Le problème de la protection des lanceurs d'alerte contre la corruption et le blanchiment d'argent est posée d'une manière sérieuse par l'ensemble des protagonistes chargés de lutter contre ce phénomène tentaculaire. Cette question a été débattue entre le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Abderrachid Tabi, et les mem-bres de la commission des affaires juridiques et administratives et des libertés de l'Assemblée populaire nationale (APN), à l'occasion des consultations autour du projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le ministre a évoqué l'affaire inhérente aux lanceurs d'alerte, promettant que cet aspect sera traité d'une manière efficace, du point de vue juridique. S'agit-il d'une nouvelle loi qui apportera plus de garanties en matière de sécurité et de protection des lanceurs d'alerte? La dernière déclaration du ministre de la Justice, en présence des membres de la commission des affaires juridiques, laisse penser que les amendements qui seront apportés à la loi 05-01 du 6 février 2005, relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, concerneront aussi les mécanismes juridiques en mesure de protéger les personnes qui dénoncent la corruption, le trafic d'influence et le blanchiment d'argent. La lutte contre la perversion et le blanchiment d'argent sale passe par l'assainissement du climat social en général. C'est la condition sine qua non pour mettre en place une politique efficace visant la prévention et la lutte contre cette hydre qui a gangrené la société et l'administration. La protection des agents publics et des lanceurs d'alerte est l'une des actions importantes à laquelle le législateur doit donner beaucoup d'intérêt pour rendre le travail de contrôle judiciaire et d'enquêtes plus performant et de qualité. De nombreux lanceurs d'alerte sur les pratiques de corruption et de blanchiment d'argent sont livrés à eux-mêmes, sans couverture juridique ni protection à même de leur éviter le calvaire des poursuites judiciaires. Des cas de ce genre sont légion, surtout que ces lanceurs d'alerte ont dénoncé des hauts responsables de grandes entreprises et d'administrations publiques, en apportant des preuves irréfragables. L'affaire de Noureddine Tounsi, qui était un ancien responsable commercial de l'Entreprise portuaire d'Oran (EPO) en 2018 constitue un cas d'école dans les annales de la justice algérienne. Il a été victime de représailles après avoir alerté ses responsables supérieurs sur des comportements et des pratiques de concussion en rapport avec les activités du port. Il a jugé utile de saisir le parquet comme forme de dénonciation de ces pratiques qui portent préjudice à l'économie nationale en général et à l'entreprise portuaire en particulier; une enquête a été ouverte pour la circonstance. Depuis, il ne cessait de recevoir des menaces et subissait des représailles de la part de sa hiérarchie jusqu'à son licenciement même. Des lanceurs d'alerte, comme Noureddine Tounsi, sont légion. Mais quand ils s'aperçoivent que le prix à payer à cause de la dénonciation d'une malversation ou de la corruption, connaîtront le même sort que celui de Noureddine Tounsi, hésiteront à le faire pour éviter d'être au supplice. La lutte contre la corruption est l'affaire de tous, mais le travail doit se faire sur le plan juridique, afin de sauvegarder et de protéger les lanceurs d'alerte qui n'ont aucune relation avec ceux qui versent dans la dénonciation calomnieuse. Le projet du réseau national d'intégrité fait partie de cette nouvelle stratégie visant à protéger les dénonciateurs des faits de corruption et de blanchiment d'argent. La mise en application de ce réseau aidera énormément les agents publics et les experts juridiques dans le domaine de la lutte et de la prévention contre la corruption à mener leurs enquêtes loin de la pression et des menaces de forces occultes dont le soupçon de conflit d'intérêts est établi. À ce propos, le président de l'Organe national de lutte et de prévention contre la corruption (Onlpcc), Tarek Kour, a abordé le point de la protection des lanceurs d'alerte, soulignant que «la protection de cette catégorie est une revendication qui fait l'unanimité au niveau national et international et appelé à l'élaboration d'une loi qui les protège contre toute sanction ou provocation». «L'une des missions des autorités est de veiller à la protection des dénonciateurs de faits de corruption, à travers une loi qui sera consacrée à ce volet, parallèlement à la protection pénale et civile», a-t-il affirmé. Le lanceur d'alerte doit être protégé dans son environnement de travail pour qu'il ne soit pas l'objet de menaces et de représailles. La révision de la loi en la matière s'impose pour protéger les dénonciateurs des faits de corruption, de malversation ou de blanchiment d'argent.