Elle devient de ce fait la dix-septième femme à être récompensée par le prix Nobel de littérature après les monuments Pearl Buck, Toni Morrison, Doris Lessing, etc. Après l'annonce de son nom, Annie Ernaux a déclaré, toute émue, mais laconiquement, que c'est un très grand honneur d'avoir reçu cette récompense. Mais c'est aussi une lourde responsabilité, a-t-elle tempéré. Annie Ernaux a affirmé aux médias audiovisuels: «Je suis très heureuse, je suis fière, mais pas bouleversée». Agée de 82 ans, Annie Ernaux écrit depuis un demi-siècle. Son oeuvre largement autobiographique, se décline autour d'une vingtaine de romans ayant énormément marqué les lecteurs de plusieurs générations et de nombreux pays. Avant le prix Nobel, elle a obtenu de nombreux autres prix dont certains sont prestigieux à l'instar du Renaudot arraché en 1984 pour son roman «La place». Le comité Nobel a expliqué que le prix Nobel de littérature 2022 est décerné à l'auteure française Annie Ernaux pour le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle. Dans la biographie de cette auteure mondialement connue bien avant sa consécration par le Nobel, publiée à cette occasion, il est rappelé qu'Annie Ernaux est née en 1940 et a grandi dans la petite ville d'Yvetot en Normandie, où ses parents avaient une épicerie et un café combinés. Son cadre était pauvre, mais ambitieux, avec des parents qui s'étaient tirés de la survie prolétarienne à une vie bourgeoise, où les souvenirs des sols battus ne disparaissaient jamais, mais où la politique était rarement abordée. Elargir les limites de la littérature Le comité Nobel a mis en avant le fait que dans son écriture, Annie Ernaux examine constamment et sous différents angles une vie marquée par de fortes disparités en matière de sexe, de langue et de classe. Son chemin vers la paternité était long et ardu: «Son travail de mémoire portant sur son origine rurale est apparu tôt comme un projet visant à élargir les limites de la littérature au-delà de la fiction au sens étroit. Malgré son style classique et distinctif, elle déclare qu'elle est une ethnologue d'elle-même plutôt qu'un écrivain de fiction». Le même comité a rappelé que les débuts d'Annie Ernaux étaient avec la publication de son livre «Les Armoires» et «déjà dans ce travail elle a commencé son enquête sur son origine normande», mais, précise-t-on, c'est son quatrième livre, «La place» paru en 1983, qui lui a permis de percer véritablement en littérature: «En une centaine de pages, elle a produit un portrait impatient de son père et de tout le milieu social qui l'avait fondamentalement formé Le portrait a utilisé son esthétique retenue et motivée par l'éthique, où son style a été forgé dur et transparent». La force libératrice de l'écriture Il est également précisé qu'Ernaux a «inséré des réflexions sur son écriture, où elle s'éloigne de la poésie de la mémoire et prône une plaque écrite: une écriture simple qui, en solidarité avec le père, fait évincer son monde et sa langue». Son livre intitulé «L'événement», paru en 2001 chez Gallimard, est considéré comme un chef-d'oeuvre. «C'est un récit à la première personne, et la distance avec le moi historique n'est pas stressée comme dans beaucoup d'autres oeuvres», a expliqué encore le comité Nobel. Ce dernier a ajouté que ce livre est un texte impitoyablement honnête, où entre parenthèses Annie Ernaux ajoute des réflexions d'une voix vitalement lucide, s'adressant à elle-même et au lecteur dans un seul et même flux. Le comité Nobel a précisé qu'Annie Ernaux croit manifestement en la force libératrice de l'écriture; son travail est intransigeant et écrit en langage simple, nettoyé. «Et quand, avec un grand courage et une acuité clinique, elle révèle l'agonie de l'expérience de la classe, décrivant la honte, l'humiliation, la jalousie ou l'incapacité de voir qui vous êtes, elle a réalisé quelque chose d'admirable et de durable», conclut-on.