Bilan n Au cours de l'année 2010, le cinéma algérien a remporté dix-sept distinctions internationales ; c'était aussi une année prolifique avec la réalisation de dix courts-métrages. «Les nombreux films primés dans différents festivals de par le monde sont les courts métrages. Ce sont des films qui ont tous été faits en Algérie, par des réalisateurs algériens et seulement algériens !», souligne Yanis Koussim, jeune cinéaste. Ce dernier se dit satisfait quant au travail accompli par ces jeunes cinéastes, à l'exemple de Mounès Khammar (Le dernier passager), Abdennour Zahzah (Garagouz), Yasmine Chouikh (Jinn), Khaled Benaïssa (Sektou)… ; c'est un signe présageant d'une reprise de l'activité cinématographique même si elle est sporadique, pour ne pas dire occasionnelle. «Pour moi, cela veut dire que nous sommes en adéquation avec notre temps, et que nous faisons des films de notre époque, avec nos tripes. C'est cela qui a fait que nos courts métrages soient autant plébiscités depuis deux ans. Je ne sais pas s'il y a une bonne ou une mauvaise voie dans le cinéma ; le plus important, c'est d'être sincère dans sa démarche, que ce soit pour la forme ou pour le fond.» Les films qui ont percé en 2010 étant les courts-métrages, l'interrogation qui se pose est : «Le court-métrage est-il une manière de combler le vide, de remédier au marasme que connaît l'activité cinématographique algérienne ?». «Ce n'est pas à moi de le dire», réplique notre cinéaste, ajoutant : «C'est aux journalistes de nous donner leur analyse. La seule chose que je pourrais dire, c'est que le public algérien (et pas seulement algérois) veut des films qui lui renvoient son image. Il veut se voir sur grand écran ; et l'engouement pour les courts métrages vient de là je pense. Ce sont les courts métrages, au jour d'aujourd'hui, qui renvoient le mieux au public algérien une image de lui-même, qu'elle soit bonne ou mauvaise !» Cela étant, si «la relance du cinéma algérien en tant qu'art est en train de se faire; celle en tant qu'industrie ne pourra se faire si nous n'avons pas de salles». Les longs métrages ne sont cependant pas en reste puisque ces dernières années plusieurs ont été distingués dans des forums internationaux, à l'instar de Mascarades de Lyes Salem ou Taxiphone el Mektoub de Mohamed Soudani ou encore Hors la loi de Rachid Bouchareb. Il se trouve toutefois que la plupart de ces films sont des coproductions, c'est-à-dire financés en partie (ou en grande partie) par des capitaux étrangers, notamment français, d'où la question peut-on être fier de ces distinctions, et, dans ce cas, peut-on parler de cinéma algérien à proprement parler ? «Pour en revenir au financement, tout comme l'argent n'a pas d'odeur, il n'a pas de nationalité», répond Yanis Koussim qui souligne : «Il n'existe pratiquement plus un film avec un financement venant exclusivement d'un seul pays. Aujourd'hui, le film a la nationalité de son auteur, des personnages de son histoire. Pourquoi donner une nationalité a un film ? Un film, c'est du cinéma, et c'est déjà bien.» S'exprimant sur le bilan de l'activité cinématographique de l'année 2010, Yanis Koussim, réalisateur de courts-métrages (notamment Khti et Khouya), dira : «Elle est dans une phase fondamentale où se confrontent un passé un peu trop glorifié (même si il y a des réalisateurs comme Mohamed Chouikh, Bouamari, et des films comme Sahara Blues, qui restent des références) et un présent foisonnant qui très vite doit se positionner dans les circuits internationaux.» Il se dit rassuré quant à l'avenir du cinéma algérien pour lequel il pressent un bon lendemain. «La fièvre "filmeuse" a atteint les jeunes Algériens, il en sortira, j'en suis certain, de grands noms ! On a longtemps pensé, à tort, que pour devenir réalisateur il fallait ceci ou cela ; des personnes comme les initiateurs de Alger Demain, série de 8 courts métrages, prouvent le contraire, et clouent le bec aux Cassandre qui passaient leur temps à dire qu'il n'y avait pas de relève ! Ou pas assez...», souligne-t-il. Et de faire remarquer : «Mais il y a un constat que j'ai fait : aujourd'hui, en Algérie, il y a de bons auteurs, de bons réalisateurs, de bons comédiens, de bons techniciens (même s'ils ne sont pas nombreux) il y a aussi de l'argent pour faire des films, mais il nous manque de bons et vrais producteurs ! Pas des réalisateurs-producteurs qui produisent d'autres réalisations entre deux de leurs films qu'ils ne feront jamais, mais de vrais producteurs, qui suivent un auteur, et qui ont les capacités logistiques et artistiques de mener à bien un projet de cinéma dans sa globalité ! Le jour où nous aurons des producteurs comme ça en Algérie, nous pourrons dire que la partie est gagnée !»