L'Autorité palestinienne est en proie à l'implosion. Si les Croisades ont consisté en une idée de la terre sainte, du point de vue chrétien, leur but avoué était la construction d'une identité, les gens de la terre sainte. Le discours colonial de la fin du XIXe siècle sous-tendu par le principe de la rédemption avait pour finalité de chasser pour remplacer. De l'occupation ottomane jusqu'au mandat britannique, c'est toute l'histoire de la terre palestinienne qui a été rythmée par les conflits mondiaux. Les défaites devant les armées européennes, notamment russes, poussent l'Etat ottoman à engager des réformes et à importer des techniques occidentales. Ces dernières sont rompues en 1939 au début de la Seconde Guerre mondiale parce qu'elles ne suffisent plus. C'est dans ce décor planté mais succinct que les mécanismes du projet sioniste d'annexion de la Palestine sont mis en branle. En 1947, lors du projet de plan de partage du territoire palestinien, la population autochtone était estimée à 1.400.000, passant à 152.000 en 1951. Cette brutale chute de peuplement n'était pas due à une stratégie d'extermination, voire génocidaire, elle consistait à mettre en place une stratégie d'annexion basée sur le remplacement d'une population par une autre, faire du vide, créer de l'espace, remplacer. A ce titre, l'instauration d'un comité des noms par Ben Gourion en est l'exemple le plus édifiant. Il était question de mettre en place une toponomie nouvelle. Des cours d'eau, des sentiers, des collines, des lieux saints ont subi cette opération. 850 noms de lieux de pèlerinages se sont vu attribuer des noms de prophètes juifs. Ce qui avait pour but d'annihiler l'identité palestinienne. Débaptiser pour tuer la mémoire. Lorsqu'ils ont mis fin à leur mandat, les Anglais ont transmis les documents du cadastre à l'ONU qui faisaient mention que seulement 6% des terres recensées appartenaient aux juifs. Pour mener à bien leur politique d'expropriation, une agence juive a été créée pour faire don des terres spoliées aux immigrants juifs. C'est l'idée du retour immédiat sur leurs terres qui ont fixé les Palestiniens dans ce qui était devenu des camps de réfugiés, qui leur a permis de conserver leur mémoire, pensant et espérant que les armées arabes n'allaient en faire qu'une bouchée de la Haggana, armée par les puissances occidentales, notamment tchécoslovaque. Dans ce premier conflit, les pays arabes ont mobilisé 18 000 soldats tandis qu'en face 65 000 soldats qui formaient la Haggana étaient soutenus par 5 000 terroristes de l'Irgoun. C'est dire si la victoire arabe était illusoire, vu le rapport de force en présence doublé du sous-armement des armées arabes. En fait, les deux guerres israélo-arabes qui vont suivre ne feront qu'accentuer les décalages entre pays arabes et mettre au grand jour leurs dissensions. De Nasser qui voulait mettre sous son aile la résistance palestinienne en installant Ahmed Choukeïri à la tête de la centrale palestinienne à Abdallah de Jordanie, qui après 1948, a été partie prenante dans le rejet de la création d'un Etat palestinien en passant par les groupes d'Abou Nidal, spécialisés dans les exécutions et manipulés par Saddam Husseïn, c'est toute l'histoire du mouvement armé palestinien qui s'est forgé à l'ombre des grands frères arabes. Arafat a payé le prix fort de son soutien à Saddam lors de l'invasion du Koweït par l'Irak qui a vu certains pays arabes, la Syrie et le Maroc s'engager aux côtés de l'armée des Etats-Unis. Les négociations de paix ont conduit les pays arabes à partir en rangs dispersés avec comme slogan la terre contre la paix. En engageant des pourparlers bilatéraux, les Israéliens ont, en quelque sorte, atteint leur but. Affaiblir les Palestiniens et les amener à la table des négociations en position de force. C'est ainsi qu'ils ont restitué le Sinaï à l'Egypte en échange de frontières plus sûres. Les Syriens, sous la pression internationale mais surtout américaine, ont retiré leurs troupes du Liban. Mais l'événement déterminant de l'avenir identitaire palestinien a été marqué par les Accords d'Oslo de 1993. Ces accords ont ébranlé la stratégie de l'idéologie sioniste basée sur l'annihilation de l'identité palestinienne et la création du vide dans les territoires occupés tout en procédant au remplacement des populations autochtones par des colonies juives. Avant 1993, tout se dirigeait vers l'extérieur des territoires, le retour des réfugiés sur leurs terres a, en quelque sorte, inversé le phénomène de dépeuplement et porté un sérieux revers au projet sioniste. C'est dans ce «nouveau» contexte que les Palestiniens doivent prendre leur destin en main, minés par l'arrivée d'un parti islamiste, le Hamas, au pouvoir par des voies démocratiques. L'Autorité palestinienne est en proie à l'implosion et vise l'unité d'une nation en gestation. L'alibi du Hamas qui a conduit les Occidentaux, les USA en tête, à un blocus financier, met en péril tout un peuple. Ceux qui pensaient que l'intervention américaine au Moyen-Orient pouvait secouer le cocotier, assistent, impuissants, à sa balkanisation. La nouvelle donne ne se fait nullement sur la base de la démocratie selon le concept politique moderne, qui veut l'émergence d'une majorité et d'une minorité conduisant à l'alternance au pouvoir, mais plutôt sur des bases ethniques et confessionnelles. Face à ce nouveau diktat américain, les régimes arabes prisonniers de leurs certitudes et de leurs privilèges, ont choisi de se taire.