Travail salarié, condition ouvrière, prolétariat, classes et luttes sociales, autant de dénominations pour évoquer l'histoire de l'évolution du salariat qui a été, de façon directe ou indirecte, la conséquence des révolutions sociales ayant marqué nos sociétés. En effet, l'issue des guerres mondiales, et notamment de la deuxième, ont contribué de manière efficiente à l'essor de la condition ouvrière, soutenue par l'adoption d'une idéologie syndicale et d'un large mouvement ouvrier. Cette situation est irréfutablement liée au développement de l'industrialisation et de la forte capitalisation des moyens de production. (Révolution industrielle). Le rapport au travail sera, alors, marqué par les idéologies capitalistes et socialistes, qui ont établies la configuration de "l'homme", facteur de production, élément déterminant dans l'évolution de la productivité. L'esprit de la modernisation, et son impact, permettent de noter déjà, à travers les sociétés industrielles, notamment, une situation du travail en vision dissociée selon les différentes idéologies. Celles-ci, nous ferons observer une duale conception de la notion du travail, à travers un statut, selon les régimes socialistes, où l'on parlera tantôt de travailleur, et de salarié, dont la notion est référencée au régime capitaliste, soutenu par le principe qui convoque un régime de droit du travail à celui de droit au travail. L'Algérie marquera son histoire au sortir du colonialisme, par l'institution répondant d'une configuration socialisante et d'un régime salarial correspondant à un "statut" du travail inhérent aux politiques de plein emploi. On notera un large mouvement ouvrier développé à travers une forte conscience politique nationale que l'industrialisation en masse a certes encouragé. La situation a depuis lors évolué vers une économie libérale instaurant un nouveau rapport au travail largement dépendant de l'idéologie capitaliste. Le support juridique social qui s'est créé, s'est implanté dans une société en plein éclatement de ses valeurs (atomisation de la cellule familiale, démographie, chômage et réduction du marché du travail). On assiste alors à une démobilisation des classes sociales, favorisées par les retombées internationales, la diminution de la rente pétrolière, au début des Années 1980-1990, la réduction du marché du travail, à travers sa libéralisation, et une flexibilité de l'emploi, mal maîtrisée. Le mouvement de la "désyndicalisation", observé au plein universel, également dans notre pays, est resté favorisé par la perte progressive du rapport de force de la classe salariale. Aussi, une dilution du concept du travail, selon les normes économiques, se traduit, déjà en Algérie, par, l'absence de la maîtrise de l'outil de travail, nécessitant une technologie particulière et un développement d'une culture du sens du travail, absente dans la société active, a encouragé une situation de rente. Face à un dirigisme d'Etat, sur l'économie en général, et une désintégration des forces créatrices de richesses, par un népotisme et une corruption systématisée, la situation de la rente ne fera que s'accroître. L'institution de catégories sociales privilégiées juridiquement, sans rapport à une productivité de travail, mais plus en liaison à une situation donnée (anciens moudjahiddines, fils de chouhadas, liens sociaux et familiaux, et autres ... ) par la multiplication des ayants droits, ne fera que conforter l'idée de la rente. Ceci n'est pas sans oublier la référence aux régimes occidentaux, légitimant les aides sociales et encourageant par ailleurs une situation de l'assistanat de la société active. On parlera davantage de la société de loisir, qui a supplanté celle du travail et, en conséquence, une orientation des activités, vers un rapport de consommation, souvent axée sur l'idée du bien-être avant tout. La pérennisation du dirigisme de l'Etat, dans l'économie de nos pays et les conséquences bureaucratiques, qui en découlent, avec une situation de népotisme développé, dans une économie certes libérale mais le plus souvent anarchique, ne feront qu'accroître la démotivation du rapport au travail, au sens économique du terme. Ceci, en dépit de la pérennisation du chômage, la demande d'emploi étant plus importante que l'offre. La lutte salariale perdra davantage de son crédit. Le développement de l'outil de travail, par le système d'informatisation, tout en favorisant la qualité de production des services, s'oriente vers une restructuration du concept du travail, car il est de moins en moins fait appel à une main-d'œuvre ordinaire, pour un travail évaluatif de la détermination du salariat. De plus, le travail est de moins en moins considéré comme élément favorisant le lien social dans les sociétés qui ont été initiatrices de ce projet. Le travail lié à la production industrielle se réduisant au profit de celui des secteurs du tertiaire, c'est-à-dire de celui à qualité de prestation de service. Notons que le salarié est souvent converti en travailleur pour propre compte. La nature du travail sollicité porte souvent sur des activités a caractère de prestation de service, donc non conditionnée par un temps défini, par un contrôle et une attitude adoptée pour son exécution. Ceci pour évidemment rappeler toutes les perspectives d'acheminement de la société active européenne vers les activités à caractère social, culturel, voire même artistique, donc vers des concepts de créativité (associations, productions dans le cadre des arts et services sociaux, ou autres ... ).Ce qui peut déjà préfigurer de l'idée d'un nouveau rapport social. De plus, l'individualisation du rapport professionnel, par les divers systèmes de productivité, permet de concevoir un nouveau rapport juridique du travail et, par delà, de la notion du salariat. LE TRAVAILLEUR SALARIE Au regard de la législation Algérienne, "est considéré comme travailleur salarié, toute personne fournissant un travail manuel ou intellectuel, moyennant rémunération, pour le compte d'une autre personne, physique ou morale, publique ou privée, dénommée employeur". Article 2 de la loi 90111, régissant les relations de travail. Ainsi le droit du travail, qui a pris naissance, par un système capitaliste, considéré comme droit public et privé, a intégré la notion de salariat, parce qu'elle est suffisamment régie par le même mode de production. Néanmoins, deux notions permettent de définir le travailleur salarié au plan juridique : le lien de subordination juridique la dépendance économique. SUR LE LIEN DE SUBORDINATION JURIDIQUE : Celui-ci a pour principe de formaliser la relation de travail autour de caractéristiques d'obligations faites au salarié de s'exécuter, sous le contrôle d'un employeur, à travers : un lieu précis, une réglementation précise, du matériel ou d'une documentation précise. Néanmoins, le caractère de l'activité temporaire et les interventions de l'intéressé salarié, recruté sur la base d'un contrat, à durée déterminée, à temps partiel ou dans les régimes occidentaux par l'emploi d'intérim, rendent la relation assez précaire et peuvent même par moment exclure le lien de subordination (le télétravail). Tout en intégrant le facteur du risque d'entreprise, certains travaux, à la tâche, ou à la pièce, peuvent intégrer le lien de subordination. Mais la situation est toujours ambiguë, notamment en l'absence d'un mouvement de jurisprudence peu reconnue en droit social algérien. Les dirigeants d'entreprises, à travers la réglementation algérienne, sont, à priori, exclus de la réglementation interne de l'employeur et, de ce fait, insoumis aux normes générales de la contractualisation du travail. Leur mode d'emploi permet de déduire, souvent, de l'exclusion du contrat salarié. Aussi, la liberté contractuelle, pour ce qui est de la fixation des salaires (rappelant qu'un cadre dirigeant peut bénéficier d'un salaire avoisinant dix fois, voire plus, le salaire national minimum garanti) communique d'une variabilité de la justification juridique dans la notion de salarié. En tout état de cause, il est fait référence, à cette dénomination, que lorsqu'il s'agit de déterminer le mode de paiement des intéressés. Par ailleurs, au sein de l'article 6 de la même loi, on parle d'un dirigeant d'entreprise, reconnu comme salarié, donc soumis aux mêmes dispositions que celuici, avec toutefois des dispositions particulières, liées au mode de la relation de travail. Or, nous savons, à priori, que fondamentalement ce qui construit le lien du salariat, c'est la nature de la relation et les dispositions dans lesquelles s'exécute celle-ci. En laissant cette perspective du recours à un régime particulier pour cette catégorie de travailleur on entretien un système d'ambiguïté pour déterminer la notion de salarié dirigeant. Cette interprétation doit, à fortiori, soutenir l'élément du risque d'entreprise à encourir dans l'exécution de son travail du cadre dirigeant, ce qui n'est pas souvent le cas. A cet effet, dans le cas de traitement de litiges professionnels, cette catégorie est confrontée à un dilemme pour conduire ses revendications, sachant que le recours à la chambre sociale n'est à l'origine ouvert qu'aux catégories de salariés intégrés dans la réglementation interne de l'entreprise (le règlement intérieur). SUR LA DEPENDANCE ECONOMIQUE Ce critère a vocation de définir la situation salariale et explicite fondamentalement que le salarié dépend de l'attribution de son salaire pour vivre. Cette pratique est en partie tributaire de la notion de travail qui est, comme l'à déjà dit Marx : « une marchandise comme les autres, correspondant à un coût de production et au minimum nécessaire à l'entretien de l'ouvrier et de sa famille ». Les raisons économiques ont, de par l'histoire, toujours prévalues à la détermination du coût salarial et ce qui est susceptible d'être attribué nécessairement à l'ouvrier. On rappellera à juste propos que la loi d'Airain sur les salaires, en 1863, a été celle qui disposait dans ses textes, que : "le salaire moyen ne dépasse jamais se qui est indispensable, conformément aux habitudes nationales, pour l'entretien de l'existence des ouvriers". Le salaire est donc déterminé en proportion d'un minimum vital par les conceptions économiques, mais ce n'est pas tout. La notion juridique, elle, consacre plusieurs définitions du salaire et, fonction des situations économiques et sociales, toujours en relation avec le droit d'assurance sociale. Car, il ne faut pas perdre de vue que c'est en grande majorité, à partir d'un système de cotisations sociales et de régime fiscal, de taxes, que se définit le salaire. Ceci en raison de la distinction qui est faite entre la rémunération et celui -ci. On fait référence au salaire lorsqu'il s'agit d'une conception étroite du droit, alors que la rémunération a une conception large du droit du travail. C'est ainsi que l'on a fini par considérer que tout salaire est une rémunération, mais toute rémunération n'est pas salaire. Les éléments appliqués, au titre d'intéressement, de bénéfice, et autres avantages, conséquent au travail n'ont pas qualité de salaire. Dans les lois économiques, il est fait référence à deux types de salaire. Le salaire réel, qui représente le volume de marchandises qu'un salarié peut se procurer, avec se que lui apporte son bulletin de paie, et la salaire nominal, étant celui qui résulte de l'augmentation des prix et qui permet au salarié de se procurer plus de marchandises. On peut estimer que cette évaluation est traduite par des modes de référence selon les systèmes salariés des pays, soit à travers la fixation d'un salaire national minimum garanti, fixé par l'Etat, et des seuils minimum d'activité, établis sur la base de grille des salaires des différents secteurs d'activité. (Tel est le cas en Algérie). Le principe par la classification des catégories professionnelles, exécution, maîtrise et cadre, est, à cet effet retenu, en droit du travail, pour la détermination du salaire. La distinction s'établit donc sur la base d'une grille évaluative des postes de travail et salaires y afférents, sur des critères de diplômes, titres et d'expériences professionnelles, la difficulté réside toujours quant à la détermination des postes d'encadrement et de maîtrise pour leur distinction. On notera, par ailleurs, que le salarié s'inscrit dans une perspective de durée, dans son profil, se qui stimule pour le lien promotionnel. Un avantage, qui ne peut lui être accordé qu'à la condition de postuler pour une certaine expérience dans l'entreprise. Les performances ne pouvant être acquises qu'après une certaine périodicité. Les modes de relation de travail actuels qui communiquent d'une certaine précarité (travail temporaire, à temps partiel, emploi d'intérim), rendent difficile l'établissement d'un lien durable dans le salariat. On remarque de plus en plus, des expériences multiples qui peuvent témoigner, sans statistiques vérifiables, d'une variabilité du statut du salarié s'engageant dans des voies de travail libéral et souvent d'activité consensuelle en témoigne l'informel des activités qui se déploie dans notre pays. L'attribution d'un salaire communique d'une façon, certes, relative, et d'une notion limitative des droits et avantages. Force est de constater, aujourd'hui, que des rémunérations ou salaires dépendant certes de contextes économiques, sont accordés dans des proportions considérables. Le bulletin de paie d'un salarié fait ressortir un montant allant, dans certaines localités, à 120 000 DA mensuel, voir plus. Par ailleurs, certaines juridictions françaises ont accordées les indemnisations de gestionnaires d'entreprises, pour leurs départs, estimés à prêt du quart du capital de l'entreprise déficitaire. On peut s'interroger alors sur le régime salarial concernant ces situations. Il ne va pas sans rappeler, l'exigence des sensibilités humaines vers des activités assez individualisées. (Artisanat, création de groupes de travail, commerce, fonction libérale, reconnue ou pas, etc ..... ). Tout ceci communique d'une certaine dilution de la notion salariale, à l'exception du fonctionnariat, laquelle situation reste régie par des lois statutaires et qui appelle à d'autres réflexions. L'auteur est : Inspecteur du Travail Sétif