Taïwan a tremblé au deuxième jour des plus grands exercices militaires jamais organisés autour de l'île par la Chine, insensible aux protestations outrées des Etats-Unis et de leurs alliés. Pékin a tiré jeudi des missiles balistiques et déployé son aviation et sa marine de guerre dans six zones maritimes autour de Taïwan, s'approchant jusqu'à 20 km des côtes et perturbant des routes commerciales parmi les plus fréquentées du monde, pour exprimer sa colère après la visite à Taipei de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi. La Chine communiste qui rappelle sans cesse que Taïwan fait partie de son territoire, a perçu cette visite comme une provocation majeure. Washington accuse pour sa part le gouvernement chinois de surréagir. Les exercices doivent se poursuivre jusqu'à dimanche midi. Selon l'agence officielle Chine Nouvelle, l'Armée populaire de libération a «fait voler plus de cent avions de guerre, y compris des chasseurs et des bombardiers», de même que «plus de dix destroyers et frégates» jeudi. La chaîne publique CCTV a affirmé que des missiles chinois avaient même survolé Taïwan pour la première fois. Le gouvernement taïwanais a indiqué que l'armée chinoise avait lancé 11 missiles balistiques de classe Donfeng. Le Japon en a dénombré neuf, dont quatre «auraient survolé l'île principale de Taïwan». Le ministère de la Défense de Taipei n'a pas confirmé la trajectoire des projectiles, notamment pour «protéger les capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de l'armée» taïwanaise. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a fustigé, hier, les manoeuvres chinoises, «des provocations» qui représentent «une escalade importante» des tensions aux yeux des Etats-Unis, qui accusent Pékin d'avoir «choisi de surréagir» à la visite de Nancy Pelosi. Washington a prévenu que son porte-avions USS Reagan continuerait à «surveiller» les environs de l'île, tout en annonçant avoir reporté un test de missile intercontinental pour éviter d'aggraver la crise. La Chine «a utilisé la visite de la présidente de la Chambre des représentants comme prétexte afin d'accroître ses opérations militaires provocatrices dans et autour du détroit de Taïwan», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche pour les questions stratégiques John Kirby. Les tensions «peuvent baisser très facilement si les Chinois arrêtent ces exercices militaires très agressifs», a-t-il ajouté. Le Japon a exprimé une protestation diplomatique formelle contre Pékin, estimant que cinq des missiles chinois étaient tombés à l'intérieur de sa zone économique exclusive (ZEE).Ces manoeuvres sont «un sérieux problème qui affecte notre sécurité nationale et celle de nos citoyens», a déclaré le Premier ministre nippon Fumio Kishida. «Nous appelons à l'arrêt immédiat des exercices militaires.» À Tokyo, dernière étape de sa tournée asiatique mouvementée, Mme Pelosi a affirmé que les Etats-Unis «ne permettront pas» à la Chine d'isoler Taïwan, assurant que ce déplacement «ne visait pas à changer le statu quo ici en Asie, à changer le statu quo à Taïwan». Mais le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré à Phnom Penh, en marge d'un sommet régional jeudi, que la «provocation flagrante» des Etats-Unis avait créé un «précédent fâcheux». «Si elle n'est pas corrigée et contrée, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures existera-t-il toujours? Le droit international sera-t-il toujours respecté?» a-t-il déclaré, selon Chine Nouvelle. Les manoeuvres empiètent sur certaines des routes maritimes les plus fréquentées de la planète, par lesquelles des équipements électroniques essentiels provenant des usines d'Asie de l'Est sont acheminés vers les marchés mondiaux. Par ailleurs, la Chine a annoncé, hier, «imposer des sanctions» à la cheffe des députés américains Nancy Pelosi et à sa «famille proche» après sa visite à Taïwan, qui a déclenché la colère de Pékin et le lancement de vastes manoeuvres militaires. Avec sa visite, Mme Pelosi s'est «gravement ingérée dans les affaires intérieures de la Chine et a porté atteinte à sa souveraineté et à son intégrité territoriale», a indiqué le ministère des Affaires étrangères. Ces dernières années, la Chine a imposé des sanctions à de nombreux représentants américains pour avoir agi contre ses intérêts et s'être exprimé sur Hong Kong et le Xinjiang (nord-ouest). En mars, Pékin avait appliqué des restrictions de visas à une liste non rendue publique de fonctionnaires américains qui auraient «inventé des mensonges sur des questions de droits de l'Homme impliquant la Chine».L'ex-secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, ainsi que Peter Navarro, conseiller commercial de Donald Trump, ont eux aussi été sanctionnés: ils ont interdiction d'entrer en Chine ou de faire des affaires avec des entreprises chinoises.