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«Fabriquons nos propres images»
Yanis Koussim, réalisateur, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 05 - 06 - 2022

Des réalisateurs largués qui ne savent à quel saint se vouer pour trouver réponse à leurs questionnements, des réalisateurs dont certains ont été contraints d'arrêter leurs projets, faute de financement public, le Fdatic ayant été dissous depuis un an. Pour faire entendre leur voix, une lettre ouverte a été adressée cette semaine à la ministre de la Culture et des Arts. Yanis Koussim , auteur de plusieurs courts métrages et un long métrage, nous en parle un peu plus…
L'Expression: Aux côtés de vos nombreux confrères et consoeurs, vous venez actuellement de signer une lettre qui se veut «un cri d'alarme» adressé à la ministre de la Culture et des Arts quant à la suppression du Fonds national pour le développement de l'art, de la technique et de l'industrie cinématographiques et de la promotion des arts et des lettres (Fndaticpal). Quelles sont vos revendications immédiates aujourd'hui?
Yanis Koussim: Ce ne sont pas des revendications, il s'agit plus d'un appel au bon sens. Un pays comme l'Algérie sans cinéma, c'est un suicide culturel et artistique; un non-sens diplomatique et économique. Effectivement, le cinéma, en plus d'être générateur de profits quand on sait s'y prendre, est un puissant soft power pour tout pays qui se respecte. Regardez comment en 24h, l'Algérie a fait le tour du monde avec un seul clip, celui de DJ SNAKE, une cinquantaine d'images collées les unes aux autres, qui ont, en un jour, été vues par plus de 3 millions de personnes... ça c'est juste un clip! Imaginez combien d'images comporte un film! Et Ca, nos voisins marocains et tunisiens l'ont bien compris... le cinéma est l'une des vitrines du Maroc à l'international par exemple, ils accueillent des centaines de tournages étrangers chez eux chaque année. Pour la Tunisie, en un seul festival de Cannes, tous les projecteurs se sont braqués sur son cinéma, grâce à trois films tunisiens présents sur la Croisette, trois films qui critiquent, sublimement, dissèquent ce petit pays voisin, grand par son cinéma! Mais que ce soit pour le Maroc ou la Tunisie, ce n'est pas venu juste comme ça; c'est du travail, de l'investissement public, mais aussi privé, une véritable politique culturelle et artistique en général, et cinématographique en particulier. Même l'Arabie saoudite a compris, elle a pris le virage du cinéma avec le festival Red Sea, la création d'un fonds d'aide à la production cinématographique. L'Algérie, elle, est à la traîne depuis un bon bout de temps... et là, avec la suppression du Fdatic, et sans système de financement de remplacement, c'est encore pire. Sans aide publique pour la création cinématographique, il n'y aura plus de cinéma national digne de ce nom, le pays, les Algériens, n'auront plus d'image d'eux-mêmes faites par des Algériens. Et nous manquons cruellement de ces images. Le risque que nous courons, c'est que d'autres fassent nos images à notre place. Ils ne nous raconterons jamais comme nous savons nous raconter nous-mêmes. Il y a aussi un autre risque: C'est que nous allions faire nos images chez les autres. Et ça, c'est d'une tristesse... pour tout cinéaste algérien, tourner une histoire algérienne en dehors de nos frontières est un véritable déchirement, un presque échec. Mais c'est ce qui risque de nous arriver, de plus en plus, malheureusement, depuis la suppression du Fdatic.
Il est stipulé dans la lettre qu'aucune nouvelle n'a été apportée quant aux dizaines de dossiers de projets cinématographiques déposés ces deux dernières années...
C'est l'opacité la plus totale! Cela fait des mois qu'on ne nous répond plus côté ministère de la Culture à ce sujet, ou alors de manière sporadique et au compte- gouttes, pour ne rien nous apprendre vraiment. Mais je pense sincèrement qu'ils n'en savent pas plus que nous. Des films sont à l'arrêt en phase de tournage ou de post-production... pour toute personne qui en sait un minium sur comment est-ce qu'on fabrique un film, c'est un véritable enfer que vivent ces cinéastes et leurs producteurs, mais aussi les techniciens et les comédiens de ces productions... Seulement, il n'y à pas que ces films qui sont en danger, il y a des films acceptés en septembre 2021 par l'administration en charge du Fdatic, qui ne sont pas passés en commission, et qui ne savent toujours pas leur sort. Des films qui ont reçu déjà des fonds à l'étranger, et dont le plan de financement inclut l'Algérie. Il y a aussi tous ces films encore dans la tête de leurs auteurs, qui ne sont pas près de naître à la lumière... On ne sait rien. Rien n'est officiel, que des «bruits de couloir», à la longue, ça en devient lassant. La transparence est une des conditions sine qua non pour une cinématographie en bonne santé! Je crois que nous n'avons jamais eu une administration en charge du cinéma transparente... jamais...
Des films dont la production avait déjà débuté, n'ont pas touché les dernières tranches qui leur étaient allouées, mais ont- ils reçu des nouvelles de la part du ministère de la Culture?
Comme je vous l'ai dit plus haut, je ne pense pas, ou alors que des promesses verbales, ou ces fameux bruits de couloir qui commencent dangereusement à devenir notre seule source d'information. Vous vous imaginez que des producteurs, des réalisateurs, se sont adressés à la tutelle qui gère et régule leurs activités, via lettres ouvertes ou courriers officiels, et qu'ils n'ont pas reçu la moindre réponse? C'est terrible ça, inacceptable! Ils ne savent pas que chacun de leurs silences, ce sont des familles qui se retrouvent sans ressources, car des techniciens, des comédiens, sont sans travail. Chacun de leurs silences, ce sont des mois, voire des années de travail qui s'envolent en fumée et des partenaires étrangers ou locaux qui nous tournent le dos. Chacun de leurs silences, c'est un coup porté au fragile édifice du cinéma algérien, que nous avons tous fait renaître de ses cendres après les années 90.
Pourquoi à votre avis ce silence alors que la dernière ministre de la Culture en déposant son bilan s'était enorgueillie d'avoir mené à bien le projet sur la loi du cinéma?
Je ne sais ni de quelle loi, ni de quelle ministre il s'agit. Il y a eu plus de changements de ministre de la Culture en deux ans, que depuis 1962 je crois... j'exagère un peu, mais l'intention y est! Et on parle de cette loi du cinéma depuis des décennies... Franchement, côté cinéma, aucune ou aucun ministre de ces dernières années n'a à s'enorgueillir de quoi que ce soit... Aujourd'hui, à l'instant où je vous parle, il n'y a aucune loi qui régit vraiment le cinéma de manière a favoriser l'émergence d'une industrie, aucun fonds, et aucun statut clair pour les travailleurs du cinéma. Pas de quoi pavoiser, bien au contraire. Je vais vous dire pourquoi ça traîne... tout simplement parce que tout ce qui est fait, ou tenté, se fait sans les véritables travailleurs du cinéma! Comme ont ne peut pas reformer le domaine médical sans les médecins, ou l'enseignement sans les profs, on ne peut pas réformer le secteur du cinéma sans les travailleurs du cinéma. «Stop et fin», comme dit le personnage de Lyès Salem dans Mascarade! Il n'y a aucune autre explication!
Dans quel état est aujourd'hui la corporation du 7eme art en Algérie?
Bizarrement, elle ne s'est jamais aussi bien portée: On arrive à se parler, on a pris conscience qu'il fallait avancer ensemble, il y a des vocations qui naissent, une nouvelle génération qui nous pousse vers l'avant. Je pense que la corporation n'est pas le problème... Nous avons de bons cinéastes, de bons comédiens, de bons scénaristes, de bons techniciens, des millions d'histoire à raconter et 2,382000 kilomètres carrés de décors pour les filmer! Mais on a peur de notre cinéma, alors qu'il est l'allié numéro un du pays! J'ai envie de revenir quelques années en arrière, en 2019, durant le festival de Cannes... il ya cette fameuse photo, avec les comédiennes de Papicha. Une photo qui n'a pas plu... une photo qui a peut-être coûté à Mounia Meddour le visa d'exploitation pour son film, ou l'interdiction de sa projection, je ne sais plus très bien, ainsi que le fait de ne pas avoir pu tourner son deuxième long métrage en Algérie... Pourtant, cette photo a été la plus belle contribution à l'image de l'Algérie depuis des lustres!!! Alors qu'on ne voyait de nous que terrorisme, attentats, crise, pétrole, économie en berne, corruption...etc. voilà que tout d'un coup, la photo de quatre sublimes Algériennes, prises dans le plus prestigieux festival du film au monde, fait le tour de la planète! Rien, depuis des années, n'avait fait autant de bien à l'image de l'Algérie, à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur... et c'est grâce au cinéma! Peu importe ce que racontent nos films, ce qu'ils montrent, il ne faut pas en avoir peur car, quoi qu'il arrive, in fine, ils ne peuvent que faire du bien au pays!
En dehors de cette énième lettre de S.O.S,que comptez-vous faire après?
Des films, j'espère, peu importe où, ou comment... mais j'espère qu'on continuera tous à faire des films. Yamina Chouikh, que Dieu ait son âme, m'avait dit un jour où je me tapais la tête contre les murs a cause des problèmes que j'ai eus avec mon premier long Alger by night : «Yanis, ne te mets pas dans cet état, dis-toi bien une chose... eux, ils passent, nous et nos films, on reste et on sera toujours là». Vous savez, les films sont éternels, on peut casser une corporation, des cinéastes, mais les films, eux, quand ils existent, c'est pour toujours! On m'a raconté beaucoup d'histoires sur des réalisateurs algériens de la génération qui nous a précédés, des réalisateurs qui ont été brisés par l'administration, par des cadres de la culture, à l'instar de Belloufa, un génie qu'on a réussi à faire taire. Mais «Nahla», ainsi que «Rachida» sont là, elles traversent les âges, les générations, l'espace et le temps, et seront là bien après nous, elles survivront peut-être même à l'Algérie. Et, quand l'humanité disparaîtra, elles seront toujours là, dans des centaines de disques durs, ou bien préservées, quelque part, dans le cyberespace... et Nahla continuera à chanter. Rachida continuera à écrire sur le tableau d'une classe le lendemain d'un massacre terroriste. C'est pour ça qu'il est important de faire des films, pour ne jamais disparaître, pour que nos histoires soient éternelles.


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