L'Algérien attend plus d'objectivité dans l'interprétation des faits historiques. Parler des archives n'est pas une chose aussi simple qu'il n'y paraît de prime abord. On touche à l'histoire, à la mémoire, voire à la souveraineté nationale. Néanmoins, et quoi qu'on en dise, c'est un domaine qu'on ne peut instrumentaliser pour fustiger l'article 4 (abrogé) de la loi du 25 février2005 glorifiant le rôle positif de la colonisation en Afrique du Nord. Question délicate s'il en est, ces archives qui se rapportent pour certaines à un épisode tragique de l'histoire et intéressent directement la mémoire collective, sont trop précieuses pour qu'on en vienne à les entreposer n'importe comment et dans des conditions déplorables.Premier bémol donc : les conditions de conservation. C'est que près de 44 ans après l'indépendance, on n'a pas encore trouvé la bonne méthode et la meilleure formule pour sauvegarder les archives, tout en donnant aux chercheurs et autres enseignants universitaires les outils qui leur permettraient d'exploiter ces archives pour l'écriture de l'histoire.Certaines expériences malheureuses, au cours des décennies précédentes, ont montré qu'on n'est pas encore prêt, en Algérie, à jeter un regard objectif et dépassionné sur les faits récents de l'histoire. Durant la période de Boumediene, les historiens avaient reçu l'ordre de ne s'intéresser qu'aux faits, au détriment des acteurs et des personnalités historiques. On a même signalé ça et là des cas de détournement d'archives nationales, soit pour les dérober au regard des chercheurs, soit pour les utiliser à des fins personnelles, pour glorifier tel fait ou tels nationalistes au détriment des autres. Les historiens algériens n'ont pas eu toute la latitude pour défricher le terrain et rapporter les faits et lire l'histoire avec tout le recul nécessaire à une telle opération. Il en est du reste des archives comme des monuments historiques : la conservation, la restauration et la mise en valeur sont le dernier souci des institutions chargées de le faire. Vous n'avez qu'à aller faire un tour du côté de la citadelle d'Alger, des ruines de Timgad ou de M'daourouch, de la Qalaâ des Beni Hammad à M'sila ou des superbes grottes des Balcons du Ghouffi dans les Aurès. Pour en revenir aux archives, il est vrai que de nouveaux instruments de conservation existent. Ils sont directement liés aux nouvelles technologies de l'information, à la numérisation, à la possibilité de reproduire les archives sur les supports modernes et innovants. Deuxième bémol: la gestion et l'exploitation de ces archives. Comment les mettre en temps réel à la portée des chercheurs? En France par exemple, vous pouvez aller à l'INA et consulter des documents sur le support de votre choix: y compris sonore ou audiovisuel. Un tel centre ou institut n'existe pas encore en Algérie. Il n'est que d'aller faire un tour à la salle de travail du centre des archives de Birkhadem pour se rendre compte qu'il est peu connu du grand public, et encore moins des chercheurs.Des pays avec lesquels l'Algérie a eu à partager une histoire commune, parfois dans des conditions dramatiques, possèdent encore des archives importantes pour l'écriture de l'histoire. Faut-il pour autant réclamer une restitution pure et simple de ces documents, ou bien faut-il plutôt demander des reproductions? C'est un débat qui n'est pas seulement d'école. Le mieux serait sans doute de créer des passerelles, par le biais des reproductions, pour que les chercheurs, des deux côtés de la Méditerranée (France, Turquie, Algérie) puissent en profiter pleinement. Mais les deux anciens occupants turc et français ne sont pas seuls à posséder des archives algériennes. D'autres pays sont dans ce cas: Italie, Espagne, Angleterre, Etats-Unis. Durant la Régence d'Alger, de nombreux voyageurs, commerçants, consuls, prisonniers, espions...ont visité Alger et l'Algérie et amassé des notes et des reportages qu'on pourrait exploiter si les conditions le permettent.