Trois mois après sa percée surprise aux élections législatives en France, la gauche emmenée par son tribun Jean-Luc Mélenchon n'en finit plus de se déchirer, y compris désormais sur la question des violences envers les femmes. En faisant élire près de 150 députés sous les couleurs d'une Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) dominée par son parti, la France insoumise (LFI, gauche radicale), Jean-Luc Mélenchon a privé de majorité absolue le camp du président centriste libéral Emmanuel Macron. Il a promis une guérilla parlementaire et de mobiliser sur le front social à la rentrée, mais l'attelage de la Nupes, qui va des communistes aux socialistes en passant par les écologistes, patine. Cet été, le dirigeant des communistes Fabien Roussel et la députée écologiste Sandrine Rousseau ont croisé publiquement le fer sur des questions aussi variées que la consommation de viande ou la valeur émancipatrice du travail. Selon un récent sondage, 63% des sympathisants de gauche considèrent la Nupes comme «une coalition électorale amenée dans le futur à se désunir et même à disparaître». Et à deux semaines de la rentrée parlementaire, un des dauphins de Mélenchon est emporté par une affaire de violences conjugales et son mentor accusé de ne pas être à la hauteur. Lors du retrait du député Adrien Quatennens, 32 ans, de la direction de LFI, après son aveu de violences conjugales, suivi de l'ouverture d'une enquête judiciaire, Jean-Luc Mélenchon a d'abord dénoncé sur Twitter la semaine dernière «la malveillance policière, le voyeurisme médiatique, les réseaux sociaux». Il a ensuite reformulé son soutien dans un deuxième tweet: «Une gifle est inacceptable dans tous les cas. Adrien l'assume. C'est bien.» Mais le ton de ce premier message, sans égard pour la victime présumée, a provoqué le trouble à gauche et au-delà. «C'est un grand malaise, mais c'est surtout la gestion de cette crise qui pose problème», affirme Virginie Martin, politologue et enseignante à la Kedge business school. «Si Jean-Luc Mélenchon avait bien géré, tout aurait découlé de lui...». «Je pense qu'il a intégré Meetoo en théorie mais pas tellement en pratique», ajoute-t-elle, soulignant la différence de sensibilité sur ces questions entre la génération de Mélenchon, 71 ans, et sa jeune garde. Dans une tribune publiée par le quotidien Libération, 550 militantes féministes, encartées pour certaines dans des partis de gauche, s'insurgent contre «un système de protection des agresseurs en politique» et appellent à «une relève féministe». «Nous refusons de militer avec des hommes auteurs de violences, ou leurs amis complices», écrivent-elles, condamnant «avec la plus grande fermeté la réaction de Jean-Luc Mélenchon et de ses pairs». «Normalement, après le buzz médiatique, on laisse passer quelques semaines, ça s'arrête, et les personnes sont réintégrées tranquillement et on n'en parle plus», indique Virginie Martin. «Cette fois-ci, avec cette ''Relève féministe'' justement, c'est hors de question que ça se passe comme ça et je pense qu'elles ne lâcheront pas». Par ricochet, l'affaire a atteint Julien Bayou, secrétaire national des écologistes, après que sa camarade de parti, Sandrine Rousseau, a rendu publiques des accusations de violences psychologiques portées par son ex-compagne. Julien Bayou, 42 ans, a été à son tour «mis en retrait» de ses fonctions de coprésident du groupe à l'Assemblée. «À la suite des controverses Rousseau/Roussel, après la parenthèse des législatives, où la Nupes a donné une image renouvelée de la gauche, là, on a l'impression que le récit, c'est le récit de la gauche divisée, la gauche inaudible», remarque Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille (Nord) et à Sciences Po Lille. Elles donnent le sentiment «que le capital un peu politique de la Nupes a été déjà dilapidé», poursuit Rémi Lefebvre, qui n'est «pas sûr pour autant que la Nupes va exploser en tant qu'alliance parce qu'il n'y a pas de plan B» pour les partis qui la composent.