Le médiateur ouest-africain pour le Mali, Goodluck Jonathan, est reparti dimanche de Bamako sans s'entendre avec les autorités maliennes sur la durée de la transition et une date des élections, a-t-on appris auprès de sa délégation et des autorités maliennes. Jonathan, ancien président du Nigeria (2010-2015), était en mission depuis vendredi à Bamako pour poursuivre les discussions avec les autorités dominées par les militaires, en vue d'un retour à un pouvoir civil au Mali, après deux coups d'Etat en août 2020 puis en mai 2021. Le gouvernement du Mali, sous le coup de sanctions ouest-africaines depuis janvier, affirme avoir soumis un chronogramme relatif aux «élections avec un délai de 36 mois (3 ans) pour la transition», mais «cette proposition n'a pas été acceptée par le médiateur» ouest-africain, selon un communiqué publié, dimanche soir, après le départ de M. Jonathan. Le gouvernement dit avoir proposé «un nouveau délai de 29 mois», que le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, «dans un effort ultime visant à parvenir à un compromis réaliste (...) a ramené à 24 mois». Mais «ce nouveau délai incompressible aux yeux des autorités du Mali n'a pas reçu l'assentiment du médiateur et de sa délégation qui sont restés sur leur position», a ajouté le gouvernement.La dernière proposition faite par Bamako à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), lors du dernier sommet de l'organisation consacré à la question début février à Accra, était une transition de 4 ans. L'organisation régionale avait lourdement sanctionné en janvier les compagnons du colonel Goïta, porté à la tête du Mali par un premier coup d'Etat en août 2020 et intronisé président «de la transition» à la suite d'un second putsch, en mai 2021. Ces sanctions - fermeture des frontières avec les pays de la Cédéao, embargo sur les échanges commerciaux et transactions financières notamment - punissent le projet des militaires de continuer à gouverner pendant plusieurs années, et leur engagement non tenu d'organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené des civils à la tête du pays. Un comité technique de la Cédéao avait proposé l'organisation de scrutins dans un délai de 12 ou 16 mois, avec l'aide d'une Autorité indépendante de gestion des élections (Aige), selon un document.Après l'échec des discussions avec la junte, Jonathan a «réitéré l'engagement de la Cédéao à faciliter un accord pour la restauration de l'ordre constitutionnel» au Mali, dans un communiqué publié dimanche soir par la commission de la Cédéao. Il a «réaffirmé sa volonté de continuer à discuter avec les autorités maliennes afin de parvenir à un compromis mutuellement acceptable. «Nous sommes à la fin de la mission à Bamako. Si c'est pour dire que nous sommes tombés d'accord sur une date pour la fin de la transition, je réponds tout de suite non», a déclaré dimanche un membre de la délégation conduite par l'ancien président nigérian. «Je sais qu'il n'y a effectivement pas (eu), à l'issue de ces discussions, d'accord sur une date» des élections, a dit une source malienne proche des négociations. Le médiateur ouest-africain avait appelé à une transition démocratique dans «les plus brefs délais», au lendemain de l'approbation d'un plan permettant à la junte militaire de rester au pouvoir pendant 5 ans. L'organe législatif au Mali, contrôlé par les militaires depuis le coup d'Etat d'août 2020, avait entériné le 21 février une période de transition pouvant aller jusqu'à 5 ans avant la tenue d'élections. Dans ce pays pauvre et enclavé au coeur du Sahel, la crise politique va de pair avec une grave crise sécuritaire, en cours depuis le déclenchement en 2012 d'insurrections indépendantiste et terroriste dans le nord.