Gouvernants, opposants, militants panafricanistes sur les réseaux sociaux ou simples manifestants: à l'heure de l'opération spéciale en Ukraine, les soutiens au régime russe sont de plus en plus visibles en Afrique subsaharienne, un symbole du «soft power» croissant de Moscou sur le continent. «Poutine veut récupérer son pays et il n'a pas le sang de l'esclavage et de la colonisation sur les mains. Je préfère Poutine, même si ce n'est pas mon messie, à tous les présidents occidentaux et à tous les maudits présidents africains, soumis à l'oligarchie de l'Occident», tempêtait début mars, le militant panafricaniste Kemi Seba dans une vidéo. Même tonalité chez Julius Malema, leader de la gauche radicale sud-africaine: «Nous sommes là pour dire à l'OTAN et aux Américains que nous ne sommes pas avec eux. Nous sommes avec la Russie et aujourd'hui nous voulons remercier la Russie. Donnez- leur une leçon, nous avons besoin d'un nouvel ordre mondial et nous sommes fatigués de recevoir des ordres des Américains». Comme eux, militants africains et partisans de Poutine ou abonnés sur les réseaux sociaux qui se comptent par milliers, multiplient ces derniers mois les interventions «anti-impérialistes» et favorables aux actions du pouvoir russe. L'influence russe en Afrique se traduit aussi dans les rues de Bamako, N'Djamena ou Ouagadougou. Elle se matérialise aussi par des offensives médiatiques. Au Cameroun, la télévision «panafricaine» Afrique Média présente régulièrement des opinions pro-Kremlin dans le conflit avec l'Ukraine et invite régulièrement Kemi Seba. «Ukraine Russie: comment le leadership de Poutine fait paniquer l'Occident?», «Projet d'assassinat de Vladimir Poutine: jusqu'où peuvent aller les Occidentaux?», font par exemple partie des sujets débattus sur la page Facebook du média. Ce terreau populaire pro-russe, dont il est difficile d'évaluer l'ampleur, est appuyé par la bienveillance de certains gouvernements africains envers le Kremlin. Lors du vote de la résolution de l'ONU sur l'Ukraine, le 2 mars, sur 35 pays abstentionnistes, 16 sont en Afrique, auxquels il faut ajouter l'Erythrée qui a voté contre, et 8 Etats africains qui n'ont pas participé au vote. Certains gouvernements se sont même ouvertement tournés vers Moscou, comme en Centrafrique où le pouvoir a appelé la Russie à la rescousse, lors d'une offensive de groupes armés fin 2020. Plus récemment, le Mali, qui a sommé les forces françaises de partir, a reçu des équipements militaires russes dont deux hélicoptères de combat, en vertu d'«un partenariat sincère et très ancien», selon l'armée. Bamako accueille également un grand nombre d'instructeurs russes, des «mercenaires» de Wagner selon la France et ses partenaires. L'Afrique anglophone ne fait pas exception. En 2016, la Tanzanie et la Russie ont signé un accord de coopération militaire incluant l'entraînement de soldats africains dans des académies russes. En Ouganda voisin, le fils du président Museveni, le général Muhoozi Kainerugaba, a récemment affirmé un soutien sans ambiguïté à Vladimir Poutine. «La majorité de l'humanité (qui n'est pas blanche) soutient l'action de la Russie en Ukraine. Poutine a absolument raison!», a tweeté fin février ce conseiller du chef d'Etat ougandais.