en fonction de la capacité de nuisance à la société qu'en fonction de l'apport réel ou supposé de telle ou telle catégorie de salarié du public ou du privé. Dans un article récent de l'Express, bien qu'une forme d'opacité règne aussi en Europe concernant les salaires, il n'en demeure pas moins que l'on sait globalement ce que perçoit tel ou tel dirigeant d'entreprise, tel ou tel homme politique voire tel ou tel chef d'Etat. Dans les pays africains et notamment chez nous, tout est tabou. A tort on diabolise les députés qui se votent leur salaire et qui n'est pas le fruit de l'effort ou de la compétence, on ne parle pas des autres salaires notamment ceux des sociétés nationales. Qu'en est-il de la grille des salaires fonction publique héritage de la période coloniale? Il est évident que si l'on continue à fonctionner sur les anciens schémas on va droit dans le mur, du fait que l'Etat ne pourra plus ad vitam eternam dans ce nouveau monde de la concurrence, de la performance, de la fléxiblité garder à vie des personnes en panne de rendement et dépassées par le mouvement du monde. Dans ces conditions il est vital que la Fonction publique fasse sa mutation. Les syndicalismes doivent d'une façon ou d'une autre rentrer dans cette dynamique qui consiste non pas à défendre le droit des travailleurs d'une façon anonyme mais les droits des travailleurs performants. Cependant, dans les pays industrialisés, la place de l'enseignant a une place de choix dans la hiérarchie de la fonction publique. Nous allons voir qu'en fait cette mutation du rôle de l'Etat n'est pas synonyme d'abandon des prérogatives de l'Etat comme garant de la pérennité et des grands équilibres. Le rôle futur de l'Etat et le devenir de la fonction publique Au cours des 40 premières années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements occidentaux ont joué un rôle croissant dans la vie des citoyens. Inversement, on assiste, depuis les années 80 et 90, au début d'un nouveau cycle qui se poursuivra probablement pendant un certain temps encore. Par le passé, les Etats en étaient venus à occuper une portion toujours croissante de l'espace politique et économique du pays. Aujourd'hui, les dossiers étant devenus plus complexes et l'art de gouverner plus difficile, les Etats tentent d'être plus sélectifs quant aux responsabilités qu'ils assument au nom des citoyens et de partager leur rôle avec les autres paliers de gouvernement ainsi qu'avec les secteurs privé et bénévole. Cela les amène à réformer leur fonction publique pour en faire une organisation moderne et adaptée au rôle qu'elle doit jouer dans une société contemporaine. Avec l'Etat social, le XXe siècle a constitué une véritable révolution. Pour s'en convaincre, il suffit de penser à l'importance de ce qu'on peut nommer les quatre piliers de l'Etat social: la protection sociale, les services publics, le droit du travail et les politiques économiques de soutien à l'activité et à l'emploi. Une des caractéristiques les plus frappantes des Etats démocratiques occidentaux, ces dernières années, a été qu'ils se sont tous appliqués à repenser le rôle de l'Etat et l'organisation de leur fonction publique. Plusieurs redéfinissent la nature même du gouvernement. Ce phénomène ne se limite pas aux gouvernements qui se réclament d'une même idéologie. Indépendamment de l'idéologie, les résultats se rejoignent. En fait, par la redéfinition du rôle de l'Etat et la réforme de leur fonction publique, les pays occidentaux mettent à l'essai différentes formules et, ce faisant, apprennent les uns des autres. Comme les défis qu'ils doivent relever et les contraintes auxquelles ils sont soumis sont semblables, la démarche de l'un influence celle des autres. Soumis à plusieurs grandes tendances mondialisation, nouvelles technologies de l'information, contraintes financières, évolution de la société, les Etats sont confrontés à une transformation continue du contexte politique, social et économique. L'envergure, les conséquences et la nature des changements associés à ces tendances forcent les gouvernements à redéfinir leur mode d'interaction avec les citoyens et l'organisation même des systèmes politiques. Par le passé, le programme politique d'un gouvernement national était déterminé principalement en fonction des préoccupations et intérêts intérieurs. La mondialisation a modifié cette approche. Les frontières nationales ne peuvent plus désormais constituer le seul point de repère pour déterminer comment répondre aux besoins et aux intérêts des citoyens dans un grand nombre de domaines. La mondialisation a porté, sur la scène internationale, de nombreuses questions de politique nationale en matière économique, mais dans beaucoup, protection de l'environnement, législation du travail et droits de la personne. En s'intégrant davantage, les économies nationales se sont trouvées plus influencées par les institutions internationales et moins assujetties aux politiques nationales. Les pays doivent savoir utiliser les institutions et les processus décisionnels internationaux pour gérer leur interdépendance. En un mot, la mondialisation a instauré un cadre international pluraliste de prise de décisions et d'élaboration de politiques. L'Etat a un rôle crucial à jouer en faisant le lien entre l'évolution en cours au niveau mondial et la vie quotidienne des citoyens. Il doit savoir traiter les aspects locaux et régionaux des grandes questions nationales et internationales. Inversement, il doit interpréter les incidences de la mondialisation sur les décisions d'intérêt public et les communiquer aux citoyens. L'Etat doit concilier les impératifs mondiaux et les besoins locaux. En somme, la mondialisation rend plus difficile et plus complexe la tâche des gouvernements. Pour y faire face, ceux-ci doivent assumer des rôles supplémentaires: Pour bien s'acquitter de ces rôles, l'Etat doit se concentrer sur les questions fondamentales et éviter de disperser ses efforts. L'explosion récente du recours et de l'accès aux technologies de l'information et de la communication réduit l'importance des frontières nationales et des fuseaux horaires et accroît l'interdépendance des pays. La révolution dans le domaine de l'information se poursuivra, et il serait prématuré de prédire si, en définitive, elle constituera un bienfait ou un fardeau pour les citoyens et leurs gouvernements. Il est cependant clair qu'elle influence la façon pour les gouvernements de répondre aux besoins des citoyens. L'Etat ne doit pas pour autant perdre contact avec les citoyens. L'amélioration du service peut, en fait, accroître la légitimité et la pertinence des gouvernements. La nouvelle technologie offre la possibilité d'une interaction étroite et permanente entre l'Etat et les citoyens. Plusieurs nations occidentales ont procédé à un réexamen du rôle de l'Etat en tenant compte des ressources disponibles. Des réformes plus profondes et plus durables ont succédé à l'approche initiale de l'amélioration de l'efficacité et de la réduction des coûts. L'heure est à la rationalisation des organisations ou la commercialisation de services et d'activités auparavant gérés par le secteur public. Sous l'effet des tendances globales, un certain nombre de pays occidentaux ont entrepris de repenser le rôle de l'Etat et l'organisation de la fonction publique. Indépendamment de leur philosophie politique, les gouvernements expérimentent et en tirent des enseignements profitables. La fonction publique devra faire sa mutation et à titre d'exemple, la titularisation ne se fait plus systématiquement mais au mérite après un long parcours où le candidat doit montrer qu'il est performant. Qu'en est-il des syndicats en Algérie? Historiquement l'Ugta qui fête sont cinquantième anniversaire a accompagné comme organisation de masse l'Etat et le parti du FLN ; Après 1988, et l'ouverture du multipartisme le rôle et l'action de l'Ugta ont de plus en plus été concurrencés par l'émergence d'autres expressions de la société à travers les partis mais aussi à travers des syndicats autonomes qui sont tout juste tolérés. L'Etat faisant de son mieux pour conforter son syndicat historique qui lui permet moyennant quelques concessions de «stabiliser» l'immense majorité des travailleurs L'apparition des nouveaux syndicats, où certaines fois l'idéologie est présente vient combler un vide, du fait qu'à tort ou à raison, ils pensent que l'Ugta ne répond plus à leur attente. C'est le cas du syndicat autonome de la Fonction publique, c'est aussi le cas des syndicats de l'éducation nationale et ceux de l'enseignement supérieur, la défunte Anpmc torpillée par le pouvoir de l'époque et l'actuel Cnes menacé d'implosion. Au lieu de se mettre à jour, pour s'insérer dans cette mondialisation sans éthique, le syndicat unique semble rentrer dans le 21e siècle à reculons. Son seul combat il le mène contre l'intelligence en refusant une aumône acquise de haute lutte par les formateurs de l'élite de ce pays qui en viennent à mendier ce qui leur est dû normalement si la société et les organisations de masse censées défendre les travailleurs -les enseignants sont jusqu'à preuve du contraire aussi des travailleurs- le reconnaissent. Il est vrai que ce sont des travailleurs qui ne comptent pas, du fait qu'ils n'ont pas, et pour cause, de capacité de nuisance. La dernière bataille en date est celle du Cnes concernant les salaires et les logements et accessoirement des conditions de travail. C'est dire si la spécificité du corps enseignant, que rien ne distingue au vue de ces revendications de celle d'un travailleur syndiqué à l'Ugta ou ailleurs, est diluée masquant le réel apport de l'université à la Société. Ceci a amené le responsable des travailleurs à ruer dans les brancards au cas où cette spécificité était prise en charge. Pour autant, on constate s'agissant des enseignants que la méthode de rémunération à l'européenne a montré ses limites. Pour Alberto Alesino, professeur à Harvard et Francesco Giovazzi, professeur à Boccoli: «Les systèmes universitaires des Etats-Unis et de l'Europe continentale ne pourraient pas être plus différents. Lequel fonctionne le mieux? La réponse est claire: celui de l'Amérique, et de loin. Les universités européennes sont généralement basées sur trois principes peu judicieux: Ce sont les contribuables, et non les étudiants, qui paient pour l'éducation universitaire; les nominations universitaires sont gouvernées par les contrats du secteur public et les procédures universitaires sont souvent centralisées et presque toujours rigides; les salaires entre enseignants tendent à être égalisés ainsi que la qualité de l'enseignement entre universités. En réalité, le système européen engendre généralement moins de chercheurs et des étudiants plus médiocres, particulièrement au niveau du doctorat, et il est probablement moins égalitaire que le système américain». En plus de favoriser les «nantis» de l'Europe, ce système rend quasiment impossible pour les universités privées autofinancées de survivre. Les étudiants paient pour leur éducation et, avec une partie des frais que ces étudiants versent, les universités financent les bourses pour les étudiants méritants mais pauvres. Un tel système est au moins aussi «équitable» que le modèle européen. Mais la concurrence est aussi importante que le financement pour déterminer la qualité d'une université car la concurrence augmente le mérite du produit. Ceci est vrai dans le système américain, dans lequel les universités publiques et privées coexistent harmonieusement. L'université de Californie à Berkeley est publique. L'université de Stanford est privée. Toutes les deux figurent parmi les meilleures universités d'Amérique. La concurrence entre elles fonctionne car elle implique une lutte pour attirer les meilleurs étudiants et l'offre de bourses aux étudiants pauvres méritants. «Par contraste, le contrôle de la centralisation et de la bureaucratisation en Europe sur les universités n'engendre que médiocrité. Les meilleures universités américaines font fonctionner leurs processus de recrutement en interne, en s'appuyant uniquement sur les étrangers pour obtenir des opinions d'expert sur la qualité de la recherche d'un professeur candidat. Les meilleures nominations sont le fait de la menace selon laquelle des professeurs médiocres ne permettront pas d'attirer de bons étudiants et d'importantes subventions de recherche. La tendance de l'Europe à égaliser le salaire et le traitement des professeurs et des chercheurs réduit également l'incitation à s'engager dans une recherche et un enseignement de qualité. Si le seul facteur d'augmentation du salaire d'un professeur est le passage du temps, pourquoi ferait-il l'effort supplémentaire d'exceller?» Ceci est à méditer: dans la philosophie de la fonction publique ce n'est pas le temps qui importe c'est le résultat auquel on aboutit. «Les bas salaires font souvent partie d'un marché implicite: en échange d'un salaire médiocre, les administrateurs universitaires ferment les yeux sur la paresse de l'enseignement et de la recherche. De plus, si les salaires sont bas, comment les doyens des universités peuvent-ils empêcher leurs professeurs de quitter le pays pour une activité plus lucrative? Ils obtiennent simplement un enseignement médiocre, une recherche de mauvaise qualité et des professeurs absents. Les universités américaines utilisent souvent des incitations financières agressives et un traitement différentiel des professeurs afin de récompenser un enseignement et une recherche de qualité. De plus, la nature privée des contrats entre une université américaine et ses professeurs crée une concurrence saine pour le talent et un marché flexible et efficace pour les savants. Par conséquent, il n'est pas rare qu'un jeune professeur brillant et productif en Amérique gagne autant, si ce n'est plus, que des collègues plus âgés et moins productifs. Dans ces conditions, cela ne surprendra personne que les universités américaines de nos jours soient de plus en plus composées de plusieurs des meilleurs savants européens. Il est surprenant, face à cet exode des cerveaux, que la pression des professeurs universitaires en Europe, pour bloquer les réformes, soit si forte».(1). Partant de cela, -nécessité dune mutation de la fonction publique, incitation différentielle, profonde mutation de la fonction syndicale-,'est toute l'intelligence de nos dirigeants de réhabiliter la fonction d'enseignant dans la hiérarchie sociale tout en se gardant d'aligner tout le monde. Il nous faut des mécanismes visant à récompenser le mérite et l'effort pour que graduellement les enseignants non rentables soient jugés à leur juste valeur. 1. Alberto Alesino and Francesco Giovazzi: Le défi universitaire de l'Europe: Janvier 2003