Monarque la plus célèbre de la planète, la reine Elizabeth II est morte jeudi à 96 ans dans sa résidence écossaise de Balmoral, ouvrant une nouvelle ère pour la couronne britannique à laquelle elle avait dédié sa vie. La disparition de la souveraine, dont l'état de santé s'était dégradé depuis un an, a suscité une immense émotion au Royaume-Uni et partout dans le monde. Son fils et héritier accède au trône à 73 ans avec le nom de Charles III. «La reine est morte paisiblement à Balmoral cet après-midi. Le Roi et la Reine consort resteront à Balmoral ce soir et retourneront à Londres demain», a indiqué le palais de Buckingham dans un bref communiqué. Symbole de stabilité ayant traversé imperturbable les époques et les crises, elle avait côtoyé, depuis la mort de son père George VI en 1952 alors qu'elle n'avait que 25 ans, Nehru, Charles de Gaulle ou Mandela qui l'appelait «mon amie». Sur le trône, elle a assisté à la construction puis la chute du mur de Berlin, et a rencontré 12 présidents américains. Elle venait de nommer mardi son 15e Premier ministre, Liz Truss, occasion d'une dernière photo, frêle et souriante, appuyée sur une canne. Tout au long de son règne de 70 années, le plus long de l'histoire britannique, elle a rempli son rôle avec un sens du devoir inébranlable. Elle avait su garder au fil des crises traversées par son royaume et la royauté, un soutien massif des Britanniques, venus par dizaines de milliers pour l'apercevoir quelques minutes sur le balcon du palais de Buckingham en juin dernier pour son jubilé de platine, célébrations de ses 70 ans de règne aux allures d'adieu. Les télévisions et radios ont interrompu leurs programmes pour annoncer le décès de la souveraine, veuve depuis le décès en avril 2021 de son époux Philip. Des portraits d'Elizabeth II au sourire bienveillant s'affichent en Une des sites des médias britanniques. Goodnight Ma'am, titre The Sun. «La reine meurt paisiblement à l'âge de 96 ans, après 70 ans de service remarquable laissant La Grande-Bretagne et le monde en deuil», écrit le tabloïd. The Times rend hommage à la monarque dont «le règne a été marqué par un engagement inébranlable envers son peuple et son pays». «Thank you Ma'am... for everything», écrit le Daily Mirror alors que le Telegraph titre simplement: La famille royale et la nation en deuil. «Le décès de ma mère bien-aimée, Sa Majesté la Reine, est un moment de très grande tristesse pour moi et tous les membres de ma famille», a déclaré le nouveau roi Charles III dans son premier communiqué comme souverain. «Nous pleurons profondément la disparition d'une souveraine chérie et d'une mère bien aimée. Je sais que sa perte sera profondément ressentie dans tout le pays, les royaumes et le Commonwealth, ainsi que par d'innombrables personnes dans le monde entier.» Sur le perron du 10, Downing Street, la Première ministre a rendu hommage à une souveraine «aimée et admirée dans le monde entier. «La mort de Sa Majesté constitue un choc énorme pour la nation et le monde», a-t-elle souligné, appelant les Britanniques à «s'unir» derrière le nouveau roi, avec lequel elle s'est entretenue une première fois. À l'étranger, les hommages ont afflué, des dirigeants politiques et des têtes couronnées. Joe Biden, reçu par Elizabeth II l'an dernier, a rendu hommage à «une femme d'Etat d'une dignité et d'une constance incomparables». Vladimir Poutine a souligné son «autorité sur la scène mondiale». Xi Jinping a présenté ses condoléances en parlant d'une «grande perte pour le peuple britannique». Une minute de silence a été observée au Conseil de sécurité de l'ONU. Les drapeaux de la Maison- Blanche, des bâtiments publics aux Etats-Unis, des ambassades, des bases militaires et des navires de guerre seront mis en berne jusqu'au jour des funérailles d'Elizabeth II, au coucher du soleil. La mort de la souveraine, qui avait limité les apparitions depuis une nuit à l'hôpital en octobre 2021 et avait reconnu des difficultés à se déplacer, ouvre une période de deuil national, jusqu'à ses funérailles dans une dizaine de jours. Elizabeth Alexandra Mary Windsor n'était pas destinée à devenir reine à sa naissance, le 21 avril 1926. Mais fin 1936, son oncle Edouard VIII abdique, préférant épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée. Le père d'Elizabeth devient alors le roi George VI et elle devient héritière de la Couronne. Le 6 février 1952, alors qu'elle effectue un voyage au Kenya, elle apprend la mort de son père, d'un cancer, à 56 ans. Elle retourne immédiatement au Royaume-Uni, puis est couronnée le 2 juin 1953. Elizabeth II était à sa mort cheffe d'Etat de 15 royaumes, de la Nouvelle-Zélande aux Bahamas, qu'elle a parcourus au fil de son règne, toujours vêtue de tenues assorties, souvent de couleurs vives. Elle est surtout pour l'immense majorité de ses sujets la seule souveraine qu'ils aient jamais connue, présente sur les billets de banque, les timbres (qui vont devoir changer de visage) et soumise à l'attention permanente des tabloïds. Elle a préservé l'institution malgré plusieurs crises. L'avenir de la monarchie s'annonce plus compliqué avec Charles, à la popularité bien plus faible. Il accède au trône à un moment où l'unité du Royaume-Uni se fissure, sous l'effet du Brexit, qui a réveillé les velléités d'indépendance de l'Ecosse et les tensions communautaires en Irlande du Nord. Dans les ex-colonies britanniques restées des royaumes, les critiques se font aussi vives sur le passé colonialiste et les velléités républicaines se renforcent.