La Corée du Nord a lancé un missile balistique intercontinental (ICBM) qui est tombé au large du Japon, dernier épisode en date d'une série record de tirs de projectiles ces dernières semaines alors que Séoul, Tokyo et Washington s'attendent à un essai nucléaire imminent de la part de Pyongyang. L'état-major sud-coréen a «détecté un missile balistique de longue portée présumé lancé vers 10h15 (01h15 GMT) depuis la zone de Sunan à Pyongyang en direction de la mer de l'Est», a-t-il indiqué en se référant au nom coréen de la mer du Japon. Tokyo a précisé que le missile avait parcouru environ 1 000 km et que le Japon n'avait pas tenté de le détruire en vol. Le ministre nippon de la Défense, Yasukazu Hamada, a indiqué que le projectile avait atteint une altitude maximale de 6 000 km, et en a déduit qu'il s'agit d'un «missile balistique de classe ICBM», une des armes les plus puissantes de l'arsenal nord-coréen. «Le missile balistique lancé par la Corée du Nord semble être tombé dans notre zone économique exclusive au large de Hokkaido», la grande île du nord de l'archipel nippon, a déclaré le Premier ministre japonais Fumio Kishida, dénonçant un tir «absolument inacceptable». Quelques heures plus tard, le ministère de la Défense japonaise a dit avoir effectué un exercice militaire conjoint avec les Etats-Unis, juste après ce tir. Ces manoeuvres «réaffirment la ferme volonté du Japon et des Etats-Unis de répondre à toute situation (...) et renforcent encore les capacités de dissuasion et de réponse de l'alliance nippo-américaine», a affirmé le ministère dans un communiqué. La Maison-Blanche a condamné «fortement» le tir nord-coréen, qui constitue selon elle «une violation éhontée de multiples résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et fait inutilement monter les tensions». Le missile n'a toutefois «pas représenté une menace» pour le territoire américain, a fait savoir plus tard John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l'Exécutif américain. La Corée du Nord doit «immédiatement s'abstenir» de toute nouvelle «provocation», a de son côté exhorté le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, en appelant à nouveau Pyongyang à revenir à la table des négociations. À Bangkok, où se tient un sommet Asie-Pacifique, la vice-présidente américaine Kamala Harris s'est réunie en urgence vendredi avec M. Kishida, le Premier ministre sud-coréen Han Duck-soo et les dirigeants du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Le 3 novembre, la Corée du Nord avait déjà lancé un ICBM mais ce tir avait apparemment échoué, selon Séoul et Tokyo. Le pays avait rompu en mars dernier un moratoire qu'il s'était auto-imposé en 2017 sur les lancements de ce type de missiles à longue portée, capables selon les experts militaires d'atteindre le territoire continental des Etats-Unis. Les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont intensifié ces derniers mois leurs manoeuvres militaires conjointes face aux menaces de la Corée du Nord. Séoul et Washington ont notamment mené fin octobre et début novembre les plus grands exercices aériens communs de leur histoire. Mais la Corée du Nord voit dans ces démonstrations de force des répétitions générales à une invasion de son territoire ou à une tentative de renversement du régime de Kim Jong U Mardi, le président américain Joe Biden a demandé à son homologue chinois Xi Jinping de faire pression sur la Corée du Nord pour qu'elle mette fin à l'escalade et renonce à effectuer un essai nucléaire, comme Washington et Séoul lui en prêtent l'intention. M. Biden, son homologue sud-coréen Yoon Suk-yeol et M. Kishida ont par ailleurs, dimanche, promis une réponse «forte et ferme» si Pyongyang réalise cet essai, qui serait le premier depuis 2017 et le septième de son histoire. La cheffe de la diplomatie nord-coréenne, Choe Son Hui, a répliqué que le renforcement de l'alliance militaire entre Séoul, Tokyo et Washington faisait «entrer la situation dans la péninsule coréenne dans une phase imprévisible». Pyongyang a procédé début novembre à une rafale sans précédent de tirs de missiles, dont l'un est tombé près des eaux territoriales de la Corée du Sud. La seule journée du 2 novembre a vu 23 tirs de missiles nord-coréens, soit plus que pendant toute l'année 2017, quand le dirigeant Kim Jong Un et le président américain de l'époque Donald Trump se menaçaient réciproquement d'apocalypse nucléaire. En septembre et octobre, Pyongyang avait déjà tiré une copieuse salve de projectiles, dont l'un avait survolé le Japon pour la première fois depuis cinq ans. Les analystes estiment que la Corée du Nord s'est enhardie face à la probabilité d'échapper à toute nouvelle sanction des Nations unies grâce aux divisions au Conseil de sécurité, où la Chine et la Russie bloquent désormais toute tentative américaine en ce sens. Si Moscou reste «fidèle» à une solution «diplomatique» pour la péninsule coréenne, «les Etats-Unis et leurs alliés dans la région (...) préfèrent un chemin différent (...), comme s'ils testaient la patience de Pyongyang», a critiqué vendredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.