Le must et le nec plus ultra du moment est de ramener la mariée dans un 4x4 ou à la rigueur dans une voiture allemande de préférence noire. Les fêtes reviennent un peu comme chaque année à pareille époque! En Kabylie comme un peu partout à travers le pays, le sens de la fête semble s´être perdu en faveur du bruit et de la montre. Ce sont le clinquant et les décibels qui, hélas, ont pignon sur rue! L´ordre ancien fait de retenue, de sens de la parole donnée et aussi de respect, aussi bien à l´environnement qu´aux personnes, semble se déliter doucement mais sûrement. Dans les villages: une cérémonie bien réglée! Aujourd´hui, plus on a de voitures dans le cortège de la mariée et plus la famille est "respectée" et tant pis si les tourtereaux ne passeront pas l´hiver ensemble, l´essentiel c´est de montrer aux voisins que "l´on est en mesure de faire mieux et plus qu´eux!" Certes dans quelques villages, les choses sont encore "menées" par les barbes blanches qui veillent au grain. Ainsi, certaines djemaas ou assemblées de villages ont pris des dispositions quasi draconiennes. Les parents de la mariée ont, devant eux, une liste de cadeaux à remettre à leur fille et cette liste la plus "maigre" possible est calculée généralement en fonction des capacités financières des familles les plus pauvres du village. Il n´est ainsi pas possible aux familles riches et aisées de combler leurs filles de cadeaux. La djemaa ne permettant que le strict minimum. Jusque et y compris pour ce qui est des cartons de gâteaux et autres friandises qui ne sont permis que dans la limite du raisonnable. La literie que les filles aisées emportent avec elles, est aussi soumise à condition. Bref, la mariée n´emporte dans son nouveau foyer que ce que toutes les autres filles du village peuvent emporter et c´est une bonne chose! Les sages de la djemaa ont compris que ce jour, unique entre tous pour les mariées, doit être une journée de joie et non de peine et d´envies rentrées! Ainsi Belkacem, qui doit marier sa fille aînée cet été, est bien embêté mais trouve tout de même que les règles établies par la communauté ont du bon! Ainsi, il explique que "par cette mesure d´ailleurs partagée par tous, les gens sont sur un même pied d´égalité et aucune fille ne pourra demain dire " j´ai fait un mariage plus riche que les autres" ; les parents de la mariée étant libres par la suite d´inonder leur fille de cadeaux mais la noce reste égale ou presque pour toutes et c´est l´objectif poursuivi." Le jour de la fête elle-même sera aussi sensiblement de la même eau que les autres. Un grand couscous-viande et un bon groupe d´artistes locaux, avec en sus souvent et pour le lendemain pour accompagner la mariée dans son foyer, une troupe de tambourins et le tour est joué! Dans les villages où les comités ne sont pas fonctionnels et là où chacun fait un peu ce qui lui plaît, les choses sont différentes. Les plus riches, comme il faut s´y attendre, écrasant de leur morgue la "valetaille" et alors, chez eux, c´est une débauche de "mangeailles", de "gâteaux" et de desserts, juste pour faire "crever d´envie" les voisins. Et comme "on a de l´argent" et qu´il faut bien que cela se sache, alors, on fait comme en ville ou encore plus c´est selon l´épaisseur du portefeuille. Quand on a dans la famille une personne pensionnée en euros c´est le nec plus ultra de la montre! Hauts-parleurs déversant sur les gens du village leurs décibels sans aucune retenue et sans égard aux malades et aux bébés, car un riche festoie! Disc-jockeys comme en ville si ce n´est plus et les sambas durent jusqu´au-delà de l´aube! Et hélas, personne n´osera se plaindre parce que le monsieur "a les bras longs!" Il connaît certainement tous ceux qui comptent! Le calvaire peut d´ailleurs durer pour les villageois jusqu´à trois jours! Mais n´allez pas penser un instant que ce riche festoyant puisse faire profiter les gens du village, bien loin de là cette idée saugrenue! Les villageois seront, certes, restaurés mais ils n'auront droit, eux, qu´au couscous -viande! Les gâteaux, les autres amuse-gueules et friandises ne sont pas pour eux, mais pour toute une faune de costumés et cravatés qui d´ailleurs, voient d´un oeil amusé ce nouveau riche qui s´essaie à rentrer dans leurs bonnes grâces! Une fois les "cravates" parties et les flonflons de la fête éteints, alors notre villageois de riche...se gratte la tête en songeant qu´il est le dindon de la farce! Toujours est-il que dans ces villages n´obéissant pas à un code de la djemaa, la vie est des plus compliquées! Sans compter que la "mariée" se doit comme de juste en ces milieux de parvenus, emporter avec elle un nombre faramineux de valises, de cartons et autres literies. D´ailleurs et pour faire bien, nombre de familles recourent à dame astuce pour remplir toutes ses valises. En effet, dans les cartons et autres, contenants qui défilent vers le camion devant transporter les affaires de la mariée, il y a trop souvent des cartons de lessive, des caisses de savon à linge et tenez-vous bien, même de l´eau de Javel. Les fêtes en ville se déroulent désormais à n´importe quel moment de l´année. Les familles étant tenues de respecter les dates données par les patrons des salles de fêtes. Les fêtes s´échelonnent ainsi tout le long des journées de la semaine et il n´est pas rare de rencontrer des cortèges nuptiaux un samedi ou un lundi. Les invitations pleuvent sur les propriétaires de voitures et pour peu que l´on possède une voiture rutilante alors, autant prendre un congé car vous serez de corvée tous les jours. La fête en ville! Le must et le nec plus ultra du moment est de ramener la mariée dans un 4x4 ou à la rigueur dans une voiture allemande de préférence noire et surtout aussi large que possible. Aussi, les propriétaires des petites voitures et autres carrosses ne payant pas de mine, sont-ils à peine tolérés...pour faire partie du convoi ! Un cortège nuptial que l´on désire le plus "long" possible avec force voitures de marque et de couleur étincelante. La salle des fêtes étant généralement retenue des mois à l´avance et le groupe musical ou à l´extrême rigueur le disc-jockey (choisi en fonction non pas de ses prestations musicales mais de sa réputation et...de son prix. Il faut bien que la maîtresse de maison puisse dire à ses voisines qu´elle s´est payée les services de la troupe la plus chère! Le repas de noces, généralement servi dans la salle des fêtes, est préparé par, si possible, des chefs cuisiniers assistés de serveurs et serveuses ce qui fait plus chic ; Le couscous est dépassé, aujourd´hui c´est entrée, plat de résistance et dessert avant le café suivi de gâteaux distribués dans des sachets décorés ou encore dans des boîtes. La limonade coule à flots et il serait malvenu de priver ne serait-ce qu´un moment ses invités soit de café soit encore de limonade! Le reste de la sainte journée se passe en danse et en musique déferlant à gros décibels souvent en envahissant la rue. En ville, la fête est une question d´argent, si l´on possède ce sésame alors tout est parfait et les choses se déroulent simplement. Si tout s´achète y compris peut-être le nombre d´invités qui sont là en fonction du poste occupé par les parents des. mariés ou de la fortune des parents, il y a tout de même quelque chose qui est oublié: le bonheur du couple. Dans ces milieux, l´on s´allie en fonction de beaucoup de facteurs et pas toujours le bonheur des mariés. Un tel, fils d´un tel, ne doit absolument pas prendre femme dans tel ou tel milieu. C´est qu´en Algérie, il existe des intouchables et ce ne sera pas demain la veille que l´on dérogera à cette règle non écrite ! Ainsi, par une absurde logique, bien des métiers, et l´on ne cite aucun de ces métiers par respect à ceux qui les exercent, sont interdits de mariage avec les gens de la "haute". Ce serait s´avilir pensent certains parvenus que de s´allier avec eux! Quoique souvent le portefeuille bien garni fait oublier ces "traditions". Le jour de la noce et avant même que de goûter aux gâteaux et à la limonade et autres boissons, les parents du marié s´entretiennent sous les auspices d´un cheikh avec leur future belle- famille. La fatiha ou mariage religieux est une cérémonie dont personne ne se passe et que ce soit les familles aisées ou celles plus pauvres, tout le monde y souscrit. Le lieu importe peu quoique récemment, les choses ont tendance à changer, on préfère de plus en plus la mosquée ou alors le lieu où la mariée est présente: salle des fêtes ou maison paternelle. L´imam ou le cheikh qui officie est en général pétri des règlements présidant aux mariages selon la loi islamique. Traînant les choses en longueur à souhait ou expédiant l´affaire en un ou deux mouvements, tout dépendant de l´humeur du cheikh. La famille du marié et généralement le père ou le tuteur choisit ce moment pour déposer devant le père de la mariée une somme d´argent ; il est bien vu de ne prendre qu´un seul billet, généralement un billet de 200 DA, et devant l´assistance, de refiler immédiatement ce billet accompagné de quelques autres tirés de sa propre poche au cheikh officiant, et de repousser le paquet de billets signifiant ainsi que "sa fille, il la marie et ne la vend pas!" Dans les villages, les choses se passent encore plus simplement, les deux familles discutent de toutes les modalités avant la fête, et le jour de la noce il ne reste plus à la mariée que de rejoindre son foyer. La fatiha et les autres "conditions" étant déjà remplies bien avant. Le mariage, cette fête déterminante pour deux êtres, est aussi la rencontre de deux familles. II est sujet à une sorte d´inflation d´habitudes qui n´ont rien à voir avec la culture et l´esprit dominant en Kabylie. Le nec plus ultra chez les "`m´as-tu-vu" est de faire en sorte que la mariée s´habille avec un sari et d´autres tenues très coûteuses qu´elle ne portera plus jamais après. Il reste que dans beaucoup de villages, les familles "guidées" par les comités de villages reviennent doucement aux bonnes vieilles habitudes!