Lula va-t-il faire un come-back à 77 ans? Bolsonaro peut-il gagner? Refuser la défaite? Plus de 156 millions de Brésiliens étaient appelés à élire hier leur président, lors d'un scrutin à l'issue incertaine, après une campagne très tendue. Le Brésil est coupé en deux. Les réseaux sociaux ont charrié des torrents de désinformation et les candidats se sont insultés copieusement devant des dizaines de millions de téléspectateurs. Si les sondages prédisent un 3e mandat de quatre ans à l'ex-chef d'Etat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), le président sortant d'extrême droite Jair Bolsonaro, 67 ans, peut encore y croire après son score inattendu du 1er tour: 43% contre 48% à Lula. Bolsonaro, auquel les sondages avaient donné une douzaine de points de retard, a bénéficié d'une dynamique dans l'entre-deux tours. L'ultime sondage Datafolha peut donner des raisons d'espérer à Bolsonaro: l'écart se resserre, avec une victoire de Lula à 52%/48%. Bolsonaro acceptera-t-il le résultat si Lula est élu? C'est la grande interrogation. Après avoir mis en sourdine ses attaques incessantes contre le système «frauduleux» des urnes électroniques, il a récemment dénoncé des irrégularités présumées dans la diffusion des spots radio de sa campagne. Beaucoup craignent une réplique brésilienne de l'assaut du Capitole après la défaite de Donald Trump qui pourrait viser par exemple la Cour suprême si souvent vilipendée par Bolsonaro. Trump, justement, a appelé les Brésiliens à réélire Bolsonaro, «un type super», et surtout pas «Lulu (sic), ce cinglé de la gauche radicale». La campagne a pourtant été tout sauf «sage». Bolsonaro a insulté Lula: «voleur», «ex-prisonnier», «alcoolique» ou «honte nationale». Ce dernier a rendu les coups: «pédophile», «cannibale», «génocidaire» ou «petit dictateur». S'accusant mutuellement de mentir, Bolsonaro et, dans une moindre mesure Lula, ont alimenté la machine à désinformation. Les réseaux sociaux - unique source d'information de la majorité des 170 millions d'utilisateurs brésiliens - ont véhiculé une masse inédite de fausses informations. Avec cette sale campagne, les véritables préoccupations de la population ont été négligées: inflation, chômage, pauvreté ou faim, dont souffrent 33 millions de Brésiliens.s. L'enjeu majeur de l'entre-deux tours a été la chasse aux 32 millions d'abstentionnistes du 1er tour (21%). Lula veut protéger la démocratie et rendre «Le Brésil heureux» de nouveau, après deux mandats où il a extrait près de 30 millions de Brésiliens de la pauvreté mais où l'économie était florissante. Le populiste Bolsonaro malgré un mandat émaillé de crises graves dont celle du Covid, conserve un socle de partisans irréductibles. S'il est élu, Lula, figure-clé de la politique brésilienne depuis quatre décennies, fera un come-back spectaculaire, après avoir connu la disgrâce de la prison (2018-2019) puis l'annulation de ses condamnations pour corruption. Il est le favori des femmes, des pauvres, des catholiques et du Nord-est rural. Mais les hommes, les classes aisées, les pro-armes, les milieux d'affaires et les évangéliques votent Bolsonaro. Le prochain locataire du Palais du Planalto à Brasilia devra composer avec un Parlement encore plus à droite qu'avant les législatives du 2 octobre. Le résultat doit être annoncé à 23h00 GMT.