Il régnait une ambiance bon enfant en ce samedi après-midi au niveau de l'entreprise Pi-Relarions, sise à Kouba, qui une fois n'est pas coutume a ouvert ses portes pour le collectif «L'oeil artistique» afin d'accueillir une très belle exposition d'arts plastiques collective. Mais pas que. Intitulée «Vision individuelle/ Vision collective», celle-ci est encadrée par Karim Sergoua et regroupe une dizaine d'artistes. «Suite à l'expo qui a été présentée à Boufarik dans un cabinet d'ophtalmologie, le groupe composé de Nour et Sonia a tout de suite pensé à faire des choses en dehors de Boufarik et de Blida, dans des espaces qui changent, qui ne sont pas forcément des galeries ou des musées. Ils m'ont sollicité, J'ai accepté de les aider et les conseiller bénévolement. Tous ceux qui exposent sont des gens qui travaillent. Ils sont tous autodidactes. Aucun d'eux n'a fait d'école ni de centre artistique. J'ai accepté l'enjeu. Quand ils sont passés dans une émission télé, il y avait la directrice de cette entreprise qui leur a proposé à chaud de venir exposer dans ses bureaux. On est venu les visiter. Et a on adoré. Le concept était d'investir les lieux comme une baignoire en pleine fonction. Il y a 17 créateurs hétéroclites. Il y a de la sclpture, du dessin, de la peinture, de la photo, de la vidéo bientôt. Il y aussi des gens qui ont accepté de participer comme la poétesse Meriem, l'écrivain Mustapha Benfodil et Malika Chitour Daoudi. Chacun était libre de faire ce qu'il veut sans une thématique préétablie. Je pense qu'on va faire plein d'autres choses encore à Alger, Oran, Béjaïa, peut-être à Annaba... Des médiums et des causes L'exposition bouge et elle ne sera pas forcément la même», nous confiera Karim Sergoua très enthousiaste. Parmi les jeunes artistes exposants, on peut citer Amine Rahmani qui a déjà plus d'un corde à son arc puisque, en plus d'être ingénieur, professeur en anglais et détenteur d'un podcast où il parle sur tout ce qui est communication, technologie et autre, Amine est aussi un passionné de photographe qui se promène tout le temps avec son appareil photo sous le coude. C'était le cas le jour où il tombe sur un vieux clochard dans la rue, affalé par terre sous l'oeil indifférent des badaux. Amine immortalisa ce moment, tout comme celui de cet homme jugé sur un rocher en train de pécher du poisson pour nourrir sa famille. Les deux photos ne montrent pas le visage des sujets photographiés mais dénoncent surtout une certaine réalité amère de la société sur laquelle le photographe a tenu à mettre le doigt. Dans un autre registre, Nawel Chaouene nous propose des luminaires qui allient le design au pratique en faisant appel à différents verres de moult couleurs mais aussi des pierres semi précieuses. Elle expose aussi de belles installations qui rappellent à leur façon les quatre saisons. Un travail finement décoré avec talent. Pour sa part, Abderrahmane Lebouachka, nous propose six peintures à l'huile dans le style expressionniste. Des corps sont présentés de façon incongrue, flanquée de visages en smiley. Des personnages grotesques, énigmatiques, tenant souvent dans leurs mains, un objet, un poisson, un nounours, un chien ou un oiseau, ces derniers peints en jaune tandis que le corps recroquevillé ou assis sur une chaise est en gris. De la fatuité de la vie sans doute mais avec désinvolture. De magnifiques artistes autodidactes Le jeune Mayzia Mohamed Kamel Edinne nous propose quant à lui des objets réalisés à base d'origami, autrement le jeu de pliage du papier et le résultat est saisissant. L'on découvre des sculptures en papier mais aussi un superbe tableau de la Joconde ou encore d'autres installations en papier coloré donnant l'impression de voir du bronze. Des papiers pliés d'un seul coup et travaillés avec finesse et doigté. D'autres travaux sont également disposées ça et là lors de cette exposition visible encore jusqu'au 02 aout. Parmi les autres oeuvres qui ont attiré notre regard, il y a lieu de citer le travail du jeune Kheireddine Khaldoun qui propose une série d'installations, entre photos et peinture. Dans une série de photos accrochées au mur où l'on peut distinguer une femme en hayek lorgnant sur mannequin dénudé au magasin, l'artiste a choisi de décliner ses photos posées dans un format circulaire qui rappelle le tambour de couture notamment, en faisant appel à un dispositif fort singulier qui joue sur la lumière et les couleurs en partant du choc thermique du corps humain..D'autres peintures, déclinées en triptyque représentent la notion d'immigration de l'Africain et son instable existence. Des peintures en acrylique abstraites qui fontt appel par exemple à la couleur «jaune» traduisant la compétence africaine qui se veut de l'or mais qui se perd hélas. Le second tableau donne à voir des vagues qui sous tendent le flou artistique dans lequel baigne certaine élite qui aspire au retour. Dans le 3eme tableau l'on distingue carrément des corps avec des têtes flottantes juste au-dessus exprimant d'une certaine manière cette dissociation entre les deux parties qui souvent se veulent se détacher mais soit elles n' y arrivent pas ou le refusent, exprimant ainsi cette situation souvent complexe liée à la vie difficile en Afrique à laquelle on veut s'extirper. «Vision individuelle / vision collective» est en effet une exposition collective qui réunit plusieurs disciplines artistiques telles la peinture, la mosaïque, la photographie, la sculpture, mais il y a eu aussi des musiciens à l'instar de la belle performance musicale ((alto) de Mounia El Hamri et enfin la rencontre poétique entre Malika Chitour et Mustapha Benfodil. Les deux derniers ont lu chacun des extraits de leurs oeuvres respectives, entre complainte, dénonciation et enfin épanchement lyrique et émotif sur le manque de l'Autre, l'amour et l'existence, non sans dénoncer certains fléaux qui existent dans notre société comme le dernier phénomène en date, qui vise à appeler de façon péjorative une certaine frange de la population en lui attribuant la couleur «marron». Un poème dit par Malika Chitour, tandis que Mustapha Benfodil nous lira des vers beaucoup plus personnels et intimes mais toujours mêlés à de la fiction...la valeur ajoutée même à la beauté de l'écriture lorsque nous sommes envahis ne sachant le vrai du faux. Deux écritures qui sont parvenues à nous émerveiller au milieu de cette ambiance champêtre du jardin de PI Relation, et qui malgré le public autour auront réussi le tour de magie de marquer le temps de son empreinte en le figeant et de sceller ainsi cette forme d'éternité qui s'écoule grâce à la poésie du verbe...Notons que la manifestation du collectif «oeil artistique» se poursuivra le samedi 30 juillet avec notamment une conférence - débat qui sera animée par Gaëlle Hemeury et Karim Sergoua sur «L'appropriation artistique de l'espace public en Algérie» mais aussi avec une Guesra musicale et un événement surprise...À ne pas rater!