Plus que jamais, la sortie de crise en Libye dépend comme l'a sans cesse clamé l'Algérie, des parties libyennes et d'elles seules, loin des ingérences et des manoeuvres étrangères qui semblent n'avoir d'autre visée que celle de maintenir le pays dans une situation hasardeuse. Samedi, les représentants du maréchal Khalifa Haftar, chef de l'armée nationale libyenne autoproclamée, au sein du comité militaire mixte 5+5 issu du processus onusien, ont rendu public leur retrait des travaux dudit comité, et ce jusqu'à la satisfaction de leurs demandes qui concernent, notamment l'arrêt de la coopération avec le gouvernement d'union nationale et la suspension des exportations de pétrole. Haftar, basé à Benghazi, dans l'est de la Libye, agite fréquemment cette menace sur les puits de pétrole depuis qu'il en a pris le contrôle en 2017. Selon le communiqué relayé par la chaîne locale Al-Massar TV, cette décision découle du refus du gouvernement Dbeibah de procéder à la passation de pouvoir au profit du gouvernement Fathi Bachagha, nommé voici deux mois par le Parlement basé à Tobrouk et dirigé par Aguila Saleh, un allié inconditionnel de Haftar. Pari apparemment réussi pour ce dernier, puisqu'il est parvenu à diviser le camp de Misrata dont Dbeibah et Bachagha sont tous deux originaires et puissamment soutenus par les milices de la ville. Ainsi, Misrata qui s'est longtemps dressée contre lui et les ambitions de ses partisans de l'Est se retrouve-t-elle, aujourd'hui, dans un choix cornélien, entre Dbeibah soutenu par la Turquie et Bachagha porté par Haftar et ses mentors étrangers. Le Comité militaire mixte réunit, depuis sa mise en place par la Manul, 5 membres du gouvernement, internationalement reconnu, et 5 membres des milices de Khalifa Haftar. «Nous annonçons la suspension de tous nos travaux jusqu'à ce que nos demandes soient satisfaites», ont affirmé les représentants de Haftar au sein du comité militaire qui contestent Dbeibah, l'ensemble des membres de son gouvernement et les «composantes qui travaillent toujours à ses côtés dans les zones sécurisées par les forces armées». Dans le même communiqué, ils appellent à «stopper les exportations de pétrole, fermer la route côtière et arrêter les vols entre l'Est et l'Ouest». Autant dire qu'il s'agit d'une remise en cause pure et dure de toutes les avancées obtenues par le processus onusien de sortie de crise depuis la tenue du Forum de dialogue politique inter- libyen, fin 2020, à Genève. Haftar et ses représentants reprochent, disent-ils, à Dbeibah d'avoir arrêté «des mesures entravant les travaux du comité militaire mixte, ce qui constitue un grave danger pour la sécurité nationale, et de pillage systématique et sans précédent des fonds libyens». En outre, il «ne s'est pas conformé aux décisions légitimes rendues par le Parlement, a refusé de faire la passation au gouvernement de «stabilité nationale», dirigé par Fathi Bachagha, et a renié sa promesse de ne pas se présenter à l'élection présidentielle», dénoncent les signataires dont l'initiative confirme la volonté de Haftar de mettre la main, coûte que coûte, sur les institutions majeures du pays et de baliser à son profit la voie vers une élection présidentielle prédéfinie. Comme en écho, lors d'une rencontre, à Tripoli, avec les membres du comité militaire conjoint 5+5 pour la région Ouest, le vice-président du Conseil présidentiel, Abullah Al-Lafi, a réaffirmé un «soutien continu» qui confirme la fêlure entre les principaux protagonistes de la crise. Pour justifier sa volonté de demeurer aux commandes, Dbeibah argue du fait que le gouvernement d'union est investi par le Dialogue politique pour 18 mois, soit jusqu'au 24 juin 2022. Candidat à la présidentielle avortée de décembre 2021, il s'est fourvoyé dans une impasse qui fait planer le spectre d'une nouvelle guerre en Libye alors que la manne pétrolière est confisquée au détriment du peuple libyen frère dont le long calvaire paraît devoir durer avant la tenue de véritables élections, libres et équitables.