Considéré comme le plus beaux monument de la ville, le TR Béjaïa, ce joyau d'architecture, continue à susciter moult interrogations quant à son devenir culturel. Reléguées aux calendres grecques depuis le départ des pionniers, les planches de la cité des Hammadites ne résonnent plus sous les pas des comédiens qui semblent avoir déserté les lieux après plus d'un essai pour ressusciter un art qui, apparemment, n'a plus lieu d'être, puisque la culture semble avoir cédé la place à la politique dans une contrée qui aurait indéniablement été le berceau des plus prestigieux savants et artistes du Maghreb, du monde arabe et méditerranéen. Pour la petite histoire, le Théâtre de Béjaïa, qui a vu le jour en 1935, sous l'égide de la République française, était non seulement le lieu vénéré de la haute sphère de l'époque, mais aussi une référence d'art et de culture sous toutes ses formes. Des récits et des écrits relatent à plus d'un titre les moments de gloire de cette institution, qui était une fierté de la ville de Bougie. Après l'Indépendance, ce théâtre sera livré à lui-même, et quelques années plus tard, le conservatoire, qui faisait partie intégrante de la bâtisse, devint une institution autonome que dirigera le défunt Cheikh Saddek El-Bedjaoui. Une ancienne radio locale, qui a élu domicile à l'intérieur du théâtre durant les années 50 et au début des années 60, disparaîtra elle aussi, après que ses dirigeants aient été obligés de quitter les lieux. Le Théâtre de Béjaïa, qui fut une salle de projection durant quelques années, sera livré par la suite à la poussière et à une léthargie sans pareille jusqu'au début des années 80 où une équipe de comédiens et d'hommes de théâtre s'intéresse à cette institution fort réputée de par sa conception architecturale et son passé artistique. C'est ainsi que naîtra H'zem El-Ghoula, Redjel y a h'lalef ainsi que d'autres pièces sous la direction du défunt Malek Bouguermouh. Ces pièces, qui feront parler du théâtre de Béjaïa, auront un succès indéniable auprès du public national. Après l'accident qui lui coûta la vie, Malek Bouguermouh laissera un théâtre «orphelin» et une équipe affligée. Le public ne connaîtra même pas la fin de la dernière pièce qu'il s'apprêtait à mettre sur pied. Après ce triste épisode, c'est Ahmed Khoudi qui dirigera l'institution durant quelques années, puis Mohamed Fellag qui réussira à monter la pièce Sin Enni (ces deux-là) puis «Cocktails, Babors», etc. Fellag parti, le théâtre reprendra pied avec la venue de Azzedine Medjoubi qui contribuera à la mise en scène d'El-Houinta, une pièce interprétée par des comédiens de Béjaïa et qui trouvera un grand écho auprès d'un public connaisseur et surtout assoiffé de nouveautés dramatiques. Quelque temps plus tard, et après l'assassinat de Medjoubi, trois comédiens du TR Béjaïa trouveront la mort dans un tragique accident de la circulation. Le théâtre de Béjaïa épousera encore le deuil et cette fois-ci pour un bon moment. Dirigé par Arezki Tahar, aujourd'hui, le théâtre de Béjaïa, se débat toujours dans des conflits internes et financiers. Une seule pièce verra le jour entre 99 et 2001: Les Damnés, une mise en scène de Ahmed Khoudi. Cette pièce, qui a quand même été programmée durant le mois de Ramadhan dernier, semble la dernière pièce de théâtre réalisée jusqu'à présent par le TR Béjaïa, ainsi que quelques manifestations culturelles, et des pièces pour enfants, qui étaient prévues... Mais hélas, elles n'ont pas été programmées en temps voulu, vu les événements qu'a connus Béjaïa ces derniers temps. Un retour à la léthargie semble planer sur une institution culturelle qui ne demande qu'à renaître dans les meilleurs délais pour redorer le blason d'une ville millénaire et dont l'authenticité n'est plus à démontrer. «Nous espérons franchement une reprise des activités théâtrales...», nous diront les citoyens de Béjaïa, stressés par la monotonie qui a pris possession de leur ville...