Dans cette région enclavée, la vie devient de plus en plus dure pour la jeunesse. Ils étaient là, tous des jeunes ne dépassant pas la trentaine. Ils ont, cependant, un point commun. Tous sont des chômeurs. Adossés au mur d'un café dans un coin ombreux, ils discutaient de tout et de rien. «On ne fait que tuer le temps», dit Kamel en sirotant son café. «C'est le deuxième de la journée», ajoute-t-il comme pour dire qu'il en prend jusqu'à une dizaine par jour. «Avec la tension qui monte lors des rencontres du Mondial, le café est pour moi le seul calmant», conclut-il avant de se tourner vers ses camarades débattant des matches de la veille. Il est 11h. La chaleur est déjà suffocante dans cette contrée où rien ne semble bouger. Hammam Sillal, localité qui fait office de chef-lieu de commune, est située sur la route départementale n°75. Elle compte très peu d'habitants mais sa popularité lui vient de sa station thermale qui attire des visiteurs des quatre coins du pays. Une richesse qui ne profite pas à ses habitants. Une sentence que prononceront à satiété les jeunes que nous avons rencontrés. «Elle peut engendrer beaucoup de postes d'emploi si elle est aménagée», soutient Rachid, un ami à Kamel qui regrette l'état des lieux. Hammam Sillal fait partie de la vaste commune de Tifra qui comprend deux douars distincts: Irdjen et Tifra. Dans cette région enclavée, la vie devient de plus en plus dure pour la jeunesse. Hormis les cafés, qui sont devenus des lieux de loisir par excellence, aucune autre structure n'est présente pour atténuer un tant soit peu le marasme total qui gangrène les esprits juvéniles. En l'absence de perspectives de travail et de formation, quitter le pays pour d'autres cieux plus cléments se présente alors comme l'unique solution. «Pas pour tous, heureusement», souligne Salhi, un éducateur en sport qui dirige aussi une association dans le village d'Aït Mahiou. Lui et ses camarades tentent d'améliorer le cadre de vie dans la région. Outre les activités culturelles et sportives, initiées de temps à autre, l'association organise des volontariats périodiques pour sauvegarder l'environnement. Récemment, Rachid et ses camarades ont procédé au ramassage de bouteilles vides de bière, jetées sur le bas-côté de la route par des conducteurs inconscients. Ces jeunes ambitieux trouvent appui chez le maire de la localité qui a l'art de capter l'attention des jeunes. Offrant l'aide qu'il peut, il tente, avec son équipe communale, de se rapprocher de la masse juvénile afin de connaître ses préoccupations. «Le maire ne peut pas tout régler à lui seul», pensent ces jeunes. «Le travail se fait solidairement», commente un autre qui va jusqu'à citer le mouvement associatif dans tout ce qu'il peut apporter à la société et à la région. Entre ceux qui veulent partir et ceux qui restent, ce débat a été toujours d'actualité. Le cas de Tifra est un peu semblable aux autres contrées de Kabylie où seul l'Etat fait office d'employeur. Pas d'investissement, donc pas de création d'emplois. «Même le bâtiment ne marche pas», note Nadir qui explique: «Il y a quelques années, les émigrés construisaient et offraient donc des possibilités d'emploi. Aujourd'hui plus personne ne construit, c'est pourquoi le chômage a pris de l'ampleur». Les jeunes de Tifra ne désarment cependant pas. Ils vous parleront beaucoup des perspectives qu'offre leur localité pour peu qu'on lui accorde de l'intérêt. L'agriculture de montagne et l'élevage peuvent venir au secours de la région, estiment les jeunes qui n'attendent qu'une chose, que les procédures d'investissement leur soient facilitées. Trouveront-ils une oreille attentive?