Le chef de l'Etat a dit, comme à son habitude, ses «quatre vérités». Il a relevé les avancées constatées sur le terrain, mais a également lourdement insisté sur les faiblesses de l'encadrement de la République. Le président de la République a longuement disserté sur le cas des Algériens qui portent la double nationalité lors de l'allocution qu'il a prononcée à l'occasion de la réunion gouvernement-walis au Palais des nations, hier. Pour le chef de l'Etat, la double nationalité n'est pas un sésame pour accéder à quelconque statut de privilégié. «Celui qui possède cette double nationalité ne signifie pas qu'il est supérieur à celui qui n'en a qu'une seule», a déclaré le président Bouteflika lors de cette réunion annuelle qui tend à devenir une tradition. «Les binationaux sont des Algériens qui ont choisi un autre chemin. Mais nous les acceptons en tant qu'experts, nous aurons besoin de leur expertise, de leur technicité, nous payerons le prix qu'il faut» a-t-il dit. Très fortement et longuement applaudi par l'assistance, le président a souligné que l'Algérie accepte et ne rejette pas ces Algériens «à condition qu'ils ne viennent pas nous souiller avec la morale et la philosophie». Le président a insisté que les postes de souveraineté seront d'abord accordés aux Algériens qui ont une seule nationalité: «je ne connais pas un pays au monde qui donne des postes de souveraineté à des binationaux», a déclaré le chef de l'Etat qui s'est étonné des erreurs commises par le passé en accordant notamment la possibilité à des Algériens de passer leur service national dans un pays de leur choix. «Nous disons que l'Algérie appartient aux Algériens». «Il ne s'agit pas d'avoir plusieurs nationalités, il s'agit de savoir qui nous sommes et d'où nous venons» a-t-il dit encore. Lors de cette rencontre, M.Bouteflika a brassé le tableau socio-économique et fixé les projections futures du pays dans tous les secteurs. «Je ne veux pas de ça» A l'ouverture des travaux, MBouteflika a insisté sur la nécessité de dire la vérité aux citoyens dans la réalisation des programmes. «Il vaux mieux dire que nous avons réalisé 100 km d'autoroute et de reconnaître qu'on n'a pas eu le temps et les moyens d'en faire plus que de mentir aux citoyens en leur faisant croire qu'on en a réalisé des centaines de kilomètres» a averti le président. «Je ne veux pas de ça, je ne veux pas mentir à ce peuple» a-t-il répété à l'adresse des walis et des membres du gouvernement. Nous avons des moyens et une volonté politique. «Nous devons être au rendez-vous avec la qualité et la perfection mondiales». «Travaillez ou partez» Parlant des cadres de la République, des ministres et des commis de l'Etat, M.Bouteflika a également mis en garde les responsables, notamment les ministres, qui ne veulent pas travailler. «N'est pas ministre qui veut, n'est pas wali qui veut» a-t-il dit avant de relever qu'«il y a ceux qui travaillent jour et nuit». Le président a été catégorique quand il a affirmé: «Celui qui veut assumer ses responsabilités nous le soutenons et celui qui ne veut pas assumer ses responsabilités qu'il nous le dise en toute franchise, et qu'il parte. Nous avons suffisamment de jeunes qui peuvent assumer des responsabilités.» L'alerte est ainsi donnée. Il revient sur le sujet et souligne: «Celui qui veut assumer ses responsabilités nous allons l'appuyer et celui qui ne veut pas, nous allons l'écarter en toute franchise». Le président de la République n'a pas donné l'alerte uniquement au responsable dans ce projet de reconstruction du pays. Les citoyens sont également impliqués et interpellés. «Nos constructions sont moches» Très critique sur la façon dont sont construits les logements, le président a appelé à revoir toute la stratégie d'architecture et de construction dans le pays. «Nous avons un projet de un million de logements, une quantité pareille de logements réglera le problème de cinq millions de personnes», a-t-il dit d'un ton optimiste avant de lâcher: «La qualité et la conception architecturale de ces logements sont catastrophiques, il faut revoir toute la conception car elle est tout simplement moche». Il s'emporte et ajoute: «Où sont les plans, que faisons-nous dans ce secteur?» Pour juguler la crise du logement, le président a préconisé de recourir aux formules LSP et Aadl. Les jeunes d'abord ... Dans cette allocution, M.Bouteflika a particulièrement insisté sur la jeunesse. Il a affirmé que l'emploi des jeunes constitue la principale «priorité» de la stratégie nationale de développement. Dans cette optique, il a rappelé, que différents dispositifs de soutien à l'emploi ont été mis en place, «précisément pour permettre l'insertion du maximum de jeunes et de moins jeunes dans le monde du travail». Il a déploré la lourdeur des procédures bureaucratiques. «Trop d'entraves et d'obstacles, voire d'obstructions et de blocages continuent encore de freiner les initiatives en matière de création d'activités et d'emplois», a-t-il regretté. Le président Bouteflika a également insisté sur l'«'urgence de concrétiser au plus vite le programme de réalisation de 100 locaux par commune (... )». Le 5 Juillet redeviendra la fête de la jeunesse Pour renforcer l'esprit de patriotisme et garder les repères chez cette jeunesse, le président a demandé de lui rétablir sa fête. C'est également pour sortir des carcans de la commémoration aux gerbes de fleurs et la lecture de la Fatiha. «Le 5 juillet redeviendra un jour de joie pour la jeunesse à qui les années 90 n'ont laissé aucun millimètre de joie, il sera un jour de distractions, de chant, de culture et de cérémonie», a-t-il insisté. C'est pour M.Bouteflika une manière de redonner de la joie et de la vie à cette jeunesse marquée par les années de violence: 1000 DA pour les retraités Le chef de l'Etat a décidé de créer une prime complémentaire pour ce qui est des pensions de retraite et d'invalidité de moins de 10000 DA, de façon à ce qu'elles atteignent ce niveau. Quelque 900.000 retraités et bénéficiaires de pensions d'invalidité profiteront de cette mesure. «J'appelle le gouvernement à prendre toutes mesures visant à renforcer le régime de retraite et à garantir sa pérennité». «On a pardonné, on n'a pas oublié» Le mot a été direct «un assassin reste un assassin» a affirmé le président de la République quand il a évoqué le drame subi par le pays durant les années 90. «Ce qui nous est arrivé est le fait des assassins. Nous avons pardonné mais on n'a pas oublié. Un assassin reste un assassin et il doit savoir que si le peuple lui ouvre aujourd'hui ses bras, cela ne veut pas dire qu'il a oublié». Les mots sont crus et directs. Il n' y a pas de «pas de loi» ... Le président de la République a fait allusion pour la première fois à l'amendement de la Constitution. «Il arrive que nous changeions de textes mais nous ne pouvons pas changer d'où nous venons, nos repères. Je lis dans la Constitution que les drapeaux, l'hymne national et le sceau de la République sont définis par la loi. Quelle est cette loi qui définira l'emblème national, le sceau de la République et l'hymne national?», s'est interrogé le premier magistrat du pays avant d'insister que «ce sont des repères immuables». 150 milliards de dinars aux walis pour rattraper... le train Le président a annoncé le «renforcement des prérogatives» des walis, «principaux animateurs du développement au niveau local», pour lever les «contraintes majeures» auxquelles ils sont confrontés. Il a annoncé dans ce sens qu'une enveloppe de 150 milliards de DA sera dégagée au titre de la loi de finances complémentaire 2006 pour la prise en charge des dépenses liées à ce programme complémentaire.