Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, semble vouloir emboîter le pas à ses ministres pour s'engager sur la voie de la repentance sur la question des relations de son pays avec l'Algérie. Ainsi, donnant indirectement du crédit à son ministre de la Transition énergétique qui a affirmé que la décision sur la prétendue marocanité du Sahara occidental n'a eu aucune suite politico-juridique sur le terrain, Sanchez a clairement changé de fusil d'épaule. À partir de Berlin où il était en visite de travail, le Premier ministre espagnol a affirmé son souhait de visiter l'Algérie, en réponse à une question sur le froid qui caractérise les relations entre les deux pays. Il n'a fait aucune allusion aux «décisions souveraines de l'Espagne», ni commenté la suspension unilatérale par Alger du Traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération, signé en 2002 et encore moins la baisse des approvisionnements en gaz. Pedro Sanchez a eu cette simple réponse: «J'aimerai aller en Algérie.» Le propos est on ne peut plus évident quant à la solitude d'un chef de l'Exécutif lâché par ses plus proches collaborateurs. Même Josep Borrell, représentant de l'UE pour les Affaires étrangères, qui se trouve être un ancien ministre espagnol des AE, a ostensiblement remis en cause la prétendue marocanité du Sahara occidental. Le même Borell avait, rappelons-le tenté, de manipuler les hautes instances de l'UE pour qu'elles prennent le parti de Sanchez dans le bras de fer avec l'Algérie. Il avait même manigancé une entrée de l'Otan dans la brouille algéro-espagnole. La fin de non-recevoir réservée par l'Allemagne, la France et l'Italie, a fait échouer le plan du tandem Sanchez-Borell. Les fortes critiques de la classe politique espagnole a grandement affaibli le Premier ministre et mis tout le gouvernement dans une position inconfortable, face à une opinion publique qui ne comprend pas des choix politiques hasardeux, dont les résultats ont été une inflation historique, une baisse drastique des exportations vers l'Algérie et un chômage en hausse. Face à la détérioration des indicateurs socio-économiques en rapport direct avec la compromission de son Premier ministre avec le Maroc, l'Espagne n'engrange aucun bénéfice de quelque nature qu'il soit. Isolé en Europe, le royaume ibérique fait partie des Etats les plus durement touchés par la crise, alors qu'en raison de son statut de client de l'Algérie, il était protégé d'une inflation à deux chiffres que génère l'explosion du prix du gaz naturel sur les marchés mondiaux. L'Exécutif espagnol qui n'est plus dans une logique de sauver la tête de son chef a, dit-on, opéré une approche discrète en direction d'Alger, pour trouver une issue au blocage. Les tentatives de gérer la situation étaient, faut-il le rappeler, accompagnées par le témoignage d'un responsable Gas Natural, qui a reconnu le respect total des clauses contractuelles de son fournisseur, Sonatrach. Des personnalités gouvernementales ont pris le relais et signifié leur souhait que les deux pays rétablissent leurs relations. Un faisceau d'indices qui augurent d'un changement de la position de l'Espagne sur le sujet du Sahara occidental. Avec sa «petite voix», hier, Sanchez ne peut prétendre prendre l'UE à témoin. Il sait qu'il n'est plus à cette étape de sa bataille pour sauver le deal conclu avec le Makhzen. Il a perdu son bras de fer. Il ne trouvera aucun soutien. La seule issue est connue et le président Tebboune l'a montré, à savoir que les relations entre les deux pays redeviendront ce quelles étaient à la seule condition que l'Espagne renonce à sa reconnaissance de la prétendue marocanité du Sahara occidental et qu'elle assume son statut de puissance administrante des territoires non autonomes, en vertu des résolutions de l'ONU. Toute gesticulation politicienne n'aura aucun effet sur l'attitude d'Alger qui, dans la conjoncture actuelle, n'a absolument rien à perdre. Il reste cependant que les observateurs voient dans «la petite voix» de Pedro Sanchez les prémices d'une évolution, peut- être rapide, de la position de l'Espagne dans ce dossier. Auquel cas, ce serait une véritable hécatombe diplomatique pour le Maroc, qui perdra son seul allié dans la région. Pareille perspective fera effondrer tout l'édifice que le Makhzen s'échine à construire depuis plusieurs années pour forcer la main à la communauté internationale sur le dossier sahraoui. La dernière claque africaine à Tunis (participation du président sahraoui à la Conférence Afrique Japon) et ses conséquences diplomatiques (rupture des relations maroco-tunisiennes) ont aggravé l'isolement du royaume marocain dans son propre espace géographique.