Parmi ces derniers, il y a un recueil de nouvelles remarquable de l'écrivaine talentueuse Lynda Chouiten. Ainsi, après deux romans à succès dont le second a obtenu le Grand prix littéraire Assia Djebar, l'écrivaine et universitaire Lynda Chouiten est revenue avec un recueil de nouvelles à l'occasion du dernier Sila tenu du 24 mars au 1er avril 2022. Lynda Chouiten commence à diversifier ses genres d'écriture car elle est aussi essayiste. Poétesse également. Sans compter ses articles académiques publiés dans le cadre de sa profession d'enseignante à l'université M'hamed Bouguerra de Boumerdès. «Des rêves à leur portée» est le titre mystérieux et poétique de ce recueil de nouvelles paru aux Editions Casbah, qui avait aussi publié «Une valse», le roman qui a obtenu le Grand prix Assia Djebar en 2019. «Des rêves à leur portée» de Lynda Chouiten comporte huit nouvelles. Une sublime comédienne qui apprend à descendre de son piédestal; un trentenaire souffrant d'une honnêteté excessive; une jeune femme qui se pose des questions sur le dur métier de mère; un vieux professeur de philosophie qui refuse de renoncer à ses idéaux; une frêle adolescente qui n'aime pas ses mains; et d'autres personnages encore, tous différents, mais tous aussi attachants que tourmentés, et surtout, tous pleins de rêves. Des rêves enfantés dans la douleur, mais qui ne leur semblent pas inaccessibles: ils aspirent à être libres, acceptés, mais aussi, moins fiers, moins idéalistes, plus... «comme tout le monde». La complexité humaine L'auteure nous propose huit nouvelles au style enchanteur qui sont autant de réflexions sur la difficulté de communiquer, le ressentiment, le doute et l'espoir - en un mot, sur la complexité humaine. Dans le premier texte de ce recueil, intitulé «Les déesses», l'auteur met en lumière la profonde solitude d'une jeune comédienne d'une rare beauté qui, bien que portée aux nues par son public, souffre de l'incompréhension des gens, qui méprennent sa nature silencieuse pour de l'arrogance. Bien qu'ayant trouvé l'amour auprès d'un comédien talentueux, ce dernier finit par se détacher d'elle, lui reprochant de lui refuser la seule chose qu'il lui ait jamais demandée et que nous laissons aux lecteurs le soin de découvrir. Dans «La leçon de Kafka», la talentueuse Lynda Chouiten tente d'apporter des réponses à cette question: que faire quand l'animal préféré de son unique enfant meurt? Lui épargner cette douleur en recourant au mensonge ou lui apprendre à faire courageusement face à la vérité? C'est le dilemme auquel est confrontée la protagoniste de cette nouvelle, une jeune mère trentenaire. Frantz Kafka La réponse à ces interrogations, c'est Frantz Kafka qui la lui donnera, elle qui lit si peu, pourtant. L'histoire de cet écrivain tchèque qui réussit à épargner la souffrance à une fillette qui n'est même pas la sienne lui servira de modèle à suivre. Dans une autre nouvelle aussi captivante que toutes les autres, Lynda Chouiten met en scène Zahir. Ce dernier, mal dans sa peau, se trouvant laid et sans charisme, a fini par trouver un moyen inhabituel de se venger de toutes les jeunes femmes prétentieuses qui lui ont témoigné du mépris. Sournoisement, sans donner l'air, il fait disparaître leur apparence chic et transforme leur assurance en panique. En quoi consiste cette arme? Et peut-il envisager d'y renoncer? Lynda Chouiten y mêle réalisme et fantastique. Cette nouvelle raconte la souffrance psychologique liée au ressentiment et les consolations dérisoires qu'invente la psyché humaine dans l'espoir de surmonter cette souffrance. Dans «Les inusables semelles du rêve», l'écrivaine s'adonne allègrement à un exercice littéraire ludique. Elle reprend un personnage de son roman «Une Valse». Elle le met au coeur de cette nouvelle. Ouahab Rouha, l'ancien professeur de philosophie de Chahira Lahab, est depuis longtemps un retraité casanier. Considérant ses livres et sa probité comme sa plus grande possession, il n'a jamais su procurer à sa compagne de toujours le confort et la richesse suspecte que d'aucuns tentent par tous les moyens d'obtenir. Pourtant, le vieux couple retrouve le sourire quand, dans un magnifique élan d'espoir, leurs compatriotes sillonnent les rues du pays pour réclamer justice et liberté. Les masques des uns et des autres Ni le poids des ans ni les rhumatismes, ni les mauvais souvenirs ne les empêcheront de marcher auprès des leurs. Quant à Siham, jeune fille calme, presque effacée,elle finit par tenir tête à son père, qui refuse de lui donner l'autorisation de s'inscrire à un cours. Pourquoi ce cours est-il si important pour elle? Pourquoi le père le perçoit-il comme une provocation? Changera-t-il d'avis? Dans une autre nouvelle, le narrateur est un jeune homme qui souffre d'un excédent de sincérité, une sincérité qui ne lui a valu que des déboires. A trente-cinq ans, il se fait la promesse de changer; d'apprendre l'art du mensonge et de la dissimulation, pour avoir enfin droit à l'estime et à l'affection générales et goûter à toutes formes de pouvoir. Une ambition difficile à réaliser, mais à laquelle il ne renonce pas. Ines déteste ses mains, qu'elle trouve gigantesques. Elle n'a qu'une obsession: que son amoureux s'en moque, comme il l'a fait avec insouciance il y a plusieurs années - alors qu'ils étaient encore enfants. Au sortir de l'adolescence, cette très jeune femme, qui se compare constamment à sa mère dont elle ne pense pas avoir la grâce, doit apprendre à aimer son image et à se faire confiance. Mais là encore, cela ne se passe pas sans tensions intérieures. «Le bal masqué» est directement inspiré de la pandémie de la Covid-19 que vit l'humanité depuis 2019. Comme dans la réalité qui prévaut depuis 2019, tout le monde est obligé de porter un masque, à cause du virus qui sévit. «Mais qu'en est-il des autres masques, ceux que les humains ont, de tout temps, portés?», s'interroge Lynda Chouiten. En évoquant les raisons de sa propre rupture amoureuse, le narrateur arrive à la conclusion que les masques, tous les masques, sont nécessaires, pour survivre au sens propre ou figuré.