Ancien employé du port d'Oran et lanceur d'alerte dans la lutte contre la corruption, Noureddine Tounsi a été interpellé en milieu de semaine passée près de son quartier d'El-Hamri et placé sous mandat de dépôt par le juge d'instruction du tribunal correctionnel de Cité Djamel. Dans son réquisitoire introductif, le procureur de la République entend poursuivre le lanceur d'alerte pour intelligence avec l'étranger, divulgation de secrets professionnels et outrages et violences à fonctionnaires et institutions de l'Etat. En clair, selon Me Farid Khemisti, avocat de Noureddine Tounsi, il est reproché à son client ses liens avec la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF), manifestement qualifiée de "partie étrangère", et ses interventions virulentes sur les réseaux sociaux dénonçant le fonctionnement de la justice et le comportement suspect de certains magistrats. "Comme son nom l'indique, la PPLAAF est une structure qui vise à protéger les lanceurs d'alerte, ce que Noureddine Tounsi est depuis plusieurs années. Quant aux reproches qu'il fait à certains magistrats, il affirme disposer de preuves irréfutables à l'appui", relève l'avocat, surpris par la gravité des charges retenues contre son client. La protection, c'est précisément ce que Tounsi — il a alerté sur la gestion du port, les importations de l'OAIC... — et quelques-uns de ses pairs, licenciés de leur emploi et/ou poursuivis en justice, réclament depuis des années de l'Etat algérien. "Nous risquons nos vies et la tranquillité de nos familles pour alerter sur les malversations et les trafics. Mais au lieu de bénéficier d'une protection, nous sommes persécutés, parfois menacés de mort, sans que les autorités réagissent", a dénoncé Tounsi au cours d'un sit-in de protestation organisé par quelques lanceurs d'alerte en 2019 à proximité du palais de justice d'Oran. Il y a quelques jours encore, Tounsi dénonçait le refus du parquet général d'Oran d'enregistrer une plainte contre les dérives de magistrats qu'il avait déposée à travers la plateforme numérique du ministère de la Justice. "J'ai reçu un message me confirmant l'enregistrement de ma réclamation et m'enjoignant de me rendre au parquet général d'Oran pour déposer le dossier. Mais l'instance judiciaire a refusé d'accuser réception", a-t-il relaté en substance, en s'interrogeant sur ce refus de se conformer à la procédure mise en place par le ministère de la Justice. Noureddine Tounsi a été interpellé lundi dernier, alors qu'il était en compagnie de son avocat Me Arrab et de leurs enfants mineurs. Il a été conduit au siège de la sûreté de wilaya pour une garde à vue de 48 heures avant d'être déféré devant la justice, mercredi après-midi, et placé sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur.