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Une femme libre et une cinéaste engagée
Décès de la réalisatrice Yamina Bachir Chouikh
Publié dans L'Expression le 05 - 04 - 2022

La dernière fois que nous l'avions vue c'était au mois de novembre dernier à la quatrième édition du festival de la littérature et du cinéma de Saïda où on lui avait rendu hommage. Yamina Bachir Chouikh s'en est allée après une longue maladie, dans le silence, avec pudeur et grandeur. Elle avait pourtant, beaucoup de choses encore à donner au cinéma algérien. Sa personnalité et son caractère fort faisait d'elle une femme hors du commun, car nous ne l'avions jamais entendue parler ou se plaindre de sa maladie. Le regard rieur et le verbe haut, toujours à dénoncer ce qu'il ne va pas, Mina Chouikh avait horreur des injustices. Cette brave femme ne se laissait jamais faire et elle le montrait à toute occasion. Coriace, déterminée, cette grande passionnée par son métier de cinéma, est décédée à l'âge de 68 ans suite à un long combat contre la maladie. Mina faisait partie d'une famille robuste et non des moindres. Sa famille, son pilier,Mina baignait dans le 7eme art. Elle le respirait pleinement. Mariée au grand cinéaste Mohamed Chouikh, elle laissera aujourd'hui, fièrement derrière elle trois filles, Yasmine, Amel et Karima, mais aussi un fils, Amine, tous évoluant aujourd'hui dans le secteur du 7eme art. Cette horde cinéphilique est une vraie et très belle exception dans la nébuleuse machine qu'est le 7eme en Algérie. Mina Chouikh a commencé à percer dans cet univers très tôt et ne l'a jamais quitté tout en poursuivant sa lutte avec courage et abnégation. Un métier dur pour les hommes et d'autant plus pour une femme qui n'a jamais baissé les bras. Mina est le synonyme de résistance en Algérie.
«Rachida», sa consécration
Née le 20 mars 1954 à Alger, la défunte a fait ses premiers pas dans le monde du 7e art au Centrer national du cinéma algérien (1973) où elle s'est spécialisée dans le montage. Avec une fille réalisatrice, à savoir Yasmine Chouikh, qui marche sur ses traces aujourdhui, la regrettée qui maîtrisait plusieurs métiers du cinéma a participé dans plusieurs films tels que «Omar Guatlato» (1976) de Merzak Allouache et «vents du Sud» de Mohammed Lakhdar-Hamina (1982). Elle a en outre assuré le montage de plusieurs films de son époux à l'instar de «La citadelle» (1989), «Youcef ou la légende du septième dormant» (1993), «L'arche du désert» (1997) et «Douar de femmes» (2005). Après cinq années de travail, la défunte a lancé enfin son premier long métrage, en l'occurrence «Rachida» (2002) qui traite de la décennie noire en Algérie. Le film a été primé et nominé à plusieurs festivals dont Cannes en 2002. Un film coup de poing qui suit les péripéties d'une jeune fille qui tente d'échapper aux affres du terrorisme avec un héroïsme bien ordinaire. Un film humain des plus émouvants. Alors que le cinéma vit aujourdhui ses mauvais jours avec la dissolution du Fdatic et du total flou artistique qui plane au-dessus de son avenir, voila que cette triste nouvelle vient à nouveau assombrir la condition de ce milieu qui patauge dans un espace chaotique. Avec la disparition de Yamina Chouikh, c'est tout un pan du cinéma DZ qui s'effondre. La nouvelle de sa disparition a, d'ailleurs, été tres relayée, dans la journée du dimanche sur les réseaux sociaux. Comme un électrochoc, d'aucuns n'arrivaient pas encore à digérer l'information. Difficile en effet, de croire qu'on ne verra plus ce visage familier dans le paysage des festivals et autres événements cinématographiques. Les hommages sur les réseaux sociaux, n'ont cessé d'affluer durant la journée du dimanche, où elle a été inhumée au cimetière d'El Alia. Recevant les témoignages de quelques personnalités du 7eme art tous étaient unanimes pour saluer sa force et son désir ardent de vouloir faire plus, de donner encore plus au 7eme art algérien. Bachir Derrais nous confiera: « Mina était une grande figure du cinéma et du féminisme en Algérie. C'était une cinéaste à forte personnalité, une femme de caractère. Elle aurait dû réaliser une dizaine de longs-métrages, mais hélas, elle en a fait un seul, un beau film à l'instar de Farouk Belloufa, Med Zinet ou Azzeddine Meddour, des réalisateurs de talent ayant réalisé un seul long-métrage. Yamina va vraiment manquer au cinéma algérien dans les plus mauvais moments de son histoire car le cinéma algérien va mal.».
Mina, mon Algérie....
Profondément ému, Safy Boutella, ce grand compositeur de musique de films, a tenu à écrire ces mots que nous retranscrivons dans leur intégralité: «L'été 1979, fraîchement rentré des Etats- Unis et divinement, corps et âme, dédié à mon pays..Après deux ou trois projets avec Tayeb Mefti, Belkacem Hadjadj entre autres, me voilà sollicité par le réalisateur Ahmed Rachedi pour composer la musique de son feuilleton historique sur la guerre d'Algérie «Essilane». Rendez-vous pris avec lui et sa cheffe monteuse: Mina Chouikh..! Et là je découvre un des êtres les plus affables, à l'abord si simple et si professionnel et surtout tellement disponible, respectueux et si bienveillant! J'avoue que ce jour-là je ne l'oublierai jamais car, à mon immense envie de servir mon pays, elle s'était présentée à moi comme une offrande, un exemple. Soucieuse et consciencieuse comme j'ai appris à l'être moi-même à force de fréquenter des individus de cette trempe.». Et de poursuivre: «Pour moi, Mina c'est mon Algérie, celle que je cherche, celle que je désire du plus profond de mon coeur. Mina est une étoile partie devant et avant nous afin que nous suivions son éclairage. Mina, je t'aime comme j'aime mon pays. Tu es mon Pays. Que Dieu t'accueille comme tu le mérites! Ses bras te sont déjà offerts! Ceux que tu laisses derrière toi sont bénis de toi. Et moi avec. Triste, infiniment triste, mais si fier et si fort de Toi. Nous ne nous quitterons plus jamais. Merci. Rabbi yehmik.». Réalisateur, ex-directeur de la Cinémathèque algérienne, Salim Aggar ecrira pour sa part sur son facebook: «C'est avec une grande tristesse que j'ai appris le décès de mon amie Yamina Chouikh. C'est une grande perte pour le cinéma algérien. C'était une femme courageuse et audacieuse qui disait tout haut ce que les cinéastes pensaient tout bas. C'était une femme de coeur et de combat. C'était mon amie, ma soeur et ma confidente. On partageait des heures de discussions sur le monde du cinéma. Malgré nos divergences sur certains films, on était les meilleurs amis du monde. Yamina tu vas nous manquer... Généreuse et n'étant pas avare de conseils envers les jeunes cinéastes, Mina Chouikh ne cessait en effet d'encourager la génération montante à travailler et à apprendre par amour du cinéma. Parmi ceux-là qui l'ont bien connue, on citera Yanis Koussim qui ne tarira pas d'éloges sur elle. «Yamina était l'une des rares, avec Mohamed, a nous avoir pris sous son aile à nos débuts. Avec Cannes Junior, à Timimoune, elle nous a fait faire notre entrée dans le circuit international du cinéma. Elle nous a soutenus, défendus, poussés et présentes à d'importantes personnalités du cinéma mondial avec qui, personnellement, je continue encore à collaborer. Mina me parlais en collègue, alors que je n'avais fait qu'un petit court documentaire. Elle avait une générosité d'âme incroyable. Une générosité professionnelle aussi, qui tire vers le haut. Quand on se rencontrait à l'étranger lors d'événements importants, elle nous prenait par la main, comme ses enfants, et en même temps que ses propres enfants, et nous intronisait partout. Ce qu'elle a fait pour la renaissance du cinéma algérien après les années de terrorisme est incroyable, que ce soit en tant que réalisatrice, productrice ou en tant que mentor. C'est elle qui a fait rayonner le cinéma algérien après 10 ans d'obscurité grâce à «Rachida».»Sur les réseaux, Yanis Koussim rend un vibrant hommage à Mina Chouikh en lui adressant ces quelques mots: «Il n'y a que Yamina, dans son dernier message qui date d'il y a une semaine, pour m'appeler ''ma puce'', sans que j'en aie rien à redire! Tu vas me manquer, beaucoup, mais ton rire résonne à jamais a mon oreille. Tu m'as donné plein de conseils, précieux. Tu m'as poussé, soutenu, aidé, depuis mes tout débuts. Avec tendresse et affection. Tu m'as toujours donné l'impression de faire partie de ta famille. Lors du tournage de mon court «khti», tu es la seule à être venue, a la fin de la première journée. En me voyant, tu m'as pris dans tes bras, et tu m'as dit ''Voilà un réalisateur heureux'' Puis, tu m'as dit '' va remercier ton équipe, tous, un par un, tu leur serres la main, et tu leur dis merci. Tu feras ça tous les jours à chaque fin de tournage''. Depuis, je n'ai jamais dérogé a cette règle, sur aucun de mes films. Si je suis le réalisateur que je suis aujourd'hui, c'est, parmi quelques rares autres, grâce à toi. Je me sens privilégié d'avoir croisé ton chemin très tôt dans mon parcours. La vie t'a donné quatre enfants, le cinéma t'en a donné quelques autres. Je suis heureux d'en faire partie.»
La maman de tous...
Femme cinéaste qui se bat, elle aussi depuis quelques années dans le milieu du 7eme art en Algérie, Fatma Zohra Zaâoum affirme quant à elle à juste titre: «Dans notre petit monde du cinéma, sinistré à plus d'un titre depuis quelques années, tout le monde est important, Yamina Bachir Chouikh, l'était encore plus. J'emploie l'imparfait parce que Yamina nous a quittés ce matin dimanche 3 avril 2022. Yamina avait un sens fort de la famille dans son acception organique, mais aussi celui de la famille des idées, au sens de l'engagement. Et c'était surtout une grande professionnelle du cinéma. Elle l'a été en tant que monteuse de nombreux films algériens, depuis l'argentique. Elle a été réalisatrice, auteure, productrice, épouse de... mère de..., amie de... et surtout une femme libre. Elle avait son franc-parler bien connu, ses élans et sa personnalité.». Et de poursuivre: «Nous nous sommes vues à Saïda, lors du festival du cinéma et littérature de la femme, en décembre dernier. Nous avons évoqué, un matin, au petit-déjeuner, la situation actuelle du cinéma en Algérie, mais aussi les difficultés qu'elle a vécues du passage du statut de technicienne à celui de réalisatrice. Elle a parlé de son père qui l'a soutenue et de beaucoup d'autres choses encore. C'était un petit-déjeuner où Maïssa Bey était présente et je m'en souviendrai longtemps. Sa parole et son expérience de nos métiers merveilleux, mais tellement difficiles quand il faut se battre contre les préjugés sociaux, de genre, de financement, d'incompétences crasses et d'obstacles en tous genres, manqueront à notre petit monde du cinéma. Je suis triste pour toutes ces raisons, mais aussi parce qu'un être singulier nous a quittés. Toutes mes condoléances à sa famille et à celle du cinéma.». Enfin, avec émotion dans la voix, Souha Oulha ne cache pas sa peine en évoquant la mémoire de Mina Chouikh: « le 03 avril est une journée triste. Pour moi. Pour le cinéma algérien. Pour l'Algérie. Parce qu'aujourdui, on perd une grande dame. Une réalisatrice, une productrice et surtout une féministe. Pour nous? Yamina Chouikh est un symbole de liberté et de courage, de l'amour, mais aussi de la joie. Je l'ai connue depuis quelques années et c'est toujours un bonheur de la croiser parce que c'est une femme qui sait parler, qui sait encourager, qui n'a pas sa langue dans la poche, c'est une femme qui n'a pas peur de dire ce qu'elle pense. C'est une femme engagée qui a toujours défendu les principes du cinéma. La perdre aujourd'hui fut un choc pour moi, sachant que c'est à peine quelques mois que je l'ai croisée. C'est elle-même qui m'a remis mon trophée au festival de la littérature et du cinéma féminin à Saïda où j'ai eu le Prix de la meilleure interprétation féminine. On a passé beaucoup de moments ensemble, où l'on a ri ensemble. Je ne m'attendais pas qu'elle parte aussi rapidement. C'est une femme qui a beaucoup donné et qui y avait beaucoup de choses à faire. Cette grande femme artiste va nous manquer et manquer énormément au cinéma... Il n' y a pas que le cinéma qui a perdu une figure et un pilier, mais l'Algérie toute entière. Paix à son âme.».


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